Ce texte est extrait du Nouvel Observateur daté du 21 juin 1976, il reproduit un entretien accordé par Berlinguer au Corriere della Sera et paru dans ce dernier le 15 juin 1976. Le Nouvel Observateur est un hebdomadaire politique français de la gauche non communiste, le Corriere est quant à lui une véritable institution de la vie politique et culturelle italienne proche de la Démocratie Chrétienne (DC).
Les réponses d'Enrico Berlinguer aux questions du journaliste italien ont été transcrites par ce dernier avant d'être traduites par un journaliste français, nous pouvons cependant admettre qu'elles n'ont pas été déformées même si des commentaires des différents journalistes y sont ajoutés.
Enrico Berlinguer (1922-1984) est un homme politique de premier plan pour l'Italie des années 1970. Il a fait partie de la résistance au fascisme dès 1937 et a adhéré dès 1943 au Parti Communiste Italien (PCI). A partir de 1968 il est considéré comme le numéro un du PCI suite à la mort de Togliatti et à la maladie de Longo. Il devient secrétaire général du PCI en 1972. Dès 1973 il théorise le « compromis historique », alliance du PCI et de la DC afin de permettre aux communistes d'arriver au pouvoir en Italie, et dans les années qui suivent contribue fortement à l'élaboration de l'eurocommunisme.
Dans les années 1970, l'Italie connaît une crise économique mais aussi politique très forte, marquée notamment par la montée du terrorisme, c'est ce qui a été appelé « les années de plomb ». Plus spécifiquement, l'année 1976 est marquée par le rapprochement de la DC et du PCI. L'entretien accordé le 15 juin 1976 s'inscrit dans le cadre de la campagne électorale, Berlinguer cherche à attirer des voix aux communistes et à rassurer ses nouveaux alliés chrétiens. Le 21 juin, lorsque cet entretien est paru dans le Nouvel Observateur, nous sommes au cœur des élections législatives en Italie dont les résultats ne sont pas encore connus (20 et 21 juin 1976). Plus largement l'eurocommunisme de Berlinguer s'inscrit dans le cadre du début de la contestation de la toute puissance soviétique et de la recherche d'une autre voie vers le socialisme, après les expériences ratées de Dubcek en Tchécoslovaquie (1968) et d'Allende au Chili (de 1970 au coup d'état de Pinochet en 1973). Nous sommes donc en 1976 dans le contexte de la détente dans la guerre froide, mais aussi dans le cadre d'une crise du leadership soviétique.
Nous pouvons alors nous demander en quoi l'expérience de Berlinguer en Italie s'inscrit dans ce contexte de recherche d'une nouvelle voie vers le socialisme et quels sont les moyens qu'il met en œuvre pour y parvenir.
Pour répondre à cette question, nous étudierons tout d'abord l'ancrage du PCI et de l'Italie dans le camp occidental, avant de nous intéresser plus spécifiquement à l' « eurocommunisme » de Berlinguer.
[...] Plus simplement, ce que Berlinguer appelle : Notre voie vers le socialisme (l. n'est autre qu'un moyen de chercher à concilier communisme, libertés et démocratie. Berlinguer croyait véritablement arriver peu à peu à mettre en place le socialisme en Italie. C'était aussi un moyen pour lui de réaliser un consensus autour d'un projet de transformation de la société tout en privant d'une base de masse les partisans d'un coup d'état d'extrême droite comme pouvaient le faire craindre les nombreux actes terroristes qui sévissaient alors en Italie. [...]
[...] Quant au compromis historique il n'a fait qu'affaiblir le PCI qui est à nouveau entré dans l'opposition dès 1979. Bibliographie Instruments de travail - M. Vaïsse (dir.), Dictionnaire des relations internationales au 20ème siècle, Paris, Armand Colin Article Eurocommunisme Ouvrages généraux - F. Attal, Histoire de l'Italie de 1943 à nos jours, Paris, Armand Colin - S. Jeannesson, La guerre froide, Paris, La Découverte - P. Milza, Histoire de l'Italie des origines à nos jours, Paris, Fayard - G.H. Soutou, La guerre de Cinquante ans. Les relations Est-Ouest 1943-1990., Paris, Fayard Ouvrages spécialisés - L. [...]
[...] En effet, Dubcek a été contraint de démissionner en avril 1969 puis exclu du Parti Communiste un an plus tard. Il faut rappeler ici que dès 1969, Berlinguer avait exprimé son grave désaccord avec l'intervention des troupes du Pacte de Varsovie à Prague. A titre de comparaison, le PCF avait simplement exprimé sa réprobation Malgré quelques réactions dans le camp occidental, cette intervention n'avait pas provoqué de mesure à l'encontre de l'URSS car il n'a jamais été question pendant la guerre froide d'intervenir au-delà du rideau de fer. [...]
[...] Marcou, Les pieds d'argile. Le communisme mondial au présent 1986, Paris, Ramsay -P. Meney, L'Italie de Berlinguer, Paris, Lattès Articles spécialisés - J. Lévesque, Le parti communiste italien, l'URSS et l'ordre international. Le cheminement du PCI depuis 1975 dans Revue française d'histoire politique p. 141-180. I. L'Italie, un pays profondément ancré à l'Ouest A. La réaction du PCI face au printemps de Prague B. [...]
[...] Il est même question de Bouclier à l'abri duquel vous pouvez construire le socialisme dans la liberté (l. 22/23). C'est donc ici principalement une question d'opportunisme pour Berlinguer, il cherche des appuis à l'Ouest pour tenter d'y construire une nouvelle forme de socialisme, il veut mener progressivement les Italiens occidentaux et occidentalistes vers l'acceptation du communisme et sa mise en place dans le cadre de la démocratie. C. Les avantages du système occidental Berlinguer cherche dans cet entretien à expliquer ses choix qui peuvent paraître contradictoires avec les idées communistes qu'il est censé défendre en tant que secrétaire général du PCI : Le socialisme dans la liberté est plus aisé à réaliser à l'intérieur du système occidental que dans celui de l'Est (l.32/33). [...]
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