La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est assimilable à un lourd pavé lancé dans la marre que constitue l'empire colonial français en 1789. En la rendant applicable à tous les hommes, mais sans préciser si son application concerne les colonies ("la Déclaration des droits de l'homme est la déclaration des droits de l'homme blanc" M. Vovelle), les révolutionnaires ne font finalement que soulever des interrogations quant au sort des populations maintenues en esclavage, laissant les réponses aux mains des Assemblées coloniales locales, résolument défavorables à l'abolition. La France est toujours un pays esclavagiste lors de la révolution de 1848, lorsque naît la seconde République, elle a pourtant déjà vécu une abolition ratifiée le 16 pluviôse de l'an II (soit le 4 février 1794). Il faut ensuite attendre 1802 pour que le Premier Consul soit l'auteur du rétablissement de l'esclavage dans les colonies ou celui-ci avait disparu. Il n'en demeure pas moins que cette période qui s'étend de 1794 à 1802 est une première pour les pays européens, jamais aucun n'avait donné les mêmes droits aux hommes sans considération de leurs couleurs. La période en France est marquée par une agitation politique sans égale, coups d'État et nouvelles constitutions succèdent à la révolution: cela rend d'autant plus compliqué d'appréhender les dynamiques qui ont mené à cette abolition.
La vie politique sur la question coloniale est marquée à de nombreuses reprises par la Société des Amis des Noirs, association fondée le 17 février 1788 par Mirabeau, Brissot et Clavière, se basant sur le modèle anglophone de la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade. Véritable groupe de "lobby" de la période post révolutionnaire, la Société à mi-chemin entre héritage des Lumières et modèle libéral entend influencer le débat politique afin d'obtenir l'abolition de la traite négrière, et sur le plus long terme (objectif de deux ou trois générations) l'abolition de l'esclavage. Assez peu d'informations sont finalement disponibles sur cette Société pour venir confirmer ou infirmer les nombreuses influences qui lui sont prêtées. Active de 1788 à 1792, on perd ensuite la trace de son existence jusqu'en 1797, date à laquelle une seconde Société des Amis des Noirs (et des colonies) est fondée.
[...] Ce libéralisme n'est d'ailleurs pas incompatible avec la pensée des Lumières: la colonisation peut être mise en avant selon qu'elle permettrait aux hommes de mieux partager les retombées du progrès technique. Ici déjà se dessine une dynamique complexe de la Société: opposée à la traite négrière et fervente supportrice d'une sortie progressive de l'esclavage, elle n'est pas pour autant l'ennemie des colonies (comme on a pu l'accuser dans les milieux antiabolitionniste par exemple). Il est essentiel de développer l'aspect international du programme de la Société des Amis des Noirs. [...]
[...] Dans la lignée des Lumières toujours, la Société des Amis des Noirs met aussi en avant l'idée de l'unité de l'espèce humaine, chère aux penseurs des Lumières. Ainsi, l'égalité naturelle des hommes rend intolérable l'esclavage. Pourtant, le programme de la Société semble assez peu empressé de consacrer l'abolition de l'esclavage. Il s'agit en effet d'un de ses objectifs sur le long terme (à l'échelle de trois générations): les Noirs devraient être éduqués et accompagnés jusqu'à leur liberté. Ici il ne faut pas interpréter ce projet comme issu d'une conception anthropologique inégalitaire quelconque, il faut en revanche comprendre que d'autres considérations politiques comme économiques rentrent en jeu. [...]
[...] France et Antilles: Une histoire transatlantique Exposé: La Société des Amis des Noirs (1788-1799) La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est assimilable à un lourd pavé lancé dans la marre que constitue l'empire colonial français en 1789. En la rendant applicable à tous les hommes, mais sans préciser si son application concerne les colonies Déclaration des droits de l'homme est la déclaration des droits de l'homme blanc" M. Vovelle), les révolutionnaires ne font finalement que soulever des interrogations quant au sort des populations maintenues en esclavage, laissant les réponses aux mains des Assemblées coloniales locales, résolument défavorables à l'abolition. [...]
[...] Cette politique coloniale apparaît bien comme une tentative de reconquête institutionnelle des colonies en partie inspirée par la Société des Amis des Noirs. Entre division interne et opposition externe: la disparition de la Société Cette politique devient très vite compliquée à mener pour le gouvernement. De plus en plus un fossé se creuse entre un exécutif défenseur du régime constitutionnel et donc de facto de la liberté générale et un Corps législatif qui demeure dominé par une volonté de restauration des hiérarchies traditionnelles. [...]
[...] En effet, le maintien de l'influence de la société tient aussi à son pragmatisme et à sa capacité à se maintenir dans le jeu républicain afin de devenir un groupe d'influence réelle sous le Directoire qui connaît pourtant plusieurs revirements de situation pas toujours favorables à l'abolition. La situation est d'autant plus complexe qu'au sein même des Antilles, la situation post 1794 est totalement hétérogène et varie radicalement d'une île à l'autre. On peut notamment penser aux assemblées coloniales des Mascareignes (près de la Réunion) qui refusent de recevoir les commissaires de la république Baco et Burnel chargés de l'application du décret. Pour le Directoire donc la politique coloniale demeure abolitionniste, cela constitue une rébellion purement et simplement. [...]
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