Malgré la récurrence du discours de certains contemporains qui opposent villes modernes et campagnes attardées, qui accusent les campagnes d'être un frein au progrès et un conservatoire des valeurs traditionnelles, il convient d'insister sur les bouleversements qu'a connus le monde rural tout au long du XIXème. Les facteurs de transformation sont nombreux, variés et liés les uns aux autres.
[...] En 1849, l'usage en est rendu plus commode et moins coûteux par l'institution du timbre-poste. Reste l'essentiel : l'aptitude, trop rare encore, à lire et écrire des lettres. Les conscrits sont ainsi bien souvent complètement coupés de leur famille pour plusieurs années. C'est ainsi seulement à l'occasion de la mobilisation de son fils pour la défense nationale en 1870 que, dans La vie d'un Simple, la famille de Tiennon devient sensible à ces impuissances : le fils devant faire écrire ses lettres par un camarade de régiment, la famille devant aller au bourg faire déchiffrer la lettre à la fille de l'épicière et même chose en sens inverse. [...]
[...] Le retard espagnol : Le cas espagnol est encore plus critique. Au milieu du XIXème, de véritables efforts ont été réalisés dans certaines provinces (Tolède, Saragosse), où les revenus des biens communaux permettent la quasi gratuité de l'enseignement (et même parfois de l'assistance médicale). Pourtant, en 1841, on compte encore d'analphabètes, et l'école apparaît très secondaire aux yeux des paysans. Cet état d'esprit est renforcé par la piètre qualité des maîtres qui sont, de fait, peu considérés et souvent très mal payés par les communes exsangues. [...]
[...] Il n'a pas de volonté de lutter contre le monopole religieux. Mais une volonté commune d'ouvrir les paysans à la connaissance, de les intégrer L'appropriation de la culture nationale passe entre autre par la découverte de la pratique d'une langue commune. Cela s'avère aussi laborieux en Espagne et en France où les patois régionaux restent très longtemps en vigueur, qu'en Italie ou en Allemagne s'ajoutent le handicap de l'unification et du choix surimposé d'une langue nationale. En France, un état officiel des langues parlées, établi en 1863 par le ministère de l'Instruction Publique, indique que dans des communes, les habitants n'emploient pas le français dans leurs échanges courants. [...]
[...] L'enseignement primaire est mis à la charge des communes à la charge de leurs possibilités et en fonction des besoins des habitants Il n'y a donc aucune contrainte législative, et l'alphabétisation stagne, car la mesure reste sans réelle application de fait du manque de moyens financiers des communes. La gauche accède au pouvoir en 1876, et se préoccupe de la scolarisation : les masses doivent acquérir la capacité politique. D'où la loi Coppino en 1877. Elle institue une obligation scolaire de 2 ans (bienio) qui doit avoir lieu entre 6 et 9 ans. La loi engage l'Etat en faveur des maîtres et des constructions d'école : pas de prise en charge totale mais une aide substantielle. [...]
[...] De plus, la qualité des locaux et du matériel, comme la formation des enseignants, demeurent longtemps médiocres. Après la difficulté à lire les lettres de son fils parti au front, Tiennon sent redoubler son regret de n'avoir pu obtenir l'allocation municipale d'indigence qui lui aurait permis d'inscrire ses enfants à l'école primaire. On voit l'attente et les besoins que les lois Ferry allaient satisfaire. Maggiolo, dans les années 1870, est recteur à l'académie de Nancy. Il partage l'idée que la France a perdu la guerre par son ignorance, et véhicule le mythe de l'instituteur prussien D'où l'enquête qu'il lance. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture