L’évolution de la Ve République trahit-elle ses principes fondateurs ?

Résumé du document

La Constitution du 4 octobre 1958 est entrée dans sa cinquantième année en 2008, elle a traversé diverses épreuves, dont celle de la cohabitation à trois reprises. Elle a pu se montrer à la fois souple et solide, a doté notre pays d'institutions fiables et efficaces et a démontré sa capacité à fonctionner au service de différentes tendances politiques par les cinq alternances qu'elle a abritées. Mais on a pu constater que ces dernières années, les institutions peinaient à s'adapter aux exigences actuelles de la démocratie, malgré les nombreuses révisions constitutionnelles.

Le 21 juillet 2008, le Congrès a dans cette perspective adopté le projet de loi de modernisation des institutions de la Ve République avançant qu'ainsi révisée, la constitution de 1958 permettrait au régime conçu et voulu par le général de Gaulle d' « épouser son temps ». Cela suppose donc que l'évolution de la Ve république, au moins avant 2008, trahissait ses principes fondateurs, en tout cas en tant qu'elle « n'épous[ait] [plus] son temps ».

Mais peut-on vraiment considérer qu'une constitution vieille de plus de 50 ans ne se doive pas justement de « trahir » ses principes fondateurs, entendons par là inclure de nouveaux principes, ou en abandonner certains, dépassés, afin de justement « épouser son temps » ?

Extraits

[...] Mais il est évident que cela n'est possible qu'à condition de prévoir simultanément une adaptabilité minimale du système. Il convient, par conséquent et en prévention du risque d'usure, d'instaurer un pouvoir constituant dérivé et relatif (Ph. Ségur, La Ve République) permettant d'actualiser le texte constitutionnel. Les rénovations, trahisons sont dès lors autant de rajeunissements qui permettent au régime de se perpétuer. La notion de constitution impose simplement que la procédure de révision soit rigide, il en reste que force est d'admettre que la pratique politique des institutions contrarie régulièrement cette rigidité. [...]

[...] Les récentes révisions de la constitution ont introduit de nouveaux principes, ainsi, la Ve a mieux que trahi redéfini ses principes en introduisant la parité, la décentralisation, la prise en compte des enjeux environnementaux et la primauté du droit européen sur le droit national. Ainsi, la révision du 28 mars 2003 a établi que l'organisation de la République est décentralisée celle du 1er mars 2005 a proclamé l'attachement du peuple français aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement dont notamment le développement durable, et le principe de précaution. [...]

[...] Duhamel Vive la Vie république J-J. Chevallier, G. Carcassonne, O. [...]

[...] Est-ce donc cela LE principe fondateur de la Ve République ? La Constitution de 1958 était-elle simplement une constitution de résurrection bonne à passer le cap de la crise avant d'être remplacée par une autre qui cette fois s'attacherait à exister pour durer ? Si tel était le cas, alors la constitution de la Ve aurait duré contingentement, et l'idée de trahison par évolution apparaît obligatoire, ne serait-ce que pour s'adapter au nouveau contexte de «l'après crise algérienne qui ne suppose pas les mêmes priorités que celui de la crise elle-même. [...]

[...] Ceci ne suffit en outre peut-être pas à remettre totalement en cause le caractère positif de la capacité d'adaptation dont la Ve République a fait preuve jusqu'ici Ainsi, la Ve République a évolué, certes, mais il est excessif d'affirmer que cette évolution trahit ses principes fondateurs, en effet, des principes se doivent de s'adapter à l'évolution des sociétés mêmes qui les ont définis (ils y sont en quelque sorte subordonnés), ainsi qu'à celle de l'ordre mondial, comme le témoigne l'implication de la France dans la construction européenne et d'adaptation constitutionnelle que celle- ci a exigée. La Ve République, en évoluant, a donc trahi ses principes fondateurs, mais on parle alors d'une trahison positive et indispensable à la pérennité du régime. A l'inverse, elle n'a pas trahi les principes fondamentaux que la succession des différents régimes a permis de définir et d'affirmer. [...]