La période qui voit les institutions et structures de la France bouleversées de fond en comble et renouvelées, s'accompagne également d'une explosion de la puissance française et de son débordement sur les pays européens, dans une mesure encore jamais connue auparavant, pas même pendant le Grand Siècle. A travers les guerres de la Révolution et de l'Empire, la France, galvanisée, semble comme transfigurée, pendant une longue période qui va de 1792 à 1814/15. L'expansion française s'entend dans un premier temps comme réponse à la menace contre-révolutionnaire des puissances de la Vieille Europe, puis se poursuit dans la conscience de la supériorité et de la validité universelle des idées et principes de 1789. En plaçant de plus en plus de pays sous sa domination, la France déclare qu'elle entend aussi leur appliquer ces principes, et elle est à l'origine de multiples réformes et transformations dans les pays concernés.
L'expansion militaire française a-t-elle modernisé le reste de l'Europe ? A-t-elle seulement eu pour but prioritaire cette modernisation, ou est-ce que le messianisme universaliste et révolutionnaire affiché cache des ambiguïtés ? Le bilan de cette modernisation importée manu militari dans les pays concernés est-il positif, ou quelles sont ses limites ? En dernière analyse, est-ce que l'expansion guerrière de la France révolutionnaire et impériale a plutôt favorisé ou compromis la diffusion des principes de 1789 ?
[...] La Marseillaise : défendre la révolution en France, mais aussi renverser les tyrans en Europe et libérer les peuples. Dans cette lutte de la France révolutionnaire contre une Europe antirévolutionnaire, impossibilité d'atteindre un point d'équilibre : d'où la chronologie tourmentée des paix et reprises d'hostilités entre la France et la Prusse (paix de Bâle), l'Angleterre (Amiens), la Russie (Tilsit), l'Autriche, etc. Dans les pays conquis, des bouleversements profonds et des réformes considérables Accueil d'abord souvent favorable, enthousiasme des intellectuels (cf. [...]
[...] Car les idées révolutionnaires restent inoubliables. Nombre de leurs effets sont indélébiles. Le propre Congrès de Vienne par souci de stabilité conserve en partie le statu quo et entérine ainsi une partie des réformes menées à l'époque des Français comme on dit dans les pays auparavant soumis par la France. Il n'en reste pas moins que la chute de l'Empire français constitue un revers pour l'héritage de 1789 et donne lieu à une longue période de réaction politique, pendant laquelle les idées révolutionnaires sont contraintes de cheminer souterrainement. [...]
[...] C'est cependant négliger la face sombre de cette expansion et les effets en retour, souvent défavorables, qu'elle provoque. L'exportation de la révolution connaît des limites et suscite des résistances Universalisme ou impérialisme : l'ambiguïté des intentions et des objectifs Sous un discours révolutionnaire, la France poursuit de vieux objectifs géopolitiques. Le contrôle de la rive gauche du Rhin, de la Suisse, de l'Italie du Nord Dès la République thermidorienne, les Républiques sœurs sont mises à rude contribution (taxes, pillages ) ; aggravation sous Napoléon, peuplant les trônes de l'Europe de membres du clan Bonaparte, faisant supporter le poids du blocus continental aux économies des pays occupés, désavantagées par rapport à l'économie française Les réformes initiées par la France pas forcément destinées uniquement à faire le bien des populations, mais à servir l'intérêt de la domination française ; réformes administratives et juridiques pour homogénéiser la gestion des territoires intégrés à l'Empire français. [...]
[...] S'il est vrai qu'elle a véritablement réveillé bon nombre de pays et accéléré le cours de l'évolution de leurs sociétés en faisant brutalement irruption dans leur vie avec des principes radicalement nouveaux et irrésistibles, elle a aussi porté atteinte au prestige de ces idées par une pratique souvent brutale et injuste et une sincérité insuffisante de sa démarche. La France a mis l'essor de ses propres idées en danger, car les résistances nationales que sa dérive impérialiste devait immanquablement provoquer ont souvent emprunté la forme du réflexe antirévolutionnaire. Cette réaction de l'Europe a même failli tout emporter de l'héritage de 1789, y compris en France. L'ordre européen mis en place par les puissances à Vienne en 1815 se veut explicitement antirévolutionnaire. [...]
[...] En dernière analyse, est-ce que l'expansion guerrière de la France révolutionnaire et impériale a plutôt favorisé ou compromis la diffusion des principes de 1789 ? Nous verrons dans un premier temps comment la France (sûre de ses idéaux révolutionnaires et de son bon droit à travers des guerres dont l'origine fut d'ailleurs défensive) parvient effectivement à exporter sa révolution et mène une importante œuvre de réformes dans les pays conquis en application de ses principes. Ensuite, nous verrons cependant que cette exportation de la révolution connaît des limites, essentiellement constituées par l'ambiguïté des intentions et le manque de désintéressement de la politique de conquête, et ne manque d'ailleurs pas de susciter des résistances parfois redoutables, au point de menacer la diffusion et l'assimilation des idées de 1789. [...]
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