Le conflit qui débute en 1939 prend progressivement un caractère nouveau : il est mondial, or le monde à cette époque, ce sont justement les Empires, britannique et français, mais aussi hollandais et belge. Ces Empires connaissent pendant la guerre des évolutions considérables, que celles-ci soient peu visibles, comme en Afrique noire, ou au contraire éclatantes, comme en Asie du sud-est. Il y a ainsi véritablement un avant et un après Seconde Guerre mondiale dans l'histoire coloniale.
Il semble donc essentiel, pour comprendre pleinement le bouleversement de la relation entre l'Europe et le monde au milieu du XXe siècle, de se plonger dans l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et d'y analyser les enjeux qu'ont pu représenter les possessions européennes. Pour cela, il est indispensable de distinguer continuellement la réalité militaire du mythe politique des colonies, de prendre en compte les différences fondamentales entre les puissances coloniales concernées, avec par exemple une France défaite et déchirée et une Angleterre combattante et unie, et de s'interroger sur l'impact de la guerre chez les peuples colonisés et les réactions qu'elle suscite.
S'interroger sur l'enjeu des Empires pour les puissances belligérantes, c'est donc d'une part tenter de cerner la réalité stratégique des Empires dans le conflit, mais aussi d'autre part aborder les bouleversements qu'introduit la guerre dans le rapport métropole/colonie et l'enjeu identitaire qui en découle.
[...] De même, en 1939, la France dispose de 5 divisions d'infanterie coloniale, dont 1 métropolitaine et 4 mixtes, africaines et malgaches. Il y a à cette même date 18 régiments de tirailleurs sénégalais, soit hommes qui, généralement envoyés en première ligne se distinguent sur la Somme en 1940 puis au Maroc en 1943. Mais les Empires sont aussi lourdement ponctionnés fiscalement et la productivité, indispensable à cette période, est assurée par le rétablissement du travail forcé, par exemple dans les mines de diamant au Tanganyika ou au Congo, de tungstène en Ouganda ou d'étain au Nigéria, ou encore par le rétablissement de la corvée d'Etat à Madagascar. [...]
[...] Les colonies deviennent donc des proies relativement faciles : les populations locales, étant déjà soumises à un pays étranger, ont une identité collective relativement faible, peu de Vietnamiens, malgré la propagande officielle, se sentent solidaires des Français face aux humiliations qu'ils subissent en Indochine ; et les métropoles ne peuvent engager d'efforts colossaux dans la défense de leurs colonies, c'est ce qui explique le peu de résistance de l'Indochine ou de l'Indonésie. Cependant, dans l'ensemble, les colonies se montrent relativement fidèles à leur métropole malgré leur débâcle en Europe et il n'y a pas d'effondrement des Empires, ce qui montre leur relative solidité. Les Empires deviennent donc de réels enjeux militaires. [...]
[...] Fin juin 1940, Hitler propose en effet à la Grande-Bretagne une cessation des hostilités et un véritable partage du monde, que celle-ci refuse aussitôt. L'Europe est alors clairement considérée comme la clé d'accès au monde et la guerre est encore uniquement européenne. De leur côté, les colonies sont perçues comme des facteurs de puissance : elles ne font que contribuer à la puissance des métropoles dans un rapport étroit de dépendance et stratégiquement, les Etats majors considèrent les colonies uniquement comme un réservoir d'hommes et de richesses et non comme un véritable enjeu stratégique, lieu possible de continuation de la guerre. [...]
[...] De Gaulle, dès son message du 18 juin 1940, appelait à l'insurrection dans les colonies, mais seuls le Tchad, le Cameroun, le Togo, et les possessions du Pacifique se rallient à la France libre. Noguès en Afrique du Nord, Boisson en AOF, et Mittelhauser au Levant restent fidèles à Pétain. Il faut attendre le débarquement américain en Afrique du nord le 8 novembre 1942 et la signature d'un accord entre le général Clark et l'amiral Darlan mettant fin à la résistance vichyssoise pour que l'Empire devienne un acteur politique autonome. [...]
[...] Les empires coloniaux dans la Seconde Guerre mondiale, quel enjeu pour les puissances belligérantes ? Depuis 1940, le mot Empire a acquis un prestige quasi magique, il a été l'un des pôles de la pensée politique française constatait Léopold Sedar Senghor en 1945. L'histoire des Empires européens au XXème siècle, c'est en effet avant tout l'histoire des mythes : au mythe d'un Empire rendant la France invincible en 1940 succède ce que Charles Robert Ageron appelle le mythe du redressement de la France par l'Empire. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture