« Guy Mollet reste le symbole de la trahison aux promesses faites, du double langage, de l'adversaire acharné des authentiques socialistes, de la médiocrité politique ». Cette citation d'un des biographes de Guy Mollet, Denis Lefebvre, met parfaitement en avant l'historiographie dépréciative qui s'est progressivement construite autour de cet homme politique. Secrétaire général de la Section Française de l'Internationale Ouvrière (SFIO) entre 1946 et 1969 et surtout Président du Conseil de la République française entre janvier 1956 et mai 1957, Mollet demeure toutefois à l'origine d'initiatives politiques fondamentales : c'est, par exemple, lui qui instaure une troisième semaine de congés payés en France ou qui avalise l'indépendance du Maroc et de la Tunisie. Sa gestion de la crise algérienne constitue cependant la pierre d'achoppement de sa carrière politique.
Voyant son pays s'embourber dans un conflit indépendantiste engagé dès 1954, Mollet arrive au pouvoir avec une volonté pacificatrice et réformatrice clairement affichée : comme il l'affirme dans sa déclaration d'investiture du 31 janvier 1956, son objectif prioritaire est de « rétablir la paix en Algérie », de « libérer de la peur les esprits des uns et des autres », de « réaliser l'apaisement des esprits ». Nous sommes pourtant forcés de constater que la politique de Mollet en Algérie constitue un échec cuisant. En quittant son poste de Président du Conseil en mai 1957, il avouera même : « Nous ne sommes pas réalistes en Algérie. La preuve, c'est qu'en un délai de seize mois, la durée de ce gouvernement, nous n'avons pas encore obtenu satisfaction, nous n'avons pas réussi ».
[...] Insistons, tout d'abord, sur les spécificités de la guerre coloniale en Algérie. Il convient dès lors de résoudre un important paradoxe à savoir l'attitude d'un gouvernement Mollet qui, tout en acceptant un processus de décolonisation du Maroc et de la Tunisie déjà entamé sous les législatures précédentes, demeurera inflexible au sujet de l'éventuelle indépendance de l'Algérie. Souvenons-nous alors de ces célèbres mots prononcés par Pierre Mendès-France : L'Algérie, c'est la France et non un pays que nous protégeons Intégré officiellement à la France en 1848, le territoire algérien est, en effet, devenu une colonie de peuplement où se sont installés près d'un million de métropolitains. [...]
[...] Voir son article publié dans le la revue les Cahiers des droits de l'homme, mai-juin 56. [...]
[...] Le lourd poids du passé et des institutions. Arrivant au pouvoir avec un élan réformiste incontestable, Guy Mollet semble toutefois omettre le passif de son parti en Algérie ainsi que la lenteur et les résistances d'une administration coloniale très craintive face à certaines réformes libérales qu'il propose. Précisons, en premier lieu, que l'importance donnée par Mollet à la tenue d'élections loyales en Algérie se combine mal avec les multiples fraudes électorales organisées par l'Administration française dans cette colonie depuis 1947. [...]
[...] Mollet compte alors bien prouver son attachement à la grandeur de la Nation ainsi que le patriotisme des socialistes en refusant coûte que coûte toute indépendance algérienne. Une politique de voie moyenne idéologiquement incompatible avec les deux extrêmes du conflit. En promouvant un compromis entre les liens indissolubles réunissant l'Algérie et la France et la reconnaissance de la personnalité algérienne, Mollet théorise une politique demeurant antinomique vis-à-vis des deux extrêmes de la guerre d'Algérie : les ultras de l'Algérie française d'un côté et les indépendantistes du FLN de l'autre. [...]
[...] Le soir même, Mollet semble plier : il accepte la démission de son ministre résident et nomme Robert Lacoste à son poste. S'il apparaît clairement que Mollet fut profondément choqué par cette journée et qu'il prit véritablement conscience du fossé séparant ces ultras des Musulmans algériens, il nous paraît cependant exagéré de parler d'un tournant répressif de la politique de Mollet et de dater ce tournant au 6 février 1956. Le dirigeant socialiste continuera, en effet, bien après cette journée, à préconiser une solution démocratique au conflit, et ce, malgré son caractère chaque fois plus illusoire. [...]
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