De façon ancestrale, la communauté religieuse juive a été exclue pour des motifs théologiques. Le XIXème siècle en Europe est intéressant à ce sujet puisqu'il est à la fois caractérisé par une émancipation de cette communauté et un nouveau type de rejet de celle-ci. On entend par émancipation le processus de libération des Juifs, leur donnant accès à la citoyenneté et aux mêmes droits que leur concitoyen. On peut considérer que l'émancipation de la communauté débute le 27 septembre 1791 en France. Le processus se poursuit tout au long du siècle, dans toute l'Europe, mise à part dans la Russie du tsar, particulièrement hostile au judaïsme. Paradoxalement, du moins en apparence, on assiste au développement du sentiment anti-juif et même à une transformation de ses fondements théoriques qui n'étaient jusqu'alors que théologiques : d'une exclusion, on passe à une persécution d'un groupe défini comme race. En 1879, le pamphlétaire allemand Wilhelm Marr invente le terme « antisémitisme ». C'est à la fin du siècle, en effet, où l'on passe à un « antisémitisme moderne », qui prend la forme d'une théorie établie sur des principes « scientifiques », et qui donne une dimension « intellectuelle » à une haine qui existe depuis le Moyen-âge. Ce sentiment radical est-il à ce point répandu en Europe à la fin du siècle que l'on puisse décréter que celle-ci est antisémite, en dépit du processus d'émancipation des Juifs important qu'elle connaît ?
[...] D'ailleurs, si cela avait été le cas, comment expliquer le mouvement d'émancipation qui continue à la fin du siècle ? En Angleterre, l'un des plus illustres Premiers ministres que le pays ait connus est d'origine juive : Benjamin Disraeli. Bien sur, il a été baptisé et s'est converti. Mais l'antisémitisme comme on l'entend ne fait pas la différence, c'est pour lui d'une race dont il s'agit, pas d'une confession. En France, l'Affaire Dreyfus, si elle déchaîne des passions antisémites dans toute la France (et révèle au grand jour son importance), est aussi la démonstration que celui-ci n'atteint pas tout le pays puisqu'il existe à ce moment-là deux France (René Rémond). [...]
[...] C'est d'ailleurs ce qui explique en partie son succès dans l'Europe de la fin du XIXe siècle : l'antisémitisme pousse dans un terreau déjà très fertile. L'antisémitisme relève d'abord d'une dérive pseudoscientifique qui transforme l'opposition confessionnelle en une opposition raciale. Ces travaux s'appuient sur les recherches de Charles Darwin (l'origine des espèces, 1859) et sur sa théorie de la sélection naturelle pour penser une race sémite inférieure. Il est frappant de constater qu'un vaste mouvement de scientifiques antisémites naît dans toute l'Europe à la fin du siècle avec notamment Chamberlain et Galton en Angleterre, Marr et Haeckel en Allemagne ou encore Broca en France. [...]
[...] Celle-ci a permis à un certain nombre d'entre eux de participer au développement économique et de s'enrichir, d'où le rejet anti-capitaliste de la communauté juive par les socialistes dans un premier temps. Le sentiment antijuif s'est radicalisé durant la fin du siècle, pour des raisons religieuses ou pseudoscientifiques, à travers tout le continent. À partir de 1870, l'immigration massive des juifs d'Europe de l'Est favorise dans tous les pays européens, à l'heure du nationalisme agressif, l'avènement de la théorie du bouc émissaire, responsable de tous les problèmes. Si l'antisémitisme devient toujours plus important en Europe, on ne peut affirmer que l'Europe est tout entier antisémite. [...]
[...] Cette mouvance s'inscrit dans la lignée des Fourier, Blanqui et autres Proudhon qui voyaient le Juif comme un parasite qui infeste les fonctions improductives du commerce et investit dans les machines destructrices du travail Cet antisémitisme à fondements économiques touche particulièrement les employés, les artisans et les petits commerçants, qui craignent en partie de perdre leur emploi face à une nouvelle concurrence. Soulignons à ce titre la vague d'immigration juive importante en provenance d'Europe de l'Est à partir des années 1870. Cette masse de prolétaires (D. Colon) attise la vieille peur de l'immigré qui prend le travail au natif thématique chère aux nationalistes. L'avènement du mouvement des nationalités consacre par ailleurs un antisémitisme nationaliste de la droite traditionnelle. L'éclatement des empires multinationaux et les différentes unifications posent le problème de la place des juifs dans les différentes nations. [...]
[...] L'Europe de la fin du XIXe siècle est-elle antisémite ? De façon ancestrale, la communauté religieuse juive a été exclue pour des motifs théologiques. Le XIXème siècle en Europe est intéressant à ce sujet puisqu'il est à la fois caractérisé par une émancipation de cette communauté et un nouveau type de rejet de celle-ci. On entend par émancipation le processus de libération des Juifs, leur donnant accès à la citoyenneté et aux mêmes droits que leur concitoyen. On peut considérer que l'émancipation de la communauté débute le 27 septembre 1791 en France. [...]
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