Littéralement, "weg" signifie "chemin", "voie". Et "sonder" est un préfixe qui détermine le caractère spécifique du radical d'un mot qui, je le rappelle, est la partie fixe du mot qui en porte le sens principal. Ainsi, parler de "sonderweg", c'est parler d'un itinéraire spécifique que l'Allemagne aurait emprunté ou encore c'est parler d'une voie spéciale.
Cette idée d'une voie spéciale à l'Allemagne apparaît pour la première fois dans l'esprit de ses contemporains dans le dernier tiers du XIXe siècle. La conviction de la particularité de la Nation allemande fait alors partie d'un ensemble de représentations des couches supérieures de la société impériale dont les principaux tenants sont les universitaires, les fonctionnaires, les propriétaires terriens aristocrates et le corps militaire. Ces élites impériales ont une image de leur système sociopolitique et économique dans laquelle elles se voient essentiellement différentes des autres pays occidentaux.
Cette volonté de différenciation se traduit notamment dans l'attachement aux structures sociales traditionnelles, dans le rejet du parlementarisme et de l'ordre bourgeois démocratique et libéral, dans l'affirmation d'un génie allemand et d'une culture sensible héritée du romantisme ou encore d'un régime autoritaire et efficace face aux idées des Lumières et à la civilisation occidentale.
[...] L'entrée dans la normalité : l'État-Nation Conclusion Bibliographie - Heinrich August WINKLER, Histoire de l'Allemagne XIXe-XXe siècle, Le long chemin vers l'Occident, Fayard - Dieter GROH, Le Sonderweg de l'histoire allemande : mythe ou réalité in Annales. Economies, Sociétés, Civilisations, 38e année, pp. 1166-1187. - Edouard HUSSON, Sonderweg et monde rural. Un essai de redéfinition de l'exception allemande, in Histoire, économie et société, 25e année, n°3. Echec et magistrature pp. 411-419. - Hans-Ulrich WEHLER, Deutsche Gesellschaftsgeschichte, tomes 3 (1849- 1914) et 4 (1914-1949), Beck, Munich et 2003. [...]
[...] Cela correspond d'ailleurs aux bornes fixées par les deux conceptions du Sonderweg qu'on a pu voir. La première, celle qui voudrait que le Sonderweg soit le chemin spécifique pris par l'Allemagne vers le nazisme et l'extermination des juifs et qu'il s'arrête donc en 1944. La seconde qui voudrait, elle, que le Sonderweg soit le chemin singulier vers la modernité, l'État-Nation et la démocratie occidentale; auquel cas il ne peut donc prendre fin qu'à la réunification de l'Allemagne en 1990 : C'est pourquoi je vais articuler ma présentation autour de la problématique suivante : Quand est-ce que l'Allemagne est entrée dans la modernité ? [...]
[...] Les vertus du Sonderweg au lendemain de 1945 L'Allemagne qui doit se reconstruire au lendemain de la Seconde Guerre mondiale devient dès 1949 deux Allemagnes. Occupée par les alliés et moralement choquée, l'Allemagne connaît son heure zéro : la Stunde Null. C'est dans ce contexte que se développe l'historiographie critique du Sonderweg, qui est d'abord essentiellement théorisée par des auteurs américains et britanniques. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, insister sur la spécificité du cheminement historique de l'Allemagne est un moyen pour le monde anglo- saxon de se rassurer et de conforter ses valeurs en défendant l'idée que les Allemands sont tombés dans le nazisme parce qu'ils n'étaient pas comme nous et rejetaient notre modèle.» Ainsi, dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Sonderweg devient l'objet d'une thèse qui voudrait que le nazisme ait résulté de l'hostilité des Allemands face au modèle occidental considéré comme normal. [...]
[...] Cette querelle des historiens va notamment donner naissance à l'idée proposée par Jürgen Habermas que l'Allemagne ne peut voir ses efforts d'intégration dans le monde occidental couronné de succès qu'au prix du sacrifice de toute velléité impérialiste et de toute fierté nationale : à la place de laquelle il propose un patriotisme constitutionnel qui jure fidélité à l'État de droit tout en étant complètement dépassionné. Ainsi, la réunification de l'Allemagne a lieu dans une période d'intense débat historiographique sur le Sonderweg. [...]
[...] Toutefois, par la situation géographique de l'Allemagne et son indépendance retrouvée, on ne peut conclure que le Sonderweg allemand est terminé. En effet, par sa localisation centrale en Europe, sa puissance économique et le renouveau du nationalisme, on peut supposer que l‘histoire allemande avenir n'est pas nécessairement appelée à suivre les mêmes schémas que l'histoire des autres pays occidentaux. [...]
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