La diversité des campagnes italiennes ne tient pas seulement au sol et aux cultures : elle tient essentiellement aux structures. La géographie du peuplement manifeste l'extrême disparité des formes d'organisation de la vie rurale. La part de la propriété paysanne, dans l'ensemble très minoritaire, obéit à de très fortes différences régionales. Les modes d'exploitation des terres obéissent à des logiques multiples, féodales ou pré-capitalistes. La société rurale italienne dans son ensemble est marquée par l'extrême inégalité des statuts et des conditions des hommes.
I) Les modes de peuplement
La géographie du peuplement oppose des régions de très haute densité (l'ensemble de la plaine du Pô, prolongée par l'Emilie-Romagne ; le littoral ligure ; la plaine de l'Arno et la plaine du Tibre ; la Campanie ; dans une moindre mesure, les Pouilles et les zones de collines de la Sicile (Palerme, Messine, Catane et Syracuse, Agrigente) et des régions de très faible densité humaine, montagnes, zones de sècheresse et plaines littorales répulsives.
Trois formes principales d'habitat rural dominent la péninsule italienne :
- L'habitat groupé caractérise essentiellement les vastes plateaux du Mezzogiorno et des îles ainsi que, sous une forme très différentes les Alpes et les régions les plus hautes des Apennins, en particulier les Abruzzes. Dans l'ancien royaume de Naples, dans la majeure partie du Latium, de la Sicile et de la Sardaigne, la population rurale est concentrée dans de gros bourgs ruraux, parfois de véritables agglomérations, isolés les uns des autres par de vastes superficies de champs et d'oliviers ; la main d'oeuvre rurale y est concentrée ; elle se réunit sur les places dans l'attente de l'embauche, dans un système dominé par la grande propriété ; journaliers et autres salariés agricoles parcourent chaque jour de longues distances pour se rendre jusqu'à leurs lieux de travail puis regagner le soir leurs habitations (...)
[...] Un grande thèse d'histoire rurale française : Maurice Le Lannou, Pâtres et paysans de la Sardaigne (1941)[1]. La société sarde est en effet caractérisée par la division du sol entre champs cultivés dans la périphérie immédiate des villages, propriété communale divisée et répartie en lots et salto soumis aux usages collectifs ou ademprivili (pâture, bois, semaisons) ; elle demeure assujettie au droit féodal : on compte à l'aube de la restauration 188 fiefs espagnols et 114 fiefs sardes possédant une juridiction propre ; 42 fiefs sardes sans juridiction et 32 fiefs appartenant à la Couronne (286). [...]
[...] À l'échelle nationale, la proportion de paysans propriétaires exploitants demeure toutefois assez faible, surtout comparée à la France : les statistiques fiables sont malheureusement très tardives ; et la crise agricole des dernières décennies du XIXème siècle a sans doute contribué à affaiblir encore la part de la propriété paysanne. On comptera au recensement de 1911, soit cinquante ans après l'Unité, 1,1M de propriétaires-exploitants (conduttori di terreni proprii) possédant environ 4Mha de terres. Cela représente 15% environ de la surface agricole utile et 18% seulement de l'ensemble de la population agricole : 43% au Piémont et 40% en Ligurie ; 32% dans les Abruzzes et en Molise ; 18% en Campanie ; mais 8 à seulement en Sicile, dans les Pouilles et en Calabre. [...]
[...] Cependant la rente en argent l'emporte sur la rente en nature et la commercialisation des produits agricoles est moins réduite. La société rurale est plus différenciée ; sa décomposition est cependant plus accélérée L'Agro Romano constitue un cas d'espèce dans l'histoire de la grande propriété aristocratique en Italie. Le sol est entièrement accaparé par les grandes familles de l'aristocratie romaine (les Borghese) et les grands établissements ecclésiastiques (le chapitre de Saint-Pierre du Vatican). Il est divisé en exploitations (tenute) gérées au nom des propriétaires absentéistes par des fermiers généraux ou mercanti di campagna. [...]
[...] Dans les régions de haute montagne, la population est également concentrée dans des villages situés dans des zones abritées des vallées ; mais le système n'est pas adossé à la grande propriété foncière. - L'habitat dispersé correspond à l'Italie du métayage (mezzadria). Le paysan vit isolé dans sa ferme au milieu de son exploitation. Ce mode d'habitat domine en Italie centrale, particulièrement en Ombrie, en Toscane, en Emilie et en Romagne, ou encore dans la Terre de Labour (Terra di Lavoro) au sud de Rome. [...]
[...] Ils sont aidés lors des gros travaux par des troupes de travailleurs migrants venus de Sabine, d'Ombrie, de Campanie, des Abruzzes ou des Marches et regroupés par bandes de plusieurs dizaines sous la direction de chefs de travaux (caporali). Le fermier (colono) doit une rente en nature ; il achète au prix fort sa semence. Il existe une classe plus aisée de propriétaires de troupeaux (buattieri). Le métayage (mezzadria) de l'Italie centrale constitue un autre type de faire-valoir indirect d'où ne sont pas absents des traits anciens, voire d'origine féodale. [...]
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