« L'activité humaine a aboli la nuit. On ne doit pas la distinguer du jour, puisqu'elle a comme lui ses travailleurs. On pouvait, au temps du couvre feu, conseiller et prescrire à des habitants de dormir, parce qu'on ne savait pas éclairer les rues, et parce que tout travail cessait au coucher du soleil. Mais à présent tout a changé ». Paris nouveau écrit par un flâneur, auteur anonyme.
Cette analyse introduit parfaitement le sujet, en ce sens où le second 19e siècle va constituer pour les grandes villes occidentales un véritable changement, avec l'apparition de la notion de « beau » dans les politiques urbaines de l'époque. Mais tout d'abord, qu'est-ce qu'une ville ? On considère en effet à l'époque comme des villes les municipalités d'au moins 10 000 habitants, ce qui expliquera les nombreux contrastes entre villes, tant les écarts de taille et population peuvent être importants. Par ailleurs avec l'instauration dans les plus grandes de ces villes d'un éclairage public permanent, une « nuit socialisée et artificiellement diurne » est née, qui prolonge dans une obscurité mieux maîtrisée, certaines activités du jour et en invente d'autres, séductrices.
C'est beau une ville la nuit ? En quoi la seconde moitié du 19ème siècle marque-t-elle une rupture dans l'appréhension de la ville la nuit ?
[...] Tandis que la nuit révolutionnaire était chargée de peur, moment tragique où tout pouvait arriver, on assiste à partir des années 1860 à une véritable révolution nocturne. La nuit devient pour les Parisiens de l'époque un ailleurs proche, accessible, étrange et familier à la fois, et la lisibilité nouvelle des avenues et boulevards haussmanniens attire les honnêtes gens au dehors. Ces grands travaux de modernisation ont donc contribué d'une certaine manière l'apprivoisement de la nuit. La nuit est ainsi haussmanisée Les nuits parisiennes du 19e siècle font l'objet d'une sophistication des moyens techniques destinés à vaincre l'obscurité. [...]
[...] Désormais, chaque nuit dans les grandes villes connaît son lot d'évènements : il n'y a plus aucun temps mort. Pour la majorité des urbains, la nuit devient le moment de divertissement, en contraste avec l'activité régulée du jour. Pour d'autres au contraire, elle constitue un moyen de survivre. Tous ces nouveaux usages de la nuit ne sont pas sans effacer ce qui la caractérisait par le passé : elle reste un moment incertaine et dangereuse. La ville de nuit a été la source d'inspiration de nombreux auteurs romantiques ou réalistes, qui ont tenté de décrire les bouleversements que cet espace subissait en même temps qu'il attirait de plus en plus de personnes et se modernisait progressivement. [...]
[...] Elle n'est donc utilisée que lors de grandes fêtes ou sur certains chantiers, pour allonger la durée du travail nocturne. Haussmann se montre d'ailleurs assez hostile à ce type d'éclairage. L'obstacle fut levé en 1879 avec la lampe à incandescence et à filament. La lumière devenait ainsi divisible en de multiples foyers d'intensité moyenne. L'éclairage électrique entrait ainsi en concurrence avec l'éclairage au gaz, plus confortable, plus sur, et plus propre. Sous le Second Empire, la lumière est reconnue comme le signe le plus patent de la fête, et les lumières fonctionnent comme des appâts. [...]
[...] D'ailleurs, le soir de son inauguration, dix mille becs de gaz disposés dans des globes de verre opalin éclairaient la grande dame de fer. Deux projecteurs sur rails installés au dernier étage de la Tour éclairaient les monuments de paris, et son phare à feu continu et à éclats périodiques est à l'époque le plus puissant du monde. Cf. images. Durant toute cette période, l'électricité commence à nourrir les imaginaires, certains rêves étant complètement utopistes, d'autres beaucoup plus réalistes : Eugène de Mirecourt imagine en 1855 une nuit parisienne en 1955 avec une multitude de soleils électriques qui remplacent le Soleil de Dieu ; Jules Bourdais présente en 1885 en vue de l'exposition de 1889 un projet d'une Colonne-Soleil, haute de 360 mètres, dont le foyer serait un Soleil descendu sur Terre, et qui éclairerait la ville, etc. [...]
[...] Le 17 mars 1871, Thiers et son gouvernement, envoient donc la troupe au cours de la nuit s'emparer des canons de la butte Montmartre. Le 18 mars au matin, le peuple parisien, fraternisant avec la troupe, élève des barricades : la nuit du 17 au 18 mars a donc été l'élément déclencheur de l'insurrection des Communes. La ville du XIXe siècle connaît donc des aménagements considérables qui permettent à la fois de l'embellir mais aussi d'ouvrir un espace à une vie nocturne, même si elle est encore limitée aux grandes villes et dans les horaires, caractérisée par le loisir. [...]
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