France, Hippolyte Taine, Nicolas Baverez, Michel Serres, Marcel Gauchet, histoire de France, déclin, cyclicité historique, Paul Valéry, Charles de Gaulle, Georges Valance, Europe, Alain Peyrefitte, mal français
"Vous savez bien que j'ai toujours eu des idées grises à l'endroit de la France. Le gris est venu noir ; je vois d'ici à un an la guerre civile, un peu plus tard, une seconde invasion, et peut-être à la fin, la scission de la France en deux." C'est par ces mots que s'adresse Hippolyte Taine à Émile Boutmy dans une lettre du 6 mars 1871. Quelques mois auparavant, la défaite de la France lors de la guerre contre la Prusse marque durablement les esprits. Pour certains hommes de lettres, comme Hippolyte Taine, la France est au bord d'un gouffre. Sa chute est inéluctable.
[...] Le Capitole était l'endroit où siégeaient les temples de Minerve, de Junon et de Jupiter. Il symbolisait donc la grandeur et la toute-puissance de la ville. Mais c'est sur aussi ce dernier que se situait la Roche Tarpéienne d'où étaient jetés les criminels condamnés par Rome. Le Capitole, symbole de grandeur, jouxtait donc le lieu où celle-ci prenait fin. De cette situation particulière est née la fameuse maxime romaine « Arx tarpeia Capitoli proxima » qui signifie que « la roche tarpéienne est proche du Capitole ». [...]
[...] Le déclin se traduirait-il donc par le fait que les Français soient traumatisés par le passé de leur pays ? Les travaux de Nathan Nunn et Leonard Wantchkon dans leur ouvrage « The Slave trade and the origins of Mistrust in Africa » nous éclairent à ce sujet puisqu'ils montrent que l'histoire, même très ancienne, peut marquer profondément une société jusqu'à en bouleverser ses performances économiques. Par exemple, la pauvreté que traverse l'Italie du Sud frappée par un haut niveau de défiance de sa population prendrait racine dans un système féodal qui s'est perpétué jusqu'en 1861, date de l'unification de l'Italie. [...]
[...] Affirmer que la France est une « grande lumière qui s'éteint », sous-entend qu'elle est – réellement, ou dans les imaginaires –, une grande lumière. Elle rayonnerait ainsi de par le monde en s'appuyant sur des valeurs et un passé glorieux. Mais encore faut-il organiser et transmettre ce passé. C'est le rôle de l'histoire, qui permet d'imprégner l'imaginaire collectif français en scellant l'idée de grandeur au cœur de ce que Pierre Nora appelle le « roman national ». C'est sous la Troisième République qu'une telle entreprise voit le jour avec la création d'une mystique républicaine contribuant pleinement à l'écriture du roman national. [...]
[...] Toute crise semble donc source de paradoxe. Pour Marcel Gauchet, par exemple, « la crise de l'autorité s'accompagne, en même temps, d'une demande d'autorité ». Par ailleurs, il ne peut y avoir de déclin sans élément de comparaison. Ainsi, le rôle de l'histoire est prépondérant. Cette dernière est essentielle pour justifier la grandeur de la France. Comme l'évoque Michelet « un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire, voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale ». Dès lors, dans quelle mesure les « rayons de « l'astre français » - du poème éponyme de Jean-Baptiste Baudin - faiblissent-ils à la lumière de l'histoire, et de ses mythes ? [...]
[...] L'histoire de France est perçue comme une nouvelle religion, que l'on peut tout à la fois chanter, écrire, ou peindre. Lionel Royer s'est inscrit dans ce mouvement avec ses peintures historiques telles que Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César ou les grandes scènes de la vie de Jeanne d'Arc, peintes sur les murs de la Basilique du Bois-Chenu, à Domrémy. Le Ministère de Victor Duruy paracheva ce mouvement en érigeant l'histoire comme la matière reine à l'école primaire. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture