L'idée de nation ne se réduit ni à une signification essentiellement quantitative et géographique, comme celle de peuple, ni à une notion sentimentale comme celle de patrie. Elle recouvre une réalité sociologique dynamique : l'existence de communautés culturelles – et par conséquent historiques – appelées nationalités. Celles-ci, douées d'une conscience claire ou diffuse de leur originalité tendent à consolider leur liens de solidarité, à consacrer leur spécificité et à jouir de leur autonomie en se constituant en sociétés politiques sous l'égide d'un état particulier à chacune d'elles.
La transmutation de la nationalité, idée socioculturelle, en nationalisme (à partir des années 1870/1880), idée sociopolitique, souffre d'une imprécision de sens et d'une ambiguïté d'utilisation. Par nationalisme, on peut entendre patriotisme, c'est à dire amour naturel pour la communauté politique au sein de laquelle un homme naît, vit et reçoit un héritage culturel complexe. Le nationalisme peut aussi se concevoir comme un sentiment patriotique exacerbé, qui s'exprime avec l'outrance d'une revendication lorsque sa reconnaissance lui fait défaut ou lorsque son existence est menacée. Il peut enfin se définir comme une doctrine politique prétendant apporter une clef déterminante à la solution et à l'explication des problèmes de l'humanité en ce qui concerne la réalité nationale de ses territoires.
L'idée de nationalisme procède donc d'horizons divers. Faut-il pour autant renoncer à une vue globale, et tenir pour acquise l'existence définitivement séparée de plusieurs nationalismes fondamentalement différents dans leur principes comme dans leur contenus ? Les histoires parallèles des nationalismes dits « de gauche » et « de droite » qui se développent au second XIXème siècle semblent être trop souvent mises en opposition de nos jours. Certes réelle, une telle opposition n'est pas intellectuellement pertinente pour étudier la notion de nationalisme et hiérarchiser son analyse. Aussi avons-nous souhaité nous en défaire au moins dans l'organisation de notre propos, quitte à retrouver cette nuance nécessaire dans divers développements internes.
C'est que, de gauche à droite, les thèmes nationalistes sont souvent les mêmes et mettent à jours de puissant éléments de continuité, des facteurs très apparents de liaison et de transition : exaltation des grandes figures de l'histoire nationale, culte des héros et de l'énergie, mission religieuse, nécessité géopolitique d'accroître sa puissance, rassemblement sous un même Etat des populations parlant la même langue ou des langues de la même souche…Comment dès lors ne pas privilégier dans le nationalisme ce qui peut constituer son unité, son syncrétisme, et surtout ce qui, en lui, génère la formation d'un véritable « patrimoine commun » ?
Mais alors, quel sens donner au nationalisme français de 1870 à 1914 ? Pourquoi certains ont-ils cherché à extraire du patriotisme national des idéologies nationalistes, fondatrices de groupements politiques ? Et surtout, quels liens établir entre le développement de l'idéologie du nationalisme français et l'évolution de la société à l'intérieur de laquelle elle s'exprime ?
De fait, au-delà des clivages politiques internes que cela recoupe, être nationaliste en France de 1870 à 1914, c'est d'abord méditer sur une décadence. Mais c'est aussi exalter le sentiment national et se définir « contre ». Enfin, c'est surtout avoir le souci prioritaire de conserver l'indépendance, de maintenir l'intégrité de la souveraineté et d'affirmer la grandeur de l'Etat-nation.
[...] 1871-1914, Editions Armand Colin 275p. Guy Hermet, Histoire des nations et du nationalisme en Europe, Editions du Seuil p., pp. 129-133 Françoise Marcard, La France de 1870 à 1918, Armand Colin Editeur, Paris 251p. [...]
[...] Péguy renoue avec Michelet dans cette idée d'une mission divine accordée à la France. La défense de la France est en effet pour lui celle de la chrétienté en même temps que celle des droits de l'Homme. -Barrès définit quant à lui le nationalisme comme étant la reconnaissance du poids déterminant du passé sur le présent, la soumission à la loi sacrée des filiations, l'obéissance aux grandes voix de la terre et des morts Il affirme : nous ne somme pas une race, mais une nation ; elle continue à se faire et , sous peine de nous diminuer, de nous anéantir ( ) nous devons la protéger. [...]
[...] C'est que, de gauche à droite, les thèmes nationalistes sont souvent les mêmes et mettent à jours de puissant éléments de continuité, des facteurs très apparents de liaison et de transition : exaltation des grandes figures de l'histoire nationale, culte des héros et de l'énergie, mission religieuse, nécessité géopolitique d'accroître sa puissance, rassemblement sous un même Etat des populations parlant la même langue ou des langues de la même souche Comment dès lors ne pas privilégier dans le nationalisme ce qui peut constituer son unité, son syncrétisme, et surtout ce qui, en lui, génère la formation d'un véritable patrimoine commun ? Mais alors, quel sens donner au nationalisme français de 1870 à 1914 ? [...]
[...] -Le sursaut du patriotisme des premières années de la III° République naît du choc de la défaite et se cristallise autour de l'Alsace et de la Lorraine. -Toutes les expressions du nationalisme français vont désormais prendre la forme d'une innombrable littérature romanesque qui s'attache à évoquer le drame des provinces perdues, les douleurs de l'exode, les souffrances des réfugiés, autant de thèmes inlassablement repris par l'imagerie et la chanson populaire également. Les folklores alsaciens et lorrains conquièrent une place dominante dans la mythologie nationale la déesse revanche L'année terrible constitue un choc moral et affectif puissant, en particulier à cause de l'aspect déterminant de l'invasion (la guerre est livrée sur le sol national). [...]
[...] Conclusion Le nationalisme du XIX° siècle est le fruit d'une conjoncture européenne. Au milieu des autres nations d'Europe, la France porte à sa plénitude les virtualités du nationalisme idéologique et les communique au reste du monde selon la logique toute nationaliste de l'impérialisme colonial. Dans la seconde moitié du XIX° siècle en France, le nationalisme traditionnel paraît relever tant d'une nécessité que d'un réalisme politique. Il est donc défendu et ce qui peut le corrompre se voit même dénoncé, car émerge l'idée que nous sommes non pas propriétaires mais usufruitiers de notre passé national, et en sommes par conséquent redevables devant les générations passées, présentes et futures. [...]
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