Dans la brume matinale, les premiers frimas de l'hiver se font sentir, les mineurs affectés au poste du matin sortent de leurs corons, se réunissent et partent en direction de leur fosse. Plus qu'une journée de dur labeur avant dimanche, jour de repos. Mais les mineurs ne partent pas au travail l'esprit tranquille : le feu couve encore dans la veine Cécile. Le mardi 6 mars, un incendie se déclarait dans cette veine, à -326 mètres, probablement à cause d'une lampe de mineur. Le 7 mars à 22h, un conducteur qui ramenait son cheval à l'écurie découvrit l'incendie. Il fut décidé le 8 mars à 1h du matin de construire une "estoupée" c'est-à-dire une cloison de pierres sèches longue de trois mètres afin de condamner la galerie incendiée. Plusieurs barrages sont construits en toute hâte le 9 mars mais le feu prit aux bois et s'étendit rapidement. Malgré ces tentatives, le feu n'est toujours pas éteint le 10 mars à la première heure.
L'inquiétude gagne les mineurs. Avant de descendre, un groupe de mineurs se concertent quand même. Il faut en avertir la direction. Au siège de Billy-Montigny, la réponse est on ne peut plus claire : "On va arrêter la fosse pour 600 personnes ? Non, jamais !"
Malgré les remarques des mineurs, la direction ordonna de descendre en rappelant qu'ils ont fait perdre une heure de travail à la Compagnie. Ce n'était plus des hommes qui allaient descendre mais des condamnés à mort.
[...] On apprend qu'à la fosse 3 de Méricourt un soldat a disparu dans la catastrophe. En permission de quinze jours, le soldat Désiré Isbled, de Méricourt-Corons, dans le but de gagner quelques sous, a profité de sa permission pour retourner à la fosse 3 des mines de Courrières, où il travaillait autrefois. Il y retourna ce matin à quatre heures et demie à la fosse, la veille de l'expiration de sa permission. Que se passe-t-il au fond ? Tout le monde se le demande. [...]
[...] Ces longs paquets sont des cadavres qui n'ont pu être reconnus, ils sont calcinés, méconnaissables. Ils sont là, alignés, tels des animaux que l'on abandonne, mais pour l'instant, on ne peut s'occuper des morts, il faut encore tenter de sauver les mineurs vivants enterrés au fond. Un bruit de sonnette retentit, pas de doute, il y a encore des vivants sous leurs pieds. Mais il est dangereux d'aller les secourir. Les gaz asphyxient les sauveteurs qui tentent de pénétrer dans la fosse. [...]
[...] Enfin un peu d'air frais dans cette fournaise. Sans le savoir, Petitjean allait sauver des vies. Vers neuf heures, on pouvait tenter de redescendre pour sauver les mineurs. Mais à moins de 50 mètres de profondeur, des débris heurtent Petitjean et ses camarades. Il faut tout déblayer pour descendre encore et encore. Vers deux heures de l'après-midi, ils entendirent des cris venant du fond. Mais force est d'arrêter la recherche avant d'avoir consolidé même de façon sommaire les pièces branlantes du guidage. [...]
[...] Un spectacle d'épouvante s'offre à la vue des familles. Les blessés racontent un à un leur mésaventure. L'un d'eux, Léon Gobert, questionné par un porion dit " ce que j'ai, ce n'est pas grand-chose, je crois : un bras brisé, des contusions par tout le corps C'est dans la bousculade quand nous nous sommes précipités vers la remonte, vers l'air libre, que nous avons roulé les uns sur les autres. Des boisements aussi ont dû céder, se disloquer, on se heurtait à des éclats de bois, on trébuchait les uns contre les autres. [...]
[...] Quels dégâts ? Vers 8 heures, Voisin, son camarade et le jeune Charles Casteyes descendent une seconde fois, portant des médicaments pour leurs camarades du fond. Au fond, l'air est irrespirable, la cage ne doit pas descendre plus bas que l'étage 258. Mais la cage descend, descend, rien ne l'arrête. L'homme d'about saute de la cage, hurle. Ses cris alertent le mécanicien qui est au jour. Le mécanicien remonte la cage. Voisin et le jeune galibot Charles Casteyes sont asphyxiés. [...]
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