Reconstituée par Alexandre Dumas dans sa Quête de Varennes (1860), relatée par de nombreux historiens, dont les plus connus sont Charles de Lacretelle et Jules Michelet, cette épopée tragique, au XXe siècle encore, a été repris au cinéma par Ettore Scola (La Nuit de Varennes). Si cet épisode se prête à la romance, il est loin d'être un moment marginal, une parenthèse au sein de la Révolution française, qui ne devrait été retenu que comme un drame supplémentaire de la longue descente aux enfers de la famille royale.
Bien plus que cela, il joue un rôle d'articulation dans le processus révolutionnaire. La fuite du roi est un des éléments majeurs qui, par l'ampleur de ses conséquences, permettra le passage d'une monarchie constitutionnelle à une République.
[...] Marat en appelle à l'avènement d'un dictateur dans l'Ami du peuple. Le club des Cordeliers réclame l'instauration d'une république dans une pétition adressée à l'Assemblée. Une opinion publique émerge, cèle des "citoyens actifs", à travers ces clubs et ces sociétés que l'épisode de Varennes pousse sur le devant de la scène, et qui nourriront le conflit entre monarchistes et républicains une année durant. La remise en cause du concept de la royauté est liée, selon les mots de Michel Winock, à une "double désacralisation", celle des deux corps du roi: la fonction ET la personne du roi sont atteintes suite à ce que les Français perçoivent comme une trahison. [...]
[...] La fuite du roi est un des éléments majeurs qui, par l'ampleur de ses conséquences, permettra le passage d'une monarchie constitutionnelle à une République. C'est dans cette perspective qu'il doit être étudié: il a remis en cause la conception que les Français avaient du roi et de son statut; ébranlé les fondements encore peu solides de la toute jeune monarchie parlementaire; enfin, exploité habilement par les républicains, a mené l'effondrement d'un régime discrédité et à l'avènement de la République. L'historien américain Thimothy Takett a ainsi montré que le traumatisme de la trahison du roi dans la population, et l'intervention des armées autrichiennes que cette fuite manquée a provoquée a même joué un rôle central dans l'enchaînement d'évènements qui mènera à la Terreur. [...]
[...] Louis XVI escompte plutôt obtenir une intervention des armées étrangères en sa faveur, mais ses espoirs se heurtent à l'immobilisme des puissances étrangères. - Lorsque Louis XVI veut, en avril 1791, aller fêter ses Pâques à Saint- Cloud, le peuple parisien l'en empêche, craignant une manoeuvre pour fuir Paris. Cet épisode achève de déterminer le roi à fuir. Le plan de fuite est mis au point par Axel de Fresen: la famille royale doit se réfugier à Montmédy, place forte à la frontière des états autrichiens, sous la protection des troupes du Marquis de Bouillé. [...]
[...] La fuite du roi consomme la rupture entre les modérés et les ultras. Varennes met à jour des lignes de fractures importantes au sein des révolutionnaires, entre les modérés favorables à la monarchie et la gauche républicaine. - Cette fuite est une catastrophe pour les modérés au sein de l'Assemblée, car la toute jeune monarchie constitutionnelle a par définition besoin du roi. Aussi leur faut-il à tout prix sauvegarder la légitimité du monarque. Ils tentent dans un premier temps de faire croire à l'enlèvement du roi. [...]
[...] Même si la Constituante décide finalement d'absoudre le roi, on peut à la lumière de ces mots saisir à quel point le statut du monarque a été définitivement altéré dans la conscience des Français. C'est un pas de plus qui les éloigne de la monarchie. La fuite du roi constitue un point de non-retour et une rupture véritable, bien qu'elle soit momentanément "étouffée". Avec l'épisode de Varennes, la révolution aurait pu prendre un autre tour: "Allons-nous terminer la révolution? Allons-nous la recommencer? [...]
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