Peu avant la signature des traités de Westphalie qui devaient mettre fin à la Guerre de Trente Ans, en 1647, le Saint-Empire romain germanique avait été en grande partie détruit et occupé par des puissances étrangères (l'Espagne, le Danemark, la Suède et la France). En 1945, en Allemagne, la destruction et la division du pays, l'absence de structure politique dans les années d'après-guerre et l'anéantissement de la vie culturelle firent étrangement écho à la Guerre de Trente Ans.
Le récit Une rencontre en Westphalie (Das Treffen in Telgte), que Günter Grass rédigea en 1979, évoque l'émergence d'une nation culturelle au XVIIe siècle. Günter Grass imagina une rencontre entre des écrivains baroques à la fin de la Guerre de Trente Ans, par analogie avec le « Groupe 47 » (Gruppe 47), qui avait réuni des écrivains de langue allemande à partir de 1947, dans une Allemagne anéantie par la guerre. Ce groupe représente pour l'auteur une nation culturelle qui aurait été le substitut de la nation politique en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. La nation politique allemande avait elle-même disparu après la chute du IIIe Reich en 1945.
[...] Cette ville polonaise abritait le plus grand camp de concentration et d'extermination de l'Allemagne nazie. grimmige Mars oder der verfluchte Krieg ist die allerschrecklichste Straffe und abscheulichste Plage, mit welcher Gott die übermachte Bo²hlage, mit welcher Gott die übermachte Boβheit unzehliger Sünden des unbuβfertigen Teutschlandes nunmehr balde dreißig Jahre hat heimgesuchet.“ , Günter Grass, Das Treffen in Telgte, p „Denn Deutschland ist, hundert Jahre vor Bismarck, durch deutsche Schriftsteller und Philosophen, die den Geist der Aufklärung durch dieses Land wehen lieβen, kraft der Sprache geeinigt worden“, Des Kaisers neue Kleider, Rede im Bundestagswahlkampf, Grass, Günter, Essays und Reden 1955-1969, p Weber, Alexander, Günter Grass's use of baroque literature p Grass, Günter, Das Treffen in Telgte, p [ ] schmecke [ ]der Eigennutz Nürnbergs, die Vorsicht Sachsens, die schlesische Angst, der Dünkel Straßburgs Ibid., p „Wieder einmal war den Poeten nichts gewisser als ihre Ohnmacht und ihre mangelnde Kenntnis der politischen Kräfte“, Ibid. [...]
[...] L'auteur émet un point de vue lucide sur les conditions d'existence d'une nation culturelle. Cette dernière ne peut pas se réaliser si les hommes politiques ne reconnaissent pas le rôle de la littérature dans le processus identitaire national. Néanmoins, il semble que l'auteur adopte fermement le postulat selon lequel il serait malgré tout difficile de nier le rôle de la littérature dans le processus national, que ce soit au XVIIe siècle grâce aux sociétés culturelles et linguistiques ou au XXe siècle, avec la fondation du Groupe 47 Malgré le mépris dont témoignèrent les hommes politiques à l'égard des écrivains en 1979, Günter Grass garda l'espoir que la littérature, voire la culture, soit reconnue par les deux États en tant que composantes de la nation allemande. [...]
[...] C'était à eux, non aux puissants, qu'appartenait l'immortalité.[36] Le travail de l'écrivain traverserait les époques et transcenderait les frontières, tandis que le pouvoir politique serait instable et pourrait s'effondrer sans laisser de repères à la société. Dans Une rencontre en Westphalie, au moment où les écrivains sont épris de mélancolie à l'égard de leur travail, Andreas Gryphius fait choir un chardon dont le noyau reste intact. Ce chardon représente l'emblème qui illustre ce qu'aucun débat politique ne peut montrer : l'Allemagne. C'était ça la fleur et la patrie de tous ! [...]
[...] La nation culturelle ne serait donc que le pauvre substitut de la nation politique, tel que cela fut également le cas lors des siècles précédents : les sociétés baroques auraient certes conduit à la formation d'une nation culturelle, mais en 1871, l'Allemagne réalisa son unification par la force[32]. Le rôle des écrivains au sein de la société est donc perpétuellement menacé. Telle pourrait être la raison pour laquelle Günter Grass débute son récit par la phrase hier sera-ce que demain aura été[33] L'histoire ne serait qu'un éternel recommencement dans lequel les dirigeants politiques reproduiraient les erreurs du passé, tandis que les écrivains lutteraient vainement pour faire entendre leur voix[34]. [...]
[...] Cette scène serait le symbole de la nation culturelle, ce qui rejoindrait le postulat d'Alexander Weber selon lequel la fin du récit correspond à la naissance de la nation culturelle[38]. Une union culturelle se formerait à partir de cette métaphore de la patrie, dans la mesure où le langage leur [les poètes] avaient ouvert l'horizon, donné son éclat, remplacé la patrie[39] La langue allemande permit aux poètes de raviver leur sentiment d'appartenance à une nation caractérisée par la langue et la culture. [...]
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