« Il est très surprenant que les richesses des gens d'Eglise aient commencé par le principe de pauvreté ». Par cette citation, extraite des pensées de Montesquieu, très représentative du vent de contestation qui se leva dans les esprits et dans les actes à la fin de l'Ancien Régime et surtout à l'aube de la Révolution, face à l'organisation et à la position de l'ordre cléricale catholique, on saisit combien la perception de l'Eglise était différente, à cette époque, de celle qui avait marqué les périodes précédentes. En effet, d'une monarchie absolue, dont le pouvoir souverain avait été conceptualisé par Jean Bodin dans son œuvre les six livres de la République en 1576, parachevée au XVIIème siècle par la théorie de Bossuet d'un Droit divin qui plaçait la Religion catholique en Religion d'Etat , on glissait, avec la Révolution, vers une nouvelle conception de l'Etat, du pouvoir, mais aussi de la structure sociale et donc de la place de la Religion au sein des institutions et de la Société.
C'est, en effet, la remise en cause de la structure sociale d'Ancien régime, mais aussi la nouvelle conception du pouvoir royal, posés dès le début de la Révolution, par des actes de l'Assemblée Nationale Constituante tels que le décret des 4 et 11 août 1789 ou la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen du 26 août de la même année, qui conduirent directement à s'interroger sur la place de la Religion dans le cadre introduit par les grands principes révolutionnaire. Jacques Ellul, dans son ouvrage, intitulé Histoire des institutions, soulignait, à cet égard, que « les éléments constitutifs socialement de l'Eglise sont en opposition avec la tendance Révolutionnaire ». Ainsi, la suppression des privilèges au sens étymologique de « loi privée » (privitae legis) par le décret du 4 et 11 août 1789 qui, répondant aux demandes des cahiers de doléances récoltés dans le cadre de la procédure de réunion des Etats Généraux, avait détruit, si ce n'est dans les faits au moins dans les idées, la structure tripartite caractéristique de la société d'Ancien régime par la suppression, pour l'ordre du clergé, de la perception de la dîme ou de l'exemption d'impôt par exemple, remettait donc en cause la place de l'Eglise dans cette nouvelle société révolutionnaire,
De même, dans le cadre de la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789, c'est la conception d'une identité et d'une unité de la Nation qui conduisit à la volonté de subordination de l'Eglise à l‘Etat, mais aussi la proclamation de la liberté individuelle en contradiction avec les vœux perpétuels de l'Eglise catholique perçus comme l'aliénation de celle-ci ou encore la conception individualiste qui entra en conflit avec l'organisation, le droit et le patrimoine autonome de l'Eglise qui représentait près d'un cinquième du territoire français en 1789, qui conduisirent à une véritable « destruction de la structure traditionnelle de l'Eglise »selon les termes de Jacques Ellul.
Dans le cadre d'un effacement du lien entre son patrimoine colossal et sa fonction sociale d'assistance et d'éducation qui était la sienne sous l'Ancien Régime, dès lors reprise par la Nation souveraine, l'Eglise connut, dès la première année de la Révolution, une profonde mutation de son rôle, de l'organisation de ses rapports avec l'Etat et de sa structure interne. Pourtant, il ne faudrait pas nécessairement faire résulter de ces premiers constats une volonté de destruction de l'Eglise, ainsi d'ailleurs que de la monarchie, de la part des révolutionnaires au sein de l'Assemblée nationale Constituante. A cet égard, celle-ci, en effet, se proclama catholique dès 1789, et il faut voir derrière toutes ces mutations de plus larges motivations, comme les raisons financières dans le contexte de crise économique qui avait conduit à la chute de l'Ancien Régime.
Les rapports entre l'Eglise et l'Etat, durant les périodes qui suivirent jusqu'au début de l'Empire de Napoléon Bonaparte par le Senatus consult de l'an XII, ne furent pas moins marqués par de profonds changements. L'évolution qui marqua cette période, apparaît, à cet égard, décisive à étudier en ce qu'elle peut être considérée comme étant à l'origine de l'organisation moderne des rapports entre l'Eglise et l'Etat. Il semble donc déterminant d'étudier qu'elles ont été, durant la période allant de 1790 à la construction de l'Empire napoléonien, avec à l'esprit le contexte et les récentes évolutions que l'on vient de rappeler, les évolutions de ces rapports entre l'Eglise et l'Etat.
