Sous la notion de républiques sœurs, on désigne l'ensemble des Etats satellites qui, situés aux frontières de la France, ont constitué la « Grande Nation ». L'expression est en gestation depuis l'avancée des troupes françaises sur le territoire des Provinces-Unies en 1795. Elle est explicitement formulée par Bonaparte en août 1797 à Milan pour qualifier le processus historique selon lequel les peuples passent du statut d'agrégat culturel et social (le niveau inconscient de l'être ensemble) au stade de l'existence nationale (le niveau du sujet collectif, institutionnel, conscient de lui même ; il s'agit d'un passage progressif à la civilisation. Cette transition de l'agrégat culturel à la nation constituée suppose la médiation, pour les peuples nouveaux, d'une nation plus anciennement réalisée et disposant de la conjonction des institutions les plus libres et des moyens techniques de la puissance matérielle.
L'expression de « république sœur » témoigne de l'idée d'une fraternité des peuples, d'une fratrie universelle, mais aussi d'une mission civilisatrice de la France, aînée auprès de ses cadettes… Notons l'importance de cette réflexion sur le « cosmopolitisme » (étymologiquement : citoyen du monde) : cf. Cloots, les francs-maçons, les réflexions sur la paix, etc. À leur manière, Cloots et son projet de République universelle, et Brissot avec son projet d'Etats satellites qu'il appelait les « petits pâtés » avaient déjà projeté les Républiques Sœurs.
[...] Ainsi, la France offrira comme modèle les institutions du régime directorial ce qui ne sera pas sans décalage avec les aspirations de certains patriotes étrangers restés attachés au souvenir de la République révolutionnaire et aux idéaux de la Constitution de l'an I. Débute la politique des réunions Une réunion n'est pas une conquête, et pour les Conventionnels, les décisions de la France révolutionnaire ne peuvent être comparées aux partages contemporains de la Pologne, qu'ils dénoncent avec vigueur. La réunion, en théorie, se veut respectueuse des peuples : elle ne propose pas un lien de dépendance, mais une véritable intégration dans la nation française, qui permette aux nouveaux français de profiter des acquis de la Révolution. [...]
[...] S'inspirant de la même méthode, le comité révolutionnaire batave fit rédiger par les réfugiés hollandais de Kock et van Hooff, en octobre 1792, une Proclamation au peuple des Pays-Bas, et en janvier 1793 un Avis au peuple batave. Anacharsis Cloots écrivit une adresse Aux habitants des Bouches du Rhin et une Adresse aux Savoisiens. Beaucoup de tracts du même genre se diffusèrent aux frontières : lettre aux communes des villes, bourgs et villages de la Suisse de Castella, adresse au prince de Piémont d'Amédée Doppet Des tracts furent imprimés par l'imprimerie nationale en diverses langues orientales ; l'adresse de la convention nationale au peuple français du 9 octobre 1794 fut traduite en arabe par Pierre Ruffin ! [...]
[...] Parmi les Feuillants, majoritaires à la Législative, on trouve beaucoup de militaires. Ils sont alors nombreux à souhaiter la guerre, mais dans le but d'une victoire, qui redonnerait leur blason de généraux, et qui permettrait aussi de renforcer la constitution et le rôle exécutif du roi. Les Brissotins et le Parti de la guerre sont également bellicistes. Ils souhaitent évidemment la victoire, mais pour clarifier les positions, confondre le roi et la reine dans leur double jeu, et sortir ainsi de l'impasse politique que représente la constitution de 1791. [...]
[...] Ils expliquent au contraire que, par un vœu partagé, deux nations peuvent se réunir en une seule. C'est le cas pour la Corse fin 1789 : la Corse a été cédée en gage, pour remboursement, par Gènes à la France en 1768 ; un député corse, Salicetti, demande à ce que la Corse soit rattachée à la France en vertu de la volonté du peuple corse, et obtient gain de cause. L'idée du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes fut théorisée par Merlin de Douai à propos de la réclamation du cas des princes possessionnés d'Alsace : il conclut dans un rapport à la souveraineté française sur ces territoires ainsi que sur le reste de l'Alsace, dès lors que la volonté du peuple d'Alsace est d'être français. [...]
[...] Grisés par l'avalanche de succès de l'automne, les Girondins, liés à des exilés comme Anacharsis Cloots et le banquier genevois Clavière, et la majorité de la convention se rallient à la politique des frontières naturelles. Le 27 novembre 1792, l'annexion de la Savoie est votée à l'unanimité moins deux voix ; Danton proclame la doctrine des frontières naturelles dans un célèbre discours à la Convention du 31 janvier 1793 : les limites de la France sont marquées dans la Nature ; nous les atteindrons dans leurs quatre points, à l'Océan, au Rhin, aux Alpes, aux Pyrénées Depuis les champs de batailles, les généraux aussi relaient cette idée, tel Custine écrivant à la Convention que si le Rhin n'est pas la limite de la République, elle périra Deviennent ainsi successivement français le comté de Nice (31 janvier 1793), la principauté de Monaco (14 février), la principauté de Salm mars), la jeune République rauracienne (c'est-à-dire le territoire de Porrentruy, le 23 mars) ainsi que la Belgique et la Rhénanie (mars). [...]
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