Lors du bicentenaire de Louis XVI en 1993, les réactions furent mitigées : Jacques Chirac s'oppose fermement au dépôt de bougies sur la place de la Concorde, l'archevêché refuse d'ouvrir les portes de Notre Dame, alors qu'à la Madeleine, à Saint-Denis, en province des offices sont rendus en sa mémoire. Au final, un bout de pelouse est aménagé au pied de la statue de Brest, où les passants peuvent jeter des fleurs. Louis XVI, un héritage contesté, dont les fondements se situent aux circonstances de son procès et de sa condamnation à mort.
Innocent ? On peut en tout cas s'interroger sur la légitimité de son procès, et sur le bienfondé des chefs d'accusation. De plus, c'était un monarque relativement éclairé comme le montre sa volonté de réformes, et c'était aussi un monarque perçu comme faible, désacralisé. Toutefois, peut-on penser la Révolution avec un Roi dans ses geôles ? Sous Louis XIV, cela aurait été impossible. Louis XVI reste un roi. Son veto, suprême marque d'autorité, ne révèle-t-il pas l'obstacle du "Roi Janus", adhérant à la Constitution d'une part, mais cherchant à la détruire dans l'ombre ? Se demander s'il fallait tuer Louis XVI, c'est se demander si le geste était inévitable, c'est donc s'interroger sur la personnalité et les actes du Roi : peut-on le réhabiliter en tant que monarque éclairé ou monarque absolu cible des Lumières.
[...] Ce gouvernement va être à l'origine de la Terreur sous tous ses aspects : financier avec la fermeture de la Bourse et l'emprunt forcé ; religieux avec la mise en place d'un calendrier révolutionnaire et le lancement d'une violente campagne de déchristianisation ; économique avec la décision d 'appliquer la peine de mort pour les accapareurs et les commerçants ne déclarant pas leurs stocks ; et bien sûr politique avec l'instauration de la loi sur les suspects et le début des grands procès se terminant la plupart du temps par la guillotine. Ainsi, on peut avancer que l'exécution de Louis XVI a des conséquences directes assez néfastes pour la France. [...]
[...] En effet, la monarchie absolue de l'Ancien Régime n'a pu renaître en France : Louis XVIII a dirigé une monarchie constitutionnelle, et quand Charles X a accédé au pouvoir en 1824, sa tentative de dissolution des deux Chambres et de suspension de la liberté de la presse a provoqué la Révolution de 1830. L'idéal révolutionnaire n'a pas cessé d'exister en France au fil des régimes depuis 1789, et l'exécution du 21 janvier 1793 y est sans doute pour beaucoup. Cependant, on peut se pencher sur l'idée inverse, à savoir celle selon laquelle la mort du roi n'était pas un moyen de tuer la monarchie, voire risquer précisément de la faire revivre ; c'est la théorie développée par l'historien Michelet. [...]
[...] Intéressons-nous maintenant aux formes : le citoyen Louis Capet fut condamné à mort après un procès, alors que la personne du Roi était toujours inviolable d'après la Constitution. Certes, il avait été suspendu de son titre après l'invasion des Tuileries mais on peut s'interroger : qui fut donc tué ce jour-là ? Louis, le Roi ou le Symbole/la monarchie ? Et si l'on s'interroge sur la légitimité de la mise à mort du roi, il faut nécessairement étudier les chefs d'accusation. [...]
[...] La coïncidence, quand on connaît le contexte de l'époque, peut paraître troublante. Il n'empêche qu'il fut déclaré coupable. Suspendu de ses titres le 10 août 1792 après la prise d'assaut des Tuileries par les révolutionnaires les plus extrémistes, Louis XVI est désormais considéré comme un simple citoyen nommé Louis Capet. Il est traduit en tant que tel devant la Convention, transformée en tribunal, en un procès qui débute le 11 décembre 1792. Le citoyen Louis est chargé de 11 principaux chefs d'accusation. [...]
[...] Par ailleurs, le fait que l'on puisse assimiler Louis XVI à un monarque éclairé passe également par d'autres conceptions très modernes qui l'animent. Par exemple, l'historien Ran Halevi a étudié sa conception de la gloire : Louis XVI condamnait sans appel celle de son aïeul Louis XIV, la qualifiant de vaine gloire onéreuse, inutile voire immorale et lui opposait sa propre idée de la gloire, qui consistait à œuvrer pour le bien des sujets et la félicité publique, ce qu'il ne cessera de répéter jusqu'à l'échafaud. [...]
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