Cette évolution marquée dans un premier temps par la fonctionnarisation sous l'Assemblée nationale Constituante et la monarchie Constitutionnelle puis par la déchristianisation et la mise en place de nouveaux cultes, durant la période de la Convention nationale (I), prendra, avec la dernière partie de la Convention, le régime du Directoire puis le consulat, un nouveau tournant vers une séparation de l'Eglise et de l'Etat (II).
[...] Le décret du 2 novembre 1789 dispose, ainsi, que les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la Nation et permis, dans ce sens, de revendre les biens du clergé en tant que biens nationaux. Cette nationalisation posait la question du clergé régulier (qui vit hors du siècle) perçu par l'opinion publique (dont le poids est considérable pendant l'ensemble de la période étudiée) comme inutile, à l'inverse de la conception qu'on en avait sous l'Ancien régime où ils étaient considérés comme les ecclésiastiques priant pour le Salut des autres ordres. [...]
[...] C'est, ainsi, que Napoléon Bonaparte prit des mesures en faveur de l'Eglise pour obtenir ce consentement. À cet égard, on peut souligner, qu'à cette époque, les évêques étaient appelés les apôtres de l'Etat autant que de l'Eglise preuve qu'ils apparaissaient bien comme un instrument de soumission sociale. La scission entre l'Eglise Gallicane et romaine issue des mesures révolutionnaires, qui perdurait malgré le retrait du serment (limité à la Constitution) par Napoléon, apparaissait comme un obstacle à ce stratagème puisqu'il empêchait d'obtenir le soutien du souverain pontife. [...]
[...] Celle- ci fut, dans un premier temps, marquée par un difficile retour à la paix et un embryon de séparation de l'Eglise et de l'Etat puis allait mener, avec le consulat, le concordat de 1801 et ses articles organiques, à une séparation, sous contrôle, de l'Eglise et de l'Etat La convention thermidorienne et le Directoire : du difficile retour à la paix à la première séparation de l'Eglise et de l'Etat La période allant de la Convention thermidorienne au régime du Directoire, que celle-ci instaura par la Constitution de l'an III, fut marquée par une première phase où il apparu difficile de revenir à la paix et à la sérénité dans les relations entre l'Eglise et l'Etat, puis, dans un second temps, par une première ébauche de séparation de l'Eglise et de l'Etat. La période de la convention thermidorienne et du directoire instauré par la Constitution de l'an III est, dans un premier temps, marquée par un difficile retour à la paix malgré les tentatives des thermidoriens de restaurer l'ordre au sein des relations entre l'Eglise et l'Etat. Les thermidoriens, au sein de la convention nationale, avaient, dans un premier temps, choisi de reconstituer l'Eglise constitutionnelle. Mais, ceci avait conduit à la restauration de l'Eglise réfractaire. [...]
[...] Face aux 18 articles du Concordat de 1801, les 77 articles organiques, préparés par le législateur, organisèrent une véritable soumission de l'Eglise à l'Etat. Ainsi, la loi d'organisation des cultes préparée par Portalis, le ministre des Cultes, prévit que le gouvernement donnait son autorisation pour que l'Eglise puisse faire des actes quasi quotidiens afin, selon ces articles, de garantir la plus grande utilité publique Par le contrôle des publications, des réunions, des nominations, dans le cadre d'une profonde centralisation du pouvoir et d'une réorganisation sur le modèle administratif, les articles organiques modifièrent véritablement l'accord pris entre le Premier consul et le Pape allant même jusqu'à le dénaturer. [...]
[...] Les principes révolutionnaires, à l'image de la vision individualiste d'une proclamation de la liberté individuelle ou celle d'une unité et d'une identité de la Nation souveraine, présents dans les actes pris par l'Assemblée nationale constituante, ainsi que nous l'exposions pour introduire notre propos, apparaissent, en 1790, comme les fondements si ce n'est réel, au moins d'apparences, de la nationalisation des biens du clergé votée par décret, par cette Assemblée, le 2 novembre 1789. Ainsi, trois justifications furent apportées par l'Assemblée nationale constituante. La première fut que, la propriété reposant sur la loi, qui est l'expression de la volonté de la Nation souveraine ainsi que le dispose la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789, cette dernière peut donc en retirer la jouissance. [...]
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