Au XIXe siècle, le ministère de la Marine dispose d'attributions sans doute plus étendues que celles de n'importe quel autre département. Les domaines que couvre son administration sont si vastes qu'Étienne Taillemite a pu parler d'un véritable « ministère de la mer » : militaire et maritime, bien sûr, mais aussi financier (administration de la caisse des invalides), judiciaire (tribunaux maritimes), agricole et commercial (pêche, pisciculture, ostréiculture), industriel et technique (gestion de forges et d'usines spéciales, aménagement de structures portuaires). Au-delà des mers encore, le département de la marine étend même quasi-souverainement son administration sur toutes les terres colonisées (l'Algérie exceptée). Sous le Second Empire, en outre, la marine française connaît un spectaculaire essor ; Napoléon III s'intéresse aux nouvelles techniques, à la vapeur, à la cuirasse, et la flotte, en pleine mutation, bénéficie de toutes ses attentions. Le budget du département passe de 117 millions en 1849 à 162,8 en 1870, et celui des colonies de 20 à 26,7 millions. La Marine assure la logistique d'opérations lointaines, en Crimée (1854-1856), en Chine et Cochinchine (1858-1860), au Mexique (1860-1866), l'activité de l'administration centrale redouble. Pourtant, à la même époque, la taille du ministère de la Marine demeure modeste. En 1814, il comptait 220 employés et ses dépenses se montaient à 1 240 000 F. Un demi-siècle plus tard, les chiffres n'ont quasiment pas bougé. Cette relative petitesse, si elle peut surprendre aujourd'hui, n'a alors rien d'exceptionnel. Seul le ministère des Finances fait déjà figure de grosse machinerie avec 1 482 employés en 1840 ; partout ailleurs, l'administration est à l'échelle humaine, voire familiale : 510 employés à la Guerre, 276 à l'Intérieur, 147 à l'Instruction publique, 143 aux Travaux publics, 80 aux Affaires étrangères, toujours en 1840 (...)
[...] Le ministre de la Marine n'est pas lié par les avis du Conseil d'amirauté, qui se compose des représentants les plus considérables de tous les corps de la Marine. Il ne saurait être lié davantage par les délibérations d'un comité formé de directeurs qui ne sont que des agents immédiats. Il y a là une question de convenance autant que de bonne administration. Au ministère de la Marine (comme d'ailleurs bien souvent dans les autres départements), le droit disciplinaire reste coutumier, et très paternaliste : qu'un commis fasse preuve d'inexactitude, comme cela est signalé par exemple à la direction du Personnel en mars 1853, et le directeur le convoque pour lui donner avec un froncement de sourcils un avertissement qui, je l'espère, écrit-il, me dispensera de porter plainte contre lui Aucun registre spécial n'est tenu, et même les dossiers du personnel, fort incomplets, ne portent pas toujours mention des sanctions disciplinaires infligées à l'intéressé. [...]
[...] En 1856, on compte à l'administration centrale de la Marine 16 employés nés avant le siècle. La direction des Colonies a même l'honneur d'abriter le plus vénérable de tous, un certain Aymé, âgé de 78 ans, commis de 1ère classe à F depuis un nombre d'années incertain, qu'on se décide enfin à mettre à la retraite. Sur la porte des ministères, écrit Maupassant, on devrait écrire en lettres noires la célèbre phrase de Dante : "Laissez toute espérance, vous qui entrez". [...]
[...] C'est le cabinet, qui apparaît au ministère de la Marine sous la Seconde République, et demeure durant tout le Second Empire un organe léger, souple et disponible. Une porte capitonnée le sépare du grand bureau ministériel, situé au premier étage, à l'angle de la rue Royale et de la place de la Concorde. Là, une demi-douzaine d'employés sont obligés à une disponibilité de tous les instants : tandis que l'employé de semaine (désigné à tour de rôle) arrive à 8 h tous les matins, deux autres (à tour de rôle également) doivent être de garde les dimanches et jours fériés, et rester jusqu'à ce que le ministre quitte le cabinet et que le directeur déclare la séance levée ; à tout moment même, les entrées et sorties sont réglées de façon à ce qu'il n'y ait jamais plus de deux absents en même temps. [...]
[...] La direction du Matériel est située au deuxième, côté cour intérieure, juste au-dessous de l'horloge. En 1865, le célèbre ingénieur Dupuy de Lôme, alors à la tête du service, eut le projet de s'étendre en aménageant l'attique au-dessus de l'horloge, pour y instituer une salle des modèles, mais il se heurta aux nécessités de rangement des archives ; il faut ajouter que le coût de cette salle des modèles était évalué à F. La direction des Colonies, malgré ses 50 employés, se contente de deux grandes pièces contiguës aux appartements du ministre, au premier étage. [...]
[...] Les cartons bâillent en laissant une traînée de poussière dans les rues. Les tables montrant leur quatre fers en l'air, les fauteuils rongés, les ustensiles avec lesquels on administre la France, ont des physionomies effrayantes. Plus grave, à la même époque, l'hôtel présente des signes inquiétants de vétusté, problème que l'exiguïté des locaux est loin d'arranger. Un chef de service écrit : Les bureaux occupés par M. l'inspecteur adjoint Vermot et par les deux commis du Contrôle central sont devenus inhabitables par suite de l'installation défectueuse des cheminées. [...]
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