[...]
Ce changement de politique aboutit à la création du Conseil de l'Europe, mais la réticence du Royaume-Uni n'en fait qu'une organisation intergouvernementale de plus. Avec le plan Schuman, la France se lance ensuite résolument, sous l'impulsion commune des démocrates-chrétiens et des socialistes, dans l'aventure européenne, et ce malgré l'opposition des communistes, des gaullistes, d'une fraction de la droite parlementaire et du patronat. Au printemps 1950, on peut considérer que la politique allemande et européenne de la France a trouvé son équilibre. La France a accepté la création de la RFA, puisque, de toute façon, il était impossible de faire autrement. Mais, d'autre part, les bases d'une Europe économique intégrée, incluant, outre la France, la RFA, l'Italie et le Benelux, sont jetées. Pour sa sécurité, la France compte alors sur les Etats-Unis et l'Alliance atlantique, qui doit garantir la France contre l'URSS mais aussi contre une éventuelle résurgence du nationalisme en RFA, celle-ci ne faisant pas partie de l'Alliance atlantique. Pour la plupart des dirigeants français, cet équilibre est satisfaisant et aurait dû perdurer. Mais Corée/CED. Pour Georges-Henri Soutou, L'alliance incertaine Les rapports stratégiques franco-allemands, 1954-1996, Paris, Fayard, 1996, c'est un moment décisif pour la politique européenne de la France. Avec la CED puis la CPE, les Français comprennent que l'idée de contrôler l'Allemagne par l'intégration peut avoir des effets inattendus. En plein redressement économique, sans guerre coloniale, c'était la RFA qui risquait de conduire l'intégration européenne, ce qui remettait en cause l'arrière-pensée essentielle des Français depuis 1950. La fin de la CED constitue donc un tournant capital et la fin de l'intégration européenne comme instrument privilégié de la politique extérieure française. Même s'il reste des partisans convaincus de l'intégration, la France passe désormais à une conception plus modérée de l'intégration européenne, et ce bien avant le retour du général De Gaulle en 1958. L'accent est désormais plutôt mis sur une conception intergouvernementale de l'Europe, sur une Europe des Etats. Avec des hauts et des bas, et certainement un durcissement avec De Gaulle, surtout pendant les années 1964-1969, un nouvel équilibre s'instaure à partir de 1954, et la politique européenne de la France est dès lors marquée par une certaine continuité, puisque cet équilibre se maintient jusqu'au traité de Maastricht (compris). La thèse défendue par Georges-Henri Soutou est intéressante, mais ne sous-estime-t-elle cependant pas la part de supranationalité qui subsiste dans la CEE ? Elle pose certainement moins de problèmes si l'on insiste davantage sur le tournant (qu'il est certes possible de relativiser dans certains domaines) qui se produit avec le retour du général de Gaulle au pouvoir (...)
[...] Résoudre la question allemande. Après la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements français cherchent d'abord à conduire de front deux politiques contradictoires : rendre d'une part l'Allemagne définitivement impuissante. Renforcer d'autre part les liens entre les autres pays d'Europe. La première politique est rejetée par les alliés de la France et doit être abandonnée en 1949, avec la création de la RFA, même si la souveraineté du nouvel Etat ouest-allemand est encore réduite. La deuxième est perceptible à partir de la mi-1947 quand le terme d'Europe entre dans le langage du ministre des Affaires étrangères Georges Bidault. [...]
[...] Mais l'on peut aussi estimer que l'Europe a été une chance pour la France, au moins dans deux domaines. Elle a désenclavé l'économie française. Elle a permis de résoudre en grande partie le problème allemand, obsession majeure de la France au vingtième siècle. Et pour l'Europe, la France a-t-elle été une locomotive ou un frein ? La thèse d'une France locomotive s'appuie sur de nombreux faits. C'est la France qui s'est le plus acharnée à faire de l'Europe autre chose que la zone de libre-échange dont voulait le Royaume-Uni. [...]
[...] François Mitterrand se serait avant tout soucié de rendre la réunification acceptable par les voisins, en particulier orientaux, de l'Allemagne. C'est dans ce but qu'il aurait obtenu que le chancelier Kohl accepte (en février 1990) que le statut de la ligne Oder-Neisse ne soit pas fixé par un acte unilatéral du Parlement allemand réunifié, mais par une décision internationale. Cette thèse d'Hubert Védrine n'emporte cependant pas pleinement la conviction et il doit d'ailleurs admettre que François Mitterrand n'était pas dépourvu d'états d'âme face à la réunification.] Il est en revanche certain que François Mitterrand comprend assez vite que la réunification pure et simple serait rapide, la transformation de l'Europe de l'Est radicale et qu'une relance de l'Europe occidentale aurait plus de chances de succès dans l'immédiat que la construction d'une vaste confédération européenne. [...]
[...] A partir de 1947, lors de chaque grand débat devant l'Assemblée nationale, Georges Bidault évoque donc la nécessité de construire l'Europe. Celle-ci offre l'avantage d'encadrer l'Allemagne. La construction européenne présente en effet un substitut à une politique allemande qu'il a été impossible de faire prévaloir. C'est le retour à ce qui avait été l'idée de Briand. Faute de contraindre l'Allemagne, il faut la ligoter dans une union européenne. Ce sera le meilleur cadre pour une réconciliation franco-allemande, donc la meilleure garantie contre une nouvelle guerre et aussi, avec l'appui de l'Amérique, le meilleur moyen de résister à l'impérialisme soviétique. [...]
[...] Sans la politique de rigueur que met en œuvre Pierre Mauroy à partir de mars 1983, le tandem franco-allemand n'aurait pas fonctionné et aucun pays européen n'aurait consenti à se laisser entraîner par une France engagée dans une expérience économique purement hexagonale. Dès lors François Mitterrand prend une part active à l'évolution de l'Europe. Un moment essentiel du redémarrage de la construction européenne est alors le Conseil européen de Fontainebleau, en juin 1984. La construction européenne est alors bloquée depuis 1979-1980 par madame Thatcher qui réclame une ristourne sur la contribution britannique. Français et Allemands font alors front commun, et, ne pouvant les opposer, Margaret Thatcher accepte après d'âpres négociations une ristourne de financée aux deux tiers par les Allemands. [...]
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