C'est par le biais de la dépression économique que les Français prennent conscience de la crise qui frappe leur pays au mois de septembre 1931. Jusqu'alors, ils ont pu penser que la crise qui a débuté en 1929 aux Etats-Unis, puis gagné l'ensemble du monde, les épargnerait, en raison de l'équilibre des activités économiques nationales et la méfiance envers le gigantisme à l'américaine. Fait particulier, cette crise qui survient tardivement est une crise de langueur paralysant lentement les activités. Cependant, cela participe à entretenir une atmosphère de crise perpétuelle, particulièrement jusqu'à l'année 1935.
Les gouvernements français sont largement désarmés. Les analyses formulées sont archaïques, et, pour des raisons politiques ou ayant trait aux mentalités, les pouvoirs publics refusent à appliquer les deux grands types de remèdes que leur proposent les grands pays industriels en crise, qu'il s'agisse de l'isolement à l'allemand ou la dévaluation à l'américaine. L'incompétence gouvernementale est double : une tradition de « juste mesure » inadaptée l'emporte en France, en plus de l'archaïsme des analyses.
La crise est d'autant plus grave qu'elle touche un pays dont les idéologies sont en crise (crise du libéralisme à droite, scission des neo-socialistes à gauche, …) et qui s'interroge sur la validité de son régime politique, qui a perdu la foi dans la qualité du modèle de démocratie libérale que la France croyait pouvoir proposer à l'ensemble du monde à la veille de la guerre. Et ce alors même qu'à la fin de la 1ère guerre mondiale la république s'était imposée et que la population, soudée autour de ses institutions, aspirait à l'unité nationale. Le système politique français apparaît très largement bloqué, paralysé, dans l'impasse. Une série d'échec ont ébranlé le régime : le Bloc national de 1919 à 1924 qui ne tient pas ses promesses d'unité nationale, la désillusion à la fin du Cartel des gauches en 1926 qui périclite du fait du « mur d'argent » (l'opposition des milieux d'affaires et le conflit radicaux/socialistes), l'expérience de l'Union nationale ensuite. La politique de la droite (Laval, Tardieu) est vécue comme un immobilisme et une stagnation. Les élections de 1932 représentent une assez nette victoire pour la gauche, et principalement pour les radicaux. La solution centriste d'Edouard Herriot est un échec. Après la chute d'Herriot dès 32, se succèdent Paul-Boncour, le radical Daladier, Albert Sarraut, jusqu'à Camille Chautemps qui occupe le poste de Président du Conseil entre janvier 33 et janvier 34. Il est remplacé par Daladier.
Ces jeux politiques interdisent d'envisager sérieusement toute solution au marasme. Un fort courant d'antiparlementarisme se développe, atteignant d'abord le parti radical, mais aussi les institutions jugées inadéquates à promouvoir un gouvernement efficace. Est moins visée la République que le Parlement, qui est de plus le lieu d'une série de scandales politico financiers. Affaire de la Gazette du franc, affaire de l'aéropostale, affaire Oustric, … Fin 1933 éclate l'affaire Stavisky. Stavisky est un escroc d'origine ukrainienne, juif, membre de la franc-maçonnerie, tout en étant bien infiltré dans le milieu parlementaire : il choisi comme avocat des parlementaires radicaux importants ! Son profil se prête donc facilement à l'exploitation politique. Naturalisé en 1920, il a déjà derrière lui une longue série d'escroquerie, quand éclate l'affaire du crédit lyonnais de Bayonne, une affaire de détournements de bons, dans laquelle est aussi impliquée le député-maire radical local. Stavisky est retrouvé suicidé alors que les enquêteurs remontent la filière de ses protecteurs et appuis. Le rôle de détonateur de ce scandale sera déterminant, comme nous le verrons par la suite.
A ce contexte intérieur difficile s'ajoute une situation internationale qui excite les fantasmes des uns et des autres. Le fascisme italien est maintenant au pouvoir depuis une dizaine d'années, le national-socialisme vient d'accéder au pouvoir en Allemagne, la situation se tend progressivement en Espagne. La nature de ces régimes pose de nouveaux problèmes doctrinaux et de nouvelles inquiétudes aux uns: le parti socialiste doit-il continuer à refuser de voter les crédits militaires quand l'adversaire est le nazisme ? (Blum) Les ligues qui s'agitent de plus en plus dans la France des années 30 ne sont elles pas le préliminaire à un coup d'état fasciste en France ? Pour une partie de la droite, ces régimes sont aussi une source d'inspiration, ce qui n'exclut pas une certaine répulsion vis-à-vis de l'Allemagne dans le cas de l'Action française. Cependant, l'attitude du gouvernement français, en matière de politique étrangère, jusqu'au octobre 1933, en reste aux conceptions définies en 1924-1925 : l'arrivée au pouvoir de Hitler n'a en rien modifié ses vues dans la pratique. Mais rapidement, le 14 octobre 1933, l'Allemagne quitte la Conférence du désarmement, puis la SDN le 19. Pour la France qui n'a cessé de redouter la menace allemande, le péril est évident.
