« Il faut que la femme conserve son sexe et ne supprime de ses habitudes et de ses occupations rien de ce qui le manifeste » écrit George Sand dans sa lettre aux membres du Comité Central en avril 1848. On peut s'étonner d'un tel point de vue venant de celle que l'on retient comme la première figure du féminisme français. Si la deuxième moitié du XIXe siècle est communément acceptée comme l'époque de toutes les avancées, il convient néanmoins de s'interroger quant à la place de la femme dans la société européenne contemporaine. Ainsi, l'Encyclopédie définit la femme comme « la femelle de l'homme, une possession du mari qui ne se définit que par l'art de plaire ou d'aimer ». La femme n'est donc abordée que par son rapport à l'homme. Mais les femmes constituent un groupe hétérogène sans cohérence propre, avec des figures multiples, aux degrés d'émancipation divers en fonction du milieu social. Entendons le terme de société comme un ensemble d'individus vivant de façon organisée et régie par des rapports conventionnels ou des traditions.
La deuxième moitié du XIXe siècle est certes le théâtre de multiples avancées et progrès tant sociaux que techniques, et il en va de même pour la place de la femme. De la femme combattante sur les barricades en 1848, jusqu'à la Première guerre mondiale où elle devient la responsable du foyer en l'absence des hommes, le statut de la femme n'a pas cessé d'évoluer. On relève néanmoins la persistance d'archaïsmes forts et de freins multiples à une émancipation plus importante de la gente féminine. On peut se demander en quoi l'évolution du concept et de la vision des femmes dans la société du XIXe siècle est-elle symptomatique des grandes contradictions et ambivalences du siècle.
Il est donc intéressant d'étudier tout d'abord la persistance d'archaïsmes traditionnels concernant les femmes dans les sociétés du début du second XIXe siècle, tout en abordant les dynamiques de cette période de l'Histoire qui vont contribuer à l'éveil des consciences féminines et à la marche vers l'émancipation. Malgré des avancées non négligeables de la place des femmes, on peut relever la persistance de limites et de freins à celle-ci et qui ne seront pas levés avant le premier conflit mondial.
[...] Les sociétés européennes, majoritairement conformes au modèle patriarcal, ne donnent pas le droit de posséder ou d'administrer un domaine à une femme, sauf en Suède par exemple ou en Serbie où ce droit leur sera ôté. On comprend donc aisément que le suffrage féminin soit refusé, si la femme n'existe pas publiquement sans son mari. Lui accorder le droit de vote serait comme accorder une seconde voix à son mari, qui pourrait profiter de sa crédulité. La femme se voit donc confinée à la sphère privée, avec pour fonctions essentielles la procréation et l'éducation des enfants. Elle ne dispose de la même autorité parentale que son époux seulement en 1971 en France. [...]
[...] Les femmes ont compris le lien étroit qui unit ignorance et subordination. A ce titre, elles militent en faveur de l'enseignement des filles. Mais ces revendications aboutissent assez lentement, car elles rencontrent des résistances. L'exemple de la France est, à ce titre, représentatif de ce qui se passe en Europe. Une série de lois s'échelonnent sur toute la période pour y remédier. La loi Parieu du 11 janvier 1850 impose une école primaire de filles à toute commune de plus de 800 habitants, mais ce n'est que trente ans plus tard que l'enseignement secondaire féminin est institué par la loi Camille Sée du 21 décembre 1880. [...]
[...] Les grandes dynamiques de la deuxième moitié du siècle bouleversent en effet la place des femmes, mais aussi les représentations de la femme. S'élabore tout d'abord un nouveau rapport au corps, conséquemment aux révolutions hygiéniste et pastorienne dans les années 1850-80. Les femmes sont particulièrement sensibles à cette valorisation nouvelle de l'intimité. On a conservé de nombreux journaux intimes dans les quelles femmes et jeunes filles expriment librement le sentiment de nouveauté que leur procure la découverte de leur propre corps. [...]
[...] On estime qu'à peine un tiers de la prostitution parisienne est alors déclarée. Des femmes se mobilisent d'ailleurs contre cette forme de prostitution organisée. Les études de la femme de lettres française Flora Tristan sur la misère sexuelle, notamment à Londres et à Paris, préfigurent l'action des mouvements féministes pour la protection des prostituées, notamment les Contagious Disease Acts de et 1869 en Grande-Bretagne. Méprisée, en marge de la société et constamment menacée par la faim et la maladie, la femme pauvre paie pour toutes les figures féminines que les hommes considèrent comme autant de menaces pour eux. [...]
[...] Or selon Alain Corbin, dans Le Temps, le Désir et l'Horreur, la croissance de la mobilité sociale, l'essor de la privacy et la relégation de la femme au foyer ne peuvent être dissociés En effet, cette lutte sociale de tous les jours concerne surtout les hommes, lesquels ont besoin du modèle de l'épouse aimante dans le cadre rassurant de la famille, pour compenser la rudesse de la compétition sociale. Ainsi, une fois de plus, le rôle de la femme est conditionné par les besoins de l'homme, homme et femme doivent être complémentaires. La démocratisation de l'enseignement est un des grands chantiers socio- politiques majeurs de la deuxième moitié du XIXème siècle. Pourtant, il est remarquable que l'enseignement féminin accuse un important retard sur l'enseignement masculin. [...]
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