Quand en automne 1918 s'écroula le front allemand, les soldats désertèrent par milliers; mais les officier de la flotte voulant livrer une dernière bataille aux Anglais, les marins allemands crurent, à tort ou à raison, que tous ils trouveraient la mort dans une telle entreprise, et sur l'un des navires de combat ils refusèrent de servir. Le premier pas étant ainsi fait, les marins ne pouvaient plus rebrousser chemin et ils étaient obligés de généraliser leur lutte, pour éviter que le vaisseau en mutinerie ne fût coulé. Ils hissèrent donc le drapeau rouge, ce qui amena une insurrection sur les autres vaisseaux.
Le geste libérateur était accompli. Les événements se déterminaient rigoureusement l'un l'autre. Les marins ne pouvant rester isolés à bord, débarquèrent et marchèrent sur Hambourg. Comment seraient-ils accueillis par l'armée?
Celle-ci ne fit aucune résistance et les travailleurs de Hambourg les accueillirent avec enthousiasme. Par centaines de milliers soldats et ouvriers se solidarisaient avec les marins. Ceci devenait un point de départ possible pour une révolution allemande.
L'extraordinaire est que les ouvriers des centres industriels et les soldats étendirent un vaste réseau de Conseils Ouvriers et de Soldats sur toute l'Allemagne, bien que cette forme d'organisation leur fut jusque là inconnue. Ils étaient privés par la censure militaire des expériences de la Révolution Russe ; et aucun parti, aucune organisation n'avait jamais propagé cette nouvelle forme de lutte.
[...] Précurseurs des conseils Les Conseils Ouvriers avaient eu pourtant leurs antécédents. Déjà pendant la guerre cette manière spontanée de lutter était en germe dans les usines. Comme on le sait existent dans les syndicats allemands des "hommes de confiance" chargés de menues fonctions, et assurant un lien entre les syndiqués et leur direction. Les "hommes de confiance" faisaient connaître à la direction des Syndicats les divers griefs des ouvriers. Ces griefs, durant la guerre, étaient nombreux (les principaux portaient sur l'intensification du travail et lÕaugmentation des prix). [...]
[...] Importante différence d'avec la Révolution russe de 1917. En Russie, la 1ère Révolution, en mars, balayait le régime tsariste, mais la guerre continuait et le gouvernement Kérensky ne voulait pas d'une paix séparée. La question restait brûlante dans son indécision ; la révolution trouvait souvent dans ces obstacles des conditions déterminantes pour son développement. Tandis qu'avec effondrement de l'empire allemand l'aspiration première de la population, c'est-à-dire la paix, était comblée. L'Allemagne, transformée en République, serait rebâtie sur des assises nouvelles. [...]
[...] Nouvelles conceptions Pourtant de nouvelles conceptions virent le jour pendant les grands mouvements de masses de 1918-1923. Elles n'étaient pas le fait d'une "avant-garde", mais bien celui des masses elles-mêmes. Sur le terrain pratique, l'activité indépendante des ouvriers et des soldats avait reçu sa forme organisationnelle : ces nouveaux organes agissaient dans un sens de classe. Et parce qu'il y a une liaison étroite entre les formes de la lutte de classe et les conceptions de l'avenir, il va sans dire que çà et là les vieilles conceptions commençaient de s'ébranler. [...]
[...] Chaque usine faisait figure de "République indépendante" repliée sur elle-même. Bien que des organismes d'usines fussent une acquisition du mouvement de masses, il faut tout de même remarquer qu'ils n'étaient que le fruit d'une révolution échouée ou au moins une révolution stagnante. Il s'avéra vite impossible aux ouvriers de conquérir le pouvoir économique et politique par le moyen des Conseils, et qu'il y aurait tout d'abord à soutenir une lutte difficile contre les forces qui s'opposaient aux Conseils. Ainsi les ouvriers révolutionnaires commençaient à rassembler leurs forces dans toutes les usines pour maintenir un pouvoir direct sur la vie sociale. [...]
[...] C'était la ruine de la force ouvrière. Les dirigeants des Conseils ne recevaient plus leurs directives de la masse, mais de leurs différentes organisations. Ils adjuraient les travailleurs d'assurer "l'ordre", et proclamaient que "dans le désordre pas de socialisme". Dans de telles conditions, les Conseils perdirent rapidement toute signification réelle pour la classe ouvrière, les institutions législatives bourgeoises fonctionnèrent en se passant de l'avis des Conseils : là était précisément le but de l'ancien mouvement ouvrier. Malgré cette "révolution échouée", on ne peut dire que la victoire des pouvoirs conservateurs ait été simple. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture