Le crime n'a jamais été l'apanage des hommes, et cette affirmation est nettement confirmée par une multitude d'exemples, qu'ils soient bibliques, mythologiques ou même historiques. Ainsi, la criminalité féminine se révèle comme une pratique sociale qui existe depuis toujours si l'on peut dire, tel que le prouve les figures d'Eve la pécheresse, de Pandore l'instigatrice des fléaux, ou de Catherine de Médicis la meurtrière. Les femmes criminelles ne sont donc pas une particularité du XIXe siècle, mais elles furent mises en avant durant cette période par le développement des institutions judiciaires, la création de nouvelles sciences telles que la criminologie et la statistique ou encore l'essor de la presse populaire. Ces nouvelles sciences accréditent l'idée que les femmes basculent moins dans la délinquance que les hommes, mais qu'elles sont davantage immorales. Cette constatation propre aux aliénistes et chroniqueurs judiciaires du XIXe siècle tend à prouver que les femmes commettent dans les faits moins d'actes criminels (que nous considérons comme des manquements très graves à la morale et à loi ) que les hommes, mais sont pourtant plus à même d'en perpétrer.
Dès lors, même si la violence apparaît avant tout comme une caractéristique masculine, la criminalité féminine semble tout de même détenir une position importante dans l'univers criminel français du XIXe siècle, tel que le souligne le nombre croissant d'études juridiques, scientifiques et populaires sur ce thème. Selon les données statistiques de la seconde moitié du siècle, la proportion de crimes conjugaux, d'infanticides et de parricides est plus élevée chez la femme que chez l'homme. Cependant, il est tout de même étonnant de constater que les délits commis par des femmes constituaient un pourcentage faible par rapport au nombre total d'arrestations. Ainsi, ces dernières ne représentaient que 14% du total des accusés, 5,7% de ceux arrêtés pour homicide, 6% des inculpés pour vol avec agression et seulement 8,7% des cas de coups et blessures. Ce paradoxe entre l'intérêt suscité par ce sujet d'étude au cours du XIXe siècle et son caractère relativement isolé, révèle l'ambiguïté de ce phénomène.
Il est intéressant de constater que les femmes criminelles au XIXe siècle constituent donc un sujet particulièrement vaste à traiter, tant sur le plan de la diversité des profils des criminelles, des crimes commis et de la complexité du contexte de l'époque. Cette thématique emphase de manière implicite les nombreux bouleversements auxquels fut confrontée la société du XIXe siècle, tel que le souligne d'ailleurs Anne Louise Shapiro, « L'émergence du problème du crime féminin pendant cette période révèle, deux sortes de tensions culturelles liées entre elles : les nouvelles incertitudes à l'égard de la place de la femme et des inquiétudes sur la culture de masse moderne ».
Dès lors, en quoi les femmes criminelles constituent-elles des figures centrales du XIXe siècle dont les crimes mirent à jour les malaises profonds d'une société en pleine mutation ?
[...] Mais il est intéressant de constater que certains délits ne sont pas punis pareillement selon la nature du sexe de l'auteur. Ainsi, l'adultère rentre dans cette catégorie, puisqu'au XIX ème siècle l'adultère de la femme est considéré comme un délit en toutes circonstances (article 337) alors que celui du mari ne l'est qu'à condition d'entretenir une concubine dans la maison conjugale (article 339). Cette profonde injustice se poursuit dans les peines réservées aux femmes, celles-ci risquent un emprisonnement de trois mois minimum, pouvant aller jusqu'à deux ans, alors que le mari adultère n'est soumis qu'à une forte amende. [...]
[...] Cette constatation propre aux aliénistes et chroniqueurs judiciaires du XIX ème siècle tend à prouver que les femmes commettent dans les faits moins d'actes criminels (que nous considérons comme des manquements très graves à la morale et à loi ) que les hommes, mais sont pourtant plus à même d'en perpétrer. Ainsi, la nature instable de la femme est un stéréotype très présent au XIX ème siècle. En effet, celle-ci serait prédisposée aux vices et donc condamnée au crime par nature, selon un imaginaire masculin particulièrement enclin aux clichés. [...]
[...] Même si les crimes domestiques sont souvent relatés dans les faits-divers, la «mauvaise mère demeure assez peu représentée et reste ainsi invisible aux yeux du grand public. La misère du XIX ème siècle engendrée par l'industrialisation et l'engorgement des grandes villes génère une importante population indigente sans source de revenus. Dès lors, il est fréquent de voir des mères qui poussent leurs enfants à voler, à mendier, à se prostituer en vue de gagner de quoi subsister, et qui se permettent même de les frapper s'ils ne parviennent pas à ramener assez d'argent. [...]
[...] La prostitution est un délit au XIX ème siècle, et on distingue les filles de carte inscrites auprès des administrations municipales et les pierreuses filles isolées et clandestines qui se prostituent sur le bord des chemins ou sur le trottoir des grandes villes et qui sont traquées par la police des moeurs. La prostitution commence souvent très tôt, et tel que nous avons pu le constater avec le cas de la prostitution enfantine, ce sont fréquemment les parents qui en sont l'origine. Il arrive que la prostituée devienne une icône, ainsi à la fin du XIX ème siècle, Casque d'or est l'héroïne du Paris populaire, et les journaux ainsi que les peintres l'encensent. [...]
[...] La thématique de la vengeance est souvent un élément déclencheur du passage à l'acte criminel chez les femmes, tel que le prouve le cas de Marie Bière en 1880, qui a tenté d'assassiner son ancien amant qui l'avait abandonné sans reconnaître son enfant. Cette affaire, devenue un mélodrame populaire en très peu de temps, tint en émoi toute la capitale. Le comportement de Marie Bière confirme les propos des spécialistes sur l'instabilité féminine, tout en mettant en valeur le malaise social rencontré par les femmes au XIX ème siècle. [...]
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