La France, l'Allemagne et la guerre durant les années 1920
On ne peut nier de réels efforts diplomatiques visant à rapprocher la France et l'Allemagne au cours de la décennie ayant suivi la Première Guerre mondiale. Et pour cause, les deux pays, comme l'ensemble de l'Europe, ayant été particulièrement marqués par le conflit. En ce sens, les initiatives européennes et franco-allemandes ne peuvent qu'attirer l'attention de par leur ressemblance, à un échelon en dessous, avec ce qui sera établi plus durablement dans les années 1950. Des parlementaires tels que Briand ou Stresemann s'illustrent particulièrement, comme lors de la Conférence de Locarno, reconnaissant certaines des nouvelles frontières, ou le Pacte Briand-Kellogg bannissant la guerre des voies de règlement des différends.
Pourtant, ce dynamisme n'aura pas suffi à mettre fin aux sentiments inamicaux envers les deux pays. En cause, tant une France souvent obnubilée par l'exigence du paiement des réparations de guerre, qu'une Allemagne qui n'acceptera jamais réellement un Traité de Versailles particulièrement sévère envers elle.
Cela nous aide à comprendre ainsi comment les avancées d'une décennie voleront en éclat en quelques années, dès que l'Europe se trouvera confrontée à la crise économique et à une nouvelle montée des nationalismes. Peut-être y aurait-il fallu aller plus loin et plus vite et encadrer les avancées d'un caractère juridiquement contraignant ; ou peut-être, finalement, toute la bonne volonté du monde n'aurait-elle pas suffi à réparer des traités jugés aujourd'hui comme surement injuste, et certainement humiliants.
[...] Au-delà des conditions même du traité, la manière dont l'Allemagne est désignée est particulièrement humiliante. Celle-ci est considérée comme seule responsable du conflit - ce qui est plus que contestable si l'on songe au haut niveau de nationalisme de part et d'autre de l'Europe de 1914. Et, si l'Allemagne hésite initialement à adhérer à la SDN, c'est en grande partie parce qu'elle refuse d'accepter « les obligations internationales de l'Allemagne, affirmations qui impliquent une charge morale pour le peuple allemand ». [...]
[...] Dans un second temps, nous montrerons que ces avancées restaient extrêmement fragiles face à des méfiances, peurs et frustrations persistantes dans les deux pays. Un souhait partagé de paix L'immédiat après Grande Guerre : traumatisme et volonté de paix en France et en Allemagne et création de la Société des Nations En France comme en Allemagne, les années 1920 sont celles du douloureux souvenir de la Première Guerre mondiale et de la gestion de ses conséquences. Le conflit a couté des millions de vies de soldats (plus de 2 millions en Allemagne, près de 1,4 millions en France), tandis que les survivants se rappellent des conditions d'une horreur sans précédent qu'ils ont subies dans les tranchées ; beaucoup sont revenus sérieusement blessés ou invalides, désormais incapables de travailler. [...]
[...] Si l'Europe n'est déjà pas une idée nouvelle, il s'agit encore de la proposition la plus concrète imaginée jusqu'alors. Que le même parlementaire à l'origine du Pacte Briand-Kellogg s'engage dans ce domaine n'est pas anodin : celui-ci comprend en effet l'intérêt de renforcer l'Europe pour mettre fin aux ambitions nationales. C'est d'ailleurs également la conviction du comte autrichien Richard Coudenhove-Kalergi, qui dès 1923 a publié « Paneuropa », trois ans avant de créer l'Union Paneuropéenne internationale appelant à unir les différents états d'Europe pour éviter tout conflit futur, mais aussi préserver une certaine puissance face aux nouvelles puissances mondiales. [...]
[...] Après la période de détente initiée par Locarno, les années 1920 se concluent pourtant sur une remontée des tensions en Allemagne. Le plan Young relatif à la dette allemande va se trouver contesté par plusieurs mouvements d'extrême-droite (parti national-socialiste de Hitler, national-populaire, ligue pangermaniste . Il se solde par un plébiscite perdu par le gouvernement en décembre 1929, A partir de 1929, en outre, la question de la crise économique va mettre un coup d'arrêt à tout rapprochement franco-allemand et européen. [...]
[...] En ce qui concerne Aristide Briand, le parlementaire déclare dès l'époque que l'Allemagne « reprend sa place, trouve le moyen d'avoir des appuis, des complices, s'arrange avec la Russie sans crier gare. » Pour lui, l'Allemagne est une menace potentielle au sens où elle peut, selon lui, redevenir une puissance économique et militaire majeure en quelques années, ce qui justifie l'importance de ne pas la garder comme ennemi absolu, et il s'inquiète déjà d'une Allemagne qui, l'immédiat après-guerre passée, pourrait rapidement devenir le maillon fort de la relation, voire de la construction européenne - on est loin ici de la volonté spontanée de paix et d'amitié. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture