Rétrospectivement, l'historiographie de la Révolution française a identifié un moment girondin, qui correspond à leur participation au pouvoir de mars 1792 avec un ministère « jacobin » comprenant notamment Roland et Clavière au 2 juin 1793, date de leur expulsion de la Convention et de leur mise en accusation
[...] Le problème qui s'est alors posé aux historiens est celui de la cohérence interne de la Gironde. En effet, contrairement à ce que l'on a pu penser et à ce que suggère Higonnet, il s'avère que le groupe restreint, le "cercle intérieur", a moins de cohésion encore que le cercle plus large des sympathisants lors des votes. Pour le procès du roi, les Girondins au sens strict du terme partagent leurs voix presque également entre la clémence et la sévérité, à laquelle se rallient par exemple Ducos, Vergniaud, Gensonné, Isnard ou Lasource ; lors de l'appel nominal contre Marat en avril, cinq députés seulement de ce même groupe sur treize présents se prononcent contre l'"Ami du peuple". [...]
[...] Mme Roland parle en effet après Varennes d'une "régénération par le sang" ; les Girondins participent tout autant à la dénonciation obsessionnelle du complot que leurs collègues jacobins ; ils utilisent la journée du 20 juin 1792 à leurs fins et préparent celle du 10 août ; enfin, leur réaction aux massacres de septembre est pour le moins ambiguë: s'ils sont comme l'ensemble de la classe politique horrifiés, ils n'osent pas les condamner trop vigoureusement pour que cet épisode soit oublié au plus vite. Par la suite, au cours de l'hiver et du printemps 1792-93, il semble qu'ils soient de plus en plus acquis au légalisme, encore que leur attaque contre Marat fasse peu de cas de son statut de député. Mona Ozouf fait remarquer que cet attachement à l'aspect formel du droit, du moment où il devient tributaire des circonstances, nie son principe même. La question de la guerre semble mieux à même de caractériser le groupe girondin. [...]
[...] Si l'on y adjoint les députés qui ont protesté contre la journée du 2 juin et dénoncé l'amputation de la représentation nationale, on arrive au chiffre de cent quarante Girondins. Ce dénombrement a le mérite de la clarté mais on peut après Mona Ozouf[2] souligner les limites de sa pertinence dans la mesure où un sort commun –encourir la disgrâce de la Montagne- ne suffit pas à construire une identité politique commune et dans la mesure où une protestation de principe contre une mesure illégale dépasse la sympathie pour un groupe de personnes particulier. [...]
[...] Cette définition stricte du groupe girondin est toutefois insuffisante et l'historiographie récente, notamment anglo-saxonne, a permis d'affiner sa physionomie. La technique employée pour "repérer" les girondins consiste à utiliser les différents votes de la Convention: vote nominal pour le procès du roi en janvier 1793, appel nominal contre Marat en avril, vote pour la réinstitution de la commission d'enquête girondine dite "des douze" en mai. Les auteurs parviennent à des résultats différents: Jacqueline Chaumié dénombre cent trente-sept girondins quand Michael John Sydenham[3] en compte deux cents. [...]
[...] La nature de la Gironde ne serait-elle largement tributaire des péripéties, de conjonctures contingentes ? Les Girondins sont finalement les hommes qui à partir de la mise en place de la République deviennent conservateurs et essaient d'arrêter la Révolution au stade qu'ils jugent être le bon et le dernier avant l'anarchie. Ils subissent le même sort qu'avant eux les Monarchiens puis les Feuillants en étant débordés sur leur gauche par un groupe rival utilisant la formidable puissance et l'autonomie du processus révolutionnaire. [...]
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