Il y a tout juste cent ans, la Cour de cassation cassait le verdict de Rennes, et Dreyfus était enfin réhabilité, et réintégré dans l'armée. Point culminant «du moment antisémite» (P. Birnbaum) de la fin du XIXe siècle, l'Affaire a marqué l'histoire de l'Europe. Pourtant, l'Europe connaît alors un essor du sentiment de tolérance religieuse, les droits civiques des Juifs sont de plus en plus respectés, les attaques dont ils sont la cible de plus en plus réprimées, et le sentiment anti-juif ne semble concerner que des franges bien spécifiques de la société, tels que les milieux catholiques. Mais peu à peu, la définition de l'antisémitisme va changer, si bien que l'on passe d'un sentiment quasi archaïque et à un sens bien plus moderne, puisqu'il trouve ses racines dans de nouvelles justifications, fondées en partie sur l'idée de race.
D'après Léon Poliakov, l'antisémitisme au sens large du terme, c'est-à-dire l'animosité à l'égard des Juifs est radicalement différent de tous les autres conflits et haines passés en raison de sa pérennité et de son intensité. En effet, ici nous inclurons dans la définition de l'antisémitisme le sentiment qui le précède, à savoir l'anti-judaïsme, tant le premier trouve en partie ses racines dans le second. Ainsi, nous comprenons que l'antisémitisme au sens large est bien ce sentiment d'hostilité envers les Juifs, pour des raisons religieuses dans un premier temps, puis pour des raisons raciales et supposées scientifiques.
Dès lors, l'antisémitisme qui sévit en Europe s'explique-t-il par le rejet traditionnel du judaïsme par l'Eglise ou bien est-il le fruit de théories plus complexes, qui s'inscrivent dans un cadre plus laïc? Pour autant, que l'on parle d'antijudaïsme ou d'antisémitisme (au sens strict et moderne), peut-on affirmer que toute l'Europe de la fin du XIXe siècle partage ce sentiment d'hostilité? Autrement dit, l'Europe de la fin du XIXe siècle est-elle antisémite?
Nous verrons tout d'abord que l'on ne peut taxer d'antisémitisme (ou plutôt d'antijudaïsme) l'Europe de la fin du XIXe siècle dans sa globalité, mais nous verrons par la suite que cette même Europe est bien le théâtre d'un nouveau sentiment antijuif fondé sur la race et relativement populaire à l'aune du XXe siècle: l'antisémitisme, selon le sens donné par Wilhelm Marr, l'inventeur du concept.
[...] Cela témoigne d'un certain recul du sentiment anti-juif. Cependant, beaucoup d'intellectuels juifs se retrouvent encore souvent sans attaches (Karl Mannheim), étrangers (Georg Simmel) ou encore ex territoriaux (Siegfried Kracauer) à l'aune du XXe siècle. En réalité, si l'on ne peut parler d'antisémitisme, on retrouve bien un sentiment d'antijudaïsme dans la société, mais uniquement dans certains milieux traditionnels. En effet, un sentiment d'antijudaïsme, c'est-à-dire de haine du juif pour sa religion, persiste dans les sociétés européennes depuis le Moyen Age. Il trouve son essence dans l'accusation faite par l'Eglise de déicide, et dans la force des mythes forgés depuis ce moment. [...]
[...] Antisémitisme comme refus de la modernité économique et sociale 2. Mythe du Juif détenteur du capital C. Un vecteur d'unification de l'Etat-Nation dans le contexte nationaliste: antisémitisme de droite 1. L'antisémitisme pour renforcer le sentiment national 2. La peur du complot judéo-maçonnique contre la Nation Il y a tout juste cent ans, la Cour de cassation cassait le verdict de Rennes, et Dreyfus était enfin réhabilité, et réintégré dans l'armée. Point culminant moment antisémite» (P. Birnbaum) de la fin du XIXe siècle, l'Affaire a marqué l'histoire de l'Europe. [...]
[...] L'Europe de la fin du XIXe siècle est-elle antisémite? I. Une Europe qui ne peut être taxée d'antisémitisme dans sa globalité A. A la fin du XIXe siècle, les Juifs se sont émancipés 1. L'émancipation civile 2. Les Juifs commencent à s'intégrer dans la société B. L'anti-judaïsme traditionnel ne se retrouve que dans certains milieux 1. Un anti-judaïsme qui s'oppose à la religion juive 2. [...]
[...] Principalement présent dans les milieux catholiques C. Il existe une contestation forte de l'antisémitisme 1. Les actes anti-juifs ne sont pas acceptés par la majorité des populations européennes 2. Victoire des dreyfusards en France pendant l'Affaire II. Néanmoins, l'Europe de la fin du XIXe siècle est le théâtre d'un nouvel anti-judaïsme fondé sur la race: l'antisémitisme A. Le Juif: une race inférieure 1. Théorie de la race 2. La haine du Juif qui mélange son sang aux races supérieures B. [...]
[...] Il existe un souci d'intégration totale dans les milieux aisés (les Rothschild fréquentent la haute bourgeoisie chrétienne), et le rationalisme gagne les milieux intellectuels. Ce souci se traduit par la création, en 1860 à Paris, de la première organisation juive mondiale, l'Alliance Israélite Universelle, avec le projet de rapprocher les Juifs de la culture et du mode de vie des pays où ils résident. Les juifs profitent de leur liberté nouvelle et entrent dans de nouvelles professions, fréquentent les mêmes écoles et universités que le reste de la population. [...]
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