Crise économique, crise politique, tant d'un point de vue idéologique que de l'action gouvernementale, scandales politico financiers récurrents, montée de la menace extérieure ; c'est dans ce contexte que vont éclater les manifestations du 6 février 1934.
Quels sont les enjeux du 6 février 1934, analysé comme élément charnière d'une période, la crise des années 30 ?
Une charnière qui s'articule en 3 étapes, de la concentration des enjeux avant l'éclatement du 6 février 1934 à la « journée plurielle », jusqu'aux conséquences d'un « jour durable » dont nous verrons, en conclusion, le débouché.
[...] Une série d'échec ont ébranlé le régime : le Bloc national de 1919 à 1924 qui ne tient pas ses promesses d'unité nationale, la désillusion à la fin du Cartel des gauches en 1926 qui périclite du fait du mur d'argent (l'opposition des milieux d'affaires et le conflit radicaux/socialistes), l'expérience de l'Union nationale ensuite. La politique de la droite (Laval, Tardieu) est vécue comme un immobilisme et une stagnation. Les élections de 1932 représentent une assez nette victoire pour la gauche, et principalement pour les radicaux. La solution centriste d'Edouard Herriot est un échec. Après la chute d'Herriot dès 32, se succèdent Paul-Boncour, le radical Daladier, Albert Sarraut, jusqu'à Camille Chautemps qui occupe le poste de Président du Conseil entre janvier 33 et janvier 34. Il est remplacé par Daladier. [...]
[...] C'est la conclusion des rapports de la Commission d'enquête ouverte au lendemain du 6 février. Tous ceux qui sont descendus dans la rue avaient la volonté de provoquer des troubles et d'abattre le gouvernement, de rendre fluide la situation politique française en attendant de voir comment pourrait être exploitée la vacance du pouvoir. Le conseil municipal et la conjuration de l'Hôtel de ville On trouve des conseillers municipaux à la tête des Jeunesses Patriotes avec Taittinger ou des Isnards, animant avec Lebecq le cortège de l'UNC, tenter de capter à leur profit la manifestation des Croix-de-Feu. [...]
[...] Pour une partie de la droite, ces régimes sont aussi une source d'inspiration, ce qui n'exclut pas une certaine répulsion vis-à-vis de l'Allemagne dans le cas de l'Action française. Cependant, l'attitude du gouvernement français, en matière de politique étrangère, jusqu'au octobre 1933, en reste aux conceptions définies en 1924- 1925 : l'arrivée au pouvoir de Hitler n'a en rien modifié ses vues dans la pratique. Mais rapidement, le 14 octobre 1933, l'Allemagne quitte la Conférence du désarmement, puis la SDN le 19. [...]
[...] C'est ainsi que part radical et parti socialiste font le lit du fascisme ! Pour la gauche, le 6 février devient l'équivalent français de la marche sur Rome qui a conduit au pouvoir le fascisme italien ou des manifestations qui ont précédé l'arrivée d'Hitler à la chancellerie le 30 janvier 1933, c'est un coup de force fasciste. Et contre lui, il importe de s'organiser. Telle est l'interprétation de Léon Blum au lendemain de l'évènement : derrière le gouvernement d'union nationale, le fascisme est prêt à prendre le pouvoir. [...]
[...] Cependant, les objectifs de ces organisations demeurent vagues. Y compris s'agissant de l'Action Française, à défaut de l'être théoriquement (le retour à la monarchie), ils le sont dans la pratique. Derrière l'enjeu du duel entre ligue et parlementarisme, il y a l'action de la droite que l'on peut qualifier de politique plutôt que de parlementaire André Tardieu, chef de la majorité de droite vaincue en 1932, se fait une spécialité de publication de listes fantaisistes d'hommes politiques radicaux qu'il accuse de compromissions avec Stavisky, brocardée bailleur de fonds du Parti radical L'Action Française dirige son offensive sur le président du Conseil radical de janvier 1934, Camille Chautemps, observant que Stavisky a bénéficié de 19 remises successives de son procès, sans que le parquet y trouve à redire (procureur général Pressard, beau-frère de Camille Chautemps). [...]
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