Cette circulaire datée de 1932, est un document officiel à usage interne adressé à des administrateurs coloniaux. Son auteur est Jules Brevié, un haut fonctionnaire, breveté de l'Ecole coloniale a été en service en AOF jusqu'en 1922, année de sa nomination aux fonctions de gouverneur. Désigné pour le Niger puis pour la Côte d'Ivoire où son efficacité est remarquée, il achève sa carrière africaine de 1930 à 1936 en tant que gouverneur général pour l'AOF. Par sa fonction J. Brevié est le supérieur hiérarchique direct des gouverneurs qui dirigent les 8 colonies françaises du bloc colonial français d'Afrique occidentale. Fort de son expérience coloniale J. Brevié entend faire profiter de son savoir, de ses conseils en matière de contact avec les colonisés. Il rédige ce document à portée informative (sinon pédagogique) sur les fonctions que doit remplir tout bon administrateur colonial, par la même il offre à l'historien un outil d'analyse : le point de vue européen (et européocentriste) sur la colonisation et sa justification. Datée de 1932 cette circulaire s'inscrit dans un contexte particulier, celui de repli sur l'empire: à la suite de la crise de 1929 chaque métropole se tourne vers son domaine colonial pour soutenir l'activité économique. La France se tourne ainsi vers ses colonies africaines, particulièrement l'Afrique-Occidentale Française. Cette entité administrative fut créée en 1895, elle regroupe : le Sénégal, le Soudan, le Niger, la Haute-Volta, le Dahomey, la Guinée, la Mauritanie et la Côte d'Ivoire. Cet ensemble de 4 700 000 km² (huit fois la France) a à sa tête un gouverneur général installé à Dakar qui constitue une sorte de rouage entre le ministère des Colonies et les différentes composantes administratives de l'AOF. Dans un premier temps la circulaire aborde la relation que doit entretenir l'administrateur colonial avec les populations colonisées, J. Brevié conçoit la présence administrative comme le symbole du pouvoir métropolitain(l.1 à 20). Le gouverneur général réaffirme ensuite le bien-fondé de l'entreprise coloniale, les générations qui ont connu la colonisation seraient les meilleurs témoins de la réussite tandis que les nouvelles générations, ingrates, ne verraient la colonisation que comme une oppression(l. 21 à 38). J. Brevié rappelle une dernière fois aux gouverneurs la nécessité de s'impliquer totalement dans leur tâche, c'est à dire d'user de tous les moyens de transports mis à disposition pour permettre au fonctionnaire colonial de rencontrer toutes les populations colonisées, quelque soit son éloignement (l. 39 à 44). Il convient d'analyser ce document administratif avec toutes les précautions requises dans la mesure où il émane directement de l'administration coloniale.
Cette circulaire nous fait partager l'expérience coloniale d'un homme par la même elle apporte également des renseignements précieux pour mieux comprendre l'entreprise coloniale. Dès lors quel rôle l'administration coloniale joue-t-elle réellement dans la colonisation? Comment justifie-t-elle la domination imposée aux populations indigènes ?
Le fonctionnement de l'administration coloniale est complexe : symbole de la puissance colonisatrice elle est également en AOF le seul contact direct avec les colonisés. Le fait colonial repose sur des fondements moraux : il incombe à l'homme blanc de civiliser des peuples jugés primitifs. Ce document révèle également le nouveau clivage apparu entre les anciennes et les nouvelles générations de colonisés, clivage auquel est confronté l'administrateur colonial.
[...] L'AOF a économiquement été exploitée, les bénéfices ont été supérieurs aux capitaux engagés par l'Etat et les entrepreneurs métropolitains. Mais il faut cependant briser un mythe largement répandu : la colonisation aurait été une véritable manne financière. En effet, des études historiques (voir la thèse de Jacques Marseille notamment) ont démontré qu'aucun empire colonial n'avait été rentable. Bibliographie _Les armes retournées, colonisation et décolonisation française, André Nouschi, éd Belin _Culture coloniale, la France conquise par son Empire 1871-1931, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, éd Autrement _L'Afrique au 20e siècle, Hélène d'Almeida Topor, éd Armand Colin. [...]
[...] Les manifestations d'une opposition se lisent en filigrane dans cette circulaire. Aux dires de son auteur cette contestation est surtout le fait d'une jeunesse exaltée inconsciente de la chance qu'a offert la colonisation : (l. 23) les jeunes trouvent naturel cet état d'euphorie La colonisation serait dans cette perspective victime de sa réussite : (l. 18) chacune a des aspirations nées de la vertigineuse évolution Enfin ces différences intergénérationnelles s'expliquent par le fait qu'une élite nouvelle, de jeunes intellectuels, formés bien souvent en métropole a pu émerger : c'est à cette époque que commence à s'affirmer des courants de pensée fondés sur le socialisme (le Parti Socialiste Sénégalais sera fondé en 1934) réunissant entre autres Léopold. [...]
[...] Explicitement le colonisateur dans une tonalité humaniste exprime le progrès moral apporté par les valeurs européennes : (l. 30-31) tout l'effort de la colonisation tend à le rendre plus heureux et (l. 22) les bienfaits de la paix française et de la justice L'idéologie colonialiste fustige ces contrées auparavant dévastées par le (l. 20-21) régime cruel et sanguinaire des roitelets indigènes alors qu'à l'inverse la colonisation française s'est faite par une (l. 20) conquête pacifique Au delà de ce cliché, il faut certes admettre que l'Afrique précoloniale a souvent été déchirée par des guerres tribales mais il faut également relativiser leur importance. [...]
[...] circulaire du 23 août 1932, Extrait de C Circulaires de M le Gouverneur Général .l. Brevié, pp. 19-21, Gorée Introduction Cette circulaire datée de 1932, est un document officiel à usage interne adressé à des administrateurs coloniaux. Son auteur est Jules Brevié, un haut fonctionnaire, breveté de l'Ecole coloniale a été en service en AOF jusqu'en 1922, année de sa nomination aux fonctions de gouverneur. Désigné pour le Niger puis pour la Côte d'Ivoire où son efficacité est remarquée, il achève sa carrière africaine de 1930 à 1936 en tant que gouverneur général pour l'AOF. [...]
[...] L'auteur de la circulaire affirme (sincèrement la tolérance mutuelle qui existe entre colonisés et colonisateurs : (l. 12-13) sans laquelle aucune compréhension réciproque, aucune sympathie ne saurait s'établir ni durer il semble même défendre l'idée d'une interaction culturelle : (l. 12) la lente interpénétration de l'élément colonisateur et de l'élément colonisateur Dans les faits le modèle français d'assimilation tiendra à peine compte des coutumes et des traditions locales, c'est une acculturation à sens unique. Certains termes utilisés dénotent le sentiment de supériorité circulant au sein de l'administration coloniale, certains clichés persistent : les populations autochtones, naïves peuvent être facilement séduites par des discussions simples : (l.14) causeries familières (l. [...]
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