Le sentiment national est, selon l'expression de Pierre Renouvin, une de ces « forces profondes » qui agissent sur les relations internationales, et le nationalisme en est la forme la plus extrême : fondant son action sur la notion même de « nation », il peut aller de la simple volonté d'un peuple de disposer de lui-même en tant que nation ai désir de puissance d'une nation qui se veut ou se croit supérieure, en passant par le repli sur soi identitaire dans un souci sécuritaire. Le nationalisme, reposant donc sur la conscience de soi qu'une nation a d'elle-même, se développe en Europe lorsqu'émergent, avec l'unité de l'Italie en 1860 et celle de l'Allemagne acquise en 1870, des Etats nationaux : il peut dès lors en effet fonder des politiques d'affirmation de soi, voire d'expansion. Au cours du XXème siècle, ce schéma semble se transposer des Etats-nations européens aux pays qui s'émancipent progressivement de la domination coloniale : il s'agit dès lors de comprendre la logique de ce mouvement de translation, et de voir l'évolution des enjeux. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, les nationalismes des Etats-nations occidentaux s'exacerbent ; au lendemain du conflit et jusqu'au début des années soixante, les nationalismes belliqueux des puissants sont discrédités au profit des nationalismes indépendantistes facteurs de guerres « justes » et des organisations internationales ; enfin les nationalismes doivent trouver leur place au sein de ces systèmes internationaux [...]
[...] Le réveil de l'islam contribue aussi à la manifestation de nouveaux nationalismes, à connotation religieuse, qui entraînent par exemple la révolution iranienne de 1980 qui met au pouvoir l'ayatollah Khomeiny. * * * Au cours du XXème siècle, les nationalismes ont trouvé diverses occasions de s'exprimer, plus ou moins violemment : après deux affrontements mondiaux, les nationalismes ont été à l'origine de guerres qui, parce qu'elles favorisaient une idée de liberté qui avait justement été spoliée par les nationalismes extrémistes du second conflit mondial, apparaissaient plus justes Redéfinis dans le cadre des systèmes d'organisation internationale, les nationalismes ont dû retrouver une place sur l'échiquier mondial dans le souci de se préserver de l'image négative du nationalisme tel que celui qui avait été à l'origine de la seconde guerre mondiale. [...]
[...] L'idée d'une organisation internationale qui gèrerait les tensions entre les différents nationalismes, proposée par le président américain Wilson dans ses quatorze points aboutit à la création de la Société des Nations en 1919, qui se révèle progressivement impuissante à apaiser les tensions. Le traité de Versailles, Diktat imposé aux vaincus, exaspère le nationalisme allemand dans une société brutalisée (G. Mosse) qui trouve son expression dans la progression du nazisme dans les années trente. Si l'un des principes formulés à Versailles par Wilson était le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes la nouvelle carte de l'Europe n'est pas pour autant favorable aux Etats-nations, et se révèle donc facteur de revendications nationalistes. [...]
[...] En effet non seulement le souci d'indépendance nationale, qui semble être une forme du nationalisme redéfini par la guerre et le contexte de guerre froide, n'est pas l'apanage des seules nations colonisées, mais l'enjeu des nationalismes est, pour tous, de trouver sa place à l'échelle mondiale. * * * Le souci d'indépendance nationale, s'il a d'abord naturellement été exprimé par les peuples colonisés, se manifeste aussi dans des pays comme la France, avec en particulier la politique de grandeur du général De Gaulle dans les années soixante : la France décide de se doter de sa propre force de frappe nucléaire et de sortir, en 1966, du commandement des forces intégrées de l'OTAN, afin d'échapper au poids de l'emprise américaine, et De Gaulle veut réconcilier la réalité avec l'image d'une France fidèle à l'idéal de liberté avec ses discours de Phnom-Penh (septembre 1966) et de Québec vive le Québec libre ! [...]
[...] Les Etats issus de la décolonisation eux-mêmes manifestent un souci d'indépendance à l'égard des deux blocs, qui prend la forme du mouvement des non-alignés, issu de la conférence de Bandoeng de 1955 et né véritablement à Belgrade en 1961. * La construction européenne qui se développe depuis le plan Schuman de 1950 et la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, reflète les deux logiques et d'indépendance vis-à-vis des deux blocs et d'intégration des nations dans une structure capable de limiter les tensions entre nationalismes : elle répond donc aussi à la recherche d'un cadre légitime d'expression des nationalismes allemands et français, d'où la difficulté de la construction d'une Europe dont la France veut pouvoir se servir pour faire entendre sa voix, mais que le général De Gaulle ne veut pas supranationale, et dont il refuse l'entrée à la Grande-Bretagne, cheval de Troie des Etats-Unis en 1963 et 1967. [...]
[...] Au cours du XXème siècle, ce schéma semble se transposer des Etats-nations européens aux pays qui s'émancipent progressivement de la domination coloniale : il s'agit dès lors de comprendre la logique de ce mouvement de translation, et de voir l'évolution des enjeux. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, les nationalismes des Etats-nations occidentaux s'exacerbent ; au lendemain du conflit et jusqu'au début des années soixante, les nationalismes belliqueux des puissants sont discrédités au profit des nationalismes indépendantistes facteurs de guerres justes et des organisations internationales ; enfin les nationalismes doivent trouver leur place au sein de ces systèmes internationaux. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture