Ces incompatibilités qui séparent les deux pays des deux côtés de la Manche sont bel et bien connues, de même la conséquence spectaculaire et paradoxale qui en découle : à partir de 1950, la construction européenne est franco-allemande, elle est l'œuvre de deux anciens ennemis. Il ne faut pas oublier que la situation internationale à partir de 1947 change : la reconstruction s'opère dans le contexte de la guerre froide qui oppose ses vainqueurs et occupants, l'Allemagne en sort scindée en deux Etats étrangers et hostiles.
On pourrait alors se demander comment la France et la Grande-Bretagne, face aux nouveaux changements, divergent sur la question allemande. Est-ce que la France et la Grande-Bretagne adoptent une politique commune face au problème allemand de 1945, à la suite de la Conférence de Yalta à 1950, début du projet d'une Communauté Européenne de Défense? Plus généralement, pourquoi les deux pays ont une perception différente des objectifs et des modalités de mise en œuvre d'une sécurité européenne commune ?
Il conviendra donc de répondre à cette problématique en articulant notre réflexion en trois temps : il s'agira d'abord de voir les conceptions différentes de la France et de la Grande-Bretagne vis-à-vis du « danger » allemand en 1945 puis se demander s'il s'agit d'un faux semblant d'entente sur la question allemande : s'il y une « vision partagée » avant de constater un réel éloignement franco-britannique face au problème allemand.
[...] La Sarre serait rattachée à la France de façon plus étroite. Cette position est reprise dans le mémorandum du 14 septembre 1945 sur le contrôle et l'administration de l'Allemagne. Pendant les conversations de Londres du 12 au 20 octobre 1945 entre Couve de Murville et Olivier Harvey, les Français demandèrent officiellement l'occupation militaire de la rive gauche du Rhin, la création d'une entité particulière en Rhénanie, l'utilisation des mines de la Sarre par la France, la création d'une entité politique indépendante dans la Ruhr dénommée Territoire de la Ruhr et gouverné par l'ONU. [...]
[...] La France et La Grande-Bretagne face au problème allemand (1945-1950) Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'Allemagne n'est plus qu'un champs de ruines. Maîtres par leur victoire du destin du pays, les Alliés doivent d'abord assurer sa survie au centre de l'Europe. Par la déclaration du 5 juin 1945, les Alliés annoncent qu'ils prennent en charge le sort de l'Allemagne ; le 30 juillet, en application de cette décision, le Conseil de contrôle quadripartite qui réunit les quatre commandants en chef américain, soviétique, anglais et français tient à Berlin sa première réunion ; au mois d'août, la Conférence de Postdam, après avoir entériné les annexions de fait opérées par la Pologne et l'Union soviétique, prévoit que l'Allemagne sera traité comme une entité économique unique et, à cette fin, envisage la création d'une administration centrale capable de gérer les finances, les transports et le commerce extérieur ; pour donner à cet embryon de gouvernement une certaine représentativité, la reconstitution des partis politiques pour l'ensemble de l'Allemagne est autorisée (toutefois, le parti national-socialiste est interdit en septembre). [...]
[...] Des élections eurent lieu en Allemagne le 14 août. Le 12 septembre, le professeur Théodore Heuss, libéral, fut élu président de la République fédérale allemande et le 15, le Dr Konrad Adenauer fut élu chancelier. A la fin de septembre 1949, l'Allemagne de l'Ouest existait à nouveau comme puissance politique autonome. Mais, si la France a concédé la fusion des trois zones, sous la pression de ses alliés, dans un moment de panique pour accéder au droit d'être partie prenante à l'avenir de la Ruhr, alors qu'elle est de jure puissance occupante de l'Allemagne. [...]
[...] Bibliographie : Ouvrages généraux : Bell P., France et Britain, 1940-1994. The long Separation, Londres : Longman Duroselle J-B., Histoire des relations internationales de 1945 à nos jours, Paris : Armand Colin Girault R., Frank R., Thobie J., La loi des géants, 1941-1964, Paris : Masson Zorgbibe C., Histoire des relations internationales 1945-1962, Paris : Pluriel Ouvrages spécialisés : bossuat g., L'Europe des Français, Paris : Publications de la Sorbonne berstein s., milza p., L'Allemagne 1870-1970, Bruxelles : Editions complexe Deighton A., The impossible Peace : Britain, the Division of Germany and the Origins of Cold War, Oxford : St. [...]
[...] Mais bien que le gouvernement britannique ait fréquemment exprimé, durant la Deuxième Guerre mondiale, son vif désir de voir la France de l'après-guerre, alliée de la Grande-Bretagne, recouvrer une position forte, il n'a pris, après 1945, aucune mesure pour faire de cette promesse une réalité. De plus, le syndrome de l'an quarante est présent dans les esprits, et ce syndrome n'est pas seulement le monopole de la France. Si la France garde plus longtemps que l'Angleterre une peur de l'Allemagne au point de percevoir plus tardivement le problème soviétique si elle éprouve le besoin, après l'humiliation d'une telle défaite, de restaurer son rang perdu, ce qui multiplie les sources de tensions avec les Anglo-saxons, les Britanniques de leur côté, ne placent plus la France, capable et coupable d'une telle défaillance, au centre de leur dispositif de sécurité. [...]
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