« L'Etat nazi et la société allemande » semble, à la première lecture, un sujet vastement
débattu. Mais, à vrai dire, la plupart des recherches sur la période nazie se sont essentiellement
concentrées sur l'Holocauste, la personnalité de Hitler et les relations internationales.
L'enseignement de la période nazie insiste en effet sur trois points : l'arrivée démocratique de
Hitler au pouvoir, la volonté de domination de l'Europe, l'extermination des populations
« indésirables ».
Classiquement, la figure de Hitler prédomine sur l'Etat nazi. Les historiens qui
avancent une explication intentionnaliste de la période nazie renforcent selon moi cette
personnalisation du « mal ». En effet, ils font incomber à Hitler et à ses fidèles la responsabilité
pleine et entière de la réalisation d'un programme fomenté dès l'origine, un « complot » contre
l'humanité en quelque sorte. Ne serait-ce que parce qu'il y a eu, jusqu'en 1942, l'intention de
concentrer tous les Juifs à Madagascar, et que la conférence de Wannsee abandonne enfin cette
idée pour imposer la « solution finale » (Endlösung), la théorie selon laquelle l'extermination des
Juifs serait prévue depuis le premier programme national-socialiste s'effondre. Mais pour en
revenir à notre propos, je pense que la figure du dictateur ne doit pas occulter les autres acteurs
de l'Etat nazi : ses conseillers, ses fonctionnaires, ses exécutants.
Un Etat totalitaire n'existe pas sans le soutien de sa bureaucratie. Le terme même de
bureaucratie démontre, de par son étymologie même, qu'un pouvoir émane de cette bureaucratie.
Le pouvoir de la bureaucratie, c'est d'agir de façon autonome aux ordres auxquels elle est
soumise. L'autonomie est renforcée en 1938 lorsque Hitler cesse de réunir son cabinet pour
gouverner, ne laissant entendre à ses subordonnés que des ordres brouillons qu'ils sont chargés
d'interpréter eux-mêmes. En aval, c'est l'opacité de la machine administrative qui dicte sa loi, à tel
point que l'administré ne peut que se soumettre à un ordre dont il ignore la provenance, dont la
motivation est inexistante, et dont la susceptibilité de recours est inconnue. Le citoyen allemand,
en face d'un tel appareil d'Etat, c'est un peu David contre Goliath. Cependant, la société
allemande en grande majorité a, bon gré mal gré, plébiscité le régime nazi qui promettait des
garanties que la République ne pouvait pas lui offrir. Psychologiquement éprouvée par la défaite
de 1918, que de nombreux agitateurs politiques ne manqueront pas d'instrumentaliser,
traumatisée par les crises économiques à répétition, la population allemande est très vulnérable, et
la prise de contrôle de la société par l'Etat nazi lui permet de se « reposer » sur cet Etat fort…
tout en légitimant, voire pis, en cautionnant par son silence les actes de l'Etat nazi.
J'ai fait le choix de privilégier des auteurs germanophones, notamment pour la raison
suivante : ces auteurs se doivent, plus que quiconque, d'expliquer et de justifier le comportement
d'une société à laquelle ils appartenaient. Ils sont sans doute les mieux placés pour ne pas porter
un jugement mais pour tenter de comprendre et de faire comprendre comment leur société a pu
se retrouver au service de l'Etat nazi.
Comment l'Etat nazi a-t-il façonné la société allemande ? Quelles ont été les réactions
de cette société ?
A partir de l'étude du contexte dans lequel les nazis ont été amenés au pouvoir (I),
nous envisagerons comment la société allemande réagit (III) aux moyens que l'Etat nazi met en
oeuvre (II).
[...] Ne serait-ce que parce qu'il y a eu, jusqu'en 1942, l'intention de concentrer tous les Juifs à Madagascar, et que la conférence de Wannsee abandonne enfin cette idée pour imposer la solution finale (Endlösung), la théorie selon laquelle l'extermination des Juifs serait prévue depuis le premier programme national-socialiste s'effondre. Mais pour en revenir à notre propos, je pense que la figure du dictateur ne doit pas occulter les autres acteurs de l'Etat nazi : ses conseillers, ses fonctionnaires, ses exécutants. Un Etat totalitaire n'existe pas sans le soutien de sa bureaucratie. [...]
[...] Les industriels attendent notamment de Hitler, en échange d'un certain financement et de leur appui, qu'il les débarrasse des syndicats. Les milieux d'affaires ne sont pas en reste, car Hindenburg ignore que Schacht, ancien président de la Reichsbank et créateur du Rentenmark qui sauva l'Allemagne de la crise de 1923, en lui recommandant Hitler au poste de chancelier, le fait parce qu'il est déjà passé à l'ennemi L'Etat nazi et la société allemande Les protomesures économiques du NSDAP Le rôle économique de la SA sections d'assaut du parti nazi) n'est pas négligeable dans le soutien qui est apporté au NSDAP. [...]
[...] Le terme même de bureaucratie démontre, de par son étymologie même, qu'un pouvoir émane de cette bureaucratie. Le pouvoir de la bureaucratie, c'est d'agir de façon autonome aux ordres auxquels elle est soumise. L'autonomie est renforcée en 1938 lorsque Hitler cesse de réunir son cabinet pour gouverner, ne laissant entendre à ses subordonnés que des ordres brouillons qu'ils sont chargés d'interpréter eux-mêmes. En aval, c'est l'opacité de la machine administrative qui dicte sa loi, à tel point que l'administré ne peut que se soumettre à un ordre dont il ignore la provenance, dont la motivation est inexistante, et dont la susceptibilité de recours est inconnue. [...]
[...] Robert Merle, dans son roman La mort est mon métier (Gallimard L'Etat nazi et la société allemande 11 1976), reprend à sa façon la vie de Rudolf Hoess, commandant du camp de concentration d'Auschwitz. Il montre son éducation dans le contexte de la Première guerre mondiale, de la défaite, de l'instabilité du début du régime de Weimar ; l'engagement précoce dans l'armée, puis dans les corps francs ; le désoeuvrement de la population durant les crises économiques, et le NSDAP renaissant vers la fin des années 1920, fort d'un noyau de jeunes adhérents qui en veulent et qui proposent une alternative. [...]
[...] Parallèlement, l'Etat s'impose face aux Eglises. Les protestants soutiennent assez largement le régime ; l'Etat revoit leur organisation, divisée en Eglises relevant d'anciennes principautés ; il crée une Eglise unique. Seuls les membres de l'Eglise confessante refusent de soutenir le régime et ses principaux prédicateurs, tels Martin Niemoeller et Dietrich Bonhoeffer sont déportés, ce dernier y laissant la vie. Si l'Etat nazi est soutenu au départ par les catholiques, avec lesquels il a signé un concordat, il ne tarde pas à le violer. [...]
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