Le 13 juin 1913, au derby d'Epsom en Angleterre, Emily Davison se jette sous les sabots du cheval au galop du prince héritier. Par ce geste fatal, la jeune femme entend attirer l'attention de l'opinion publique sur la condition féminine, au moment où l'on discrédite l'action des suffragettes qui luttent pour l'émancipation politique et sociale des femmes. Il est vrai que la condition féminine en Grande-Bretagne et a fortiori dans les pays occidentaux est marquée par le sceau de l'inégalité et de la dépendance. Les représentations de ces sociétés patriarcales confinent bien souvent la femme à sa place de mère ou d'épouse, c'est-à-dire un être relatif, secondaire.
Cependant la « marche irrésistible » (Tocqueville) de ces pays vers les valeurs démocratiques de liberté et d'égalité remet en cause ces conceptions multiséculaires. Emerge peu à peu, dès le début du XIXe siècle, une pensée nouvelle notamment dans les milieux romantiques et socialistes utopiques.
Si le terme « féminisme » apparait dès 1830, il ne prend son sens actuel qu'en 1882 sous la plume d'Hubertine Auclert qui l'utilise pour qualifier son combat. Le mouvement prend en effet, véritablement de l'ampleur qu'à la fin du XIXe siècle, notamment en Grande-Bretagne et aux USA où les femmes se coalisent pour faire pression sur les gouvernements. Leurs revendications se cristallisent surtout sur l'égalité civile et politique des femmes. Mais au-delà de la lutte politique, une révolution sociale remet en question les schémas traditionnels de sexualité, de respectabilité, de bienséance, et ébranle, sans pour autant le détruire, l'ordre patriarcal des sociétés occidentales. Certes limité, ce vent émancipateur participe à l'éclosion des revendications féministes et leur donne plus de portée dans une société où traditionnellement la femme n'avait pas sa place dans les affaires publiques.
On peut donc se demander comment les sociétés occidentales se représentent communément le rôle et la fonction des femmes au XIXe siècle. Dans quelle mesure et par quel moyen ces représentations évoluent-elles ? Peut-on parler de révolution féministe ?
[...] Les œuvres de charité, les réceptions permettent aux femmes de se retrouver en dehors de la maison. Ce modèle bourgeois n'est pas sans déplaire au monde ouvrier, notamment les plus qualifiés qui aspirent à la respectabilité. L'ouvrier qui appelle parfois son épouse ma bourgeoise considère que la place des femmes est à la maison. Cependant ces schémas traditionnels sont remis en cause notamment par l'industrie qui se développe et emploie de plus en plus de main-d'œuvre féminine des employés dans le textile). [...]
[...] Ce n'est pas le cas aux USA où les universités pour filles ont ouvert dès 1873 (Boston) et remettent un diplôme, chaque année, à plus de 5000 étudiantes. Cette différence chronologique dans l'accès et la réussite de l'éducation des filles montre bien les disparités internationales qui existent au sein du monde occidental au sein duquel les pays anglo-saxons (USA, Royaume Uni ) semblent avoir une longueur d'avance sur leurs homologues latins (France, Italie, Espagne Une des justifications apportées par les historiens réside dans les différences culturelles de ces deux types de société basées sur des religions différentes et des coutumes juridiques différentes (héritage patriarcal du droit romain). [...]
[...] Des congrès européens successifs condamnent le commerce des femmes vendues avec violence (1910) et organisent le rapatriement de celles-ci (1904). L'autre enjeu concernant les femmes dans la seconde moitié du XIXe siècle est celui de l'accès à l'éducation. D'abord le fait d'initiative privée, comme en Grande-Bretagne en 1869 lorsque Sarah Emily Davis ouvre un collège pour filles, l'instruction des jeunes filles est très vite prise en charge par l'Etat. En France, en 1867 la loi Duruy oblige chaque commune à dispenser un enseignement primaire aux filles, en 1880 la loi Camille Sée ouvre les lycées aux filles. [...]
[...] Tout cela s'inscrit dans le but répété de maintenir la femme dans la sphère domestique. Ainsi les offices publics comme le métier d'avocat leur sont refusés. Divers arguments hostiles sont invoqués pour dénier aux femmes le droit de travailler en dehors de la maison, et encore moins dans l'espace public : de la pudicitia imposée par la nature au manque de force physique. L'industrialisation a cependant ébranlé les schémas traditionnels de la femme au foyer. En effet, les ouvrières représentent une main-d'œuvre docile et facilement exploitable (les femmes ne touchent que la moitié du salaire d'un homme). [...]
[...] Il faut de plus faire remarquer que l'hétérogénéité tant du point des origines géographiques que sociales ne permet pas aux mouvements féministes de se fédérer au-delà d'un cadre national voire élitiste, à l'inverse des internationales ouvrières. En effet bien que les maux soient peu ou prou les mêmes dans chaque pays, l'émancipation féminine est un combat que doivent mener les femmes de chaque pays elles-mêmes. Cet isolement des revendications explique notamment les disparités des évolutions entre les différents pays, du fait des sentiments de résignation ou du poids des contraintes sociales différemment ressenties d'une société à une autre. [...]
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