Empire ottoman, histoire impériale, Jane Burbank, Frederick Cooper, Tanzîmat, sultan Abdülhamid II, occidentalisation, tradition islamique, Mehemet Ali, Sublime Porte, corps des Janissaires, modernisation ottomane, système des millets, traités des Capitulations, CUP Comité Union et Progrès, Ali Pacha, crise balkanique
La publication en 2010 de l'ouvrage de Jane Burbank et Frederick Cooper, "Empires in World History", a remis au goût du jour l'histoire impériale. Si des études avaient été menées par le passé, sur des pratiques impériales précises - Rome, la Chine, l'Empire ottoman, la Russie..., l'ouvrage de Burbank et Cooper est novateur dans la mesure où il place les empires dans une perspective de long terme, les considérant au-delà des découpages traditionnels de l'histoire du monde.
En effet, s'intéressant aux empires de la Chine antique à nos jours, Burbank et Cooper montrent à quel point les empires ont dominé la plus grande partie de l'histoire du monde, et leur ouvrage incite à réfléchir sur certains schémas traditionnels qui feraient de l'État-nation une suite logique, plus moderne et, au final, plus "civilisée", de l'évolution des sociétés. En effet, l'ouvrage montre que les empires ont été particulièrement efficaces à s'adapter au changement, ce qui explique leur longévité, mais également comment les empires ont proposé un modèle de gestion de la différence que les États-nations ont, jusqu'à nos jours, bien du mal à imiter.
[...] Les Tanzîmat auront donc pour but de réformer la gestion ottomane de la différence, afin de l'adapter au contexte contemporain. En effet, le XIXe siècle n'est pas seulement le siècle des appétits coloniaux : c'est également celui des nationalismes, et la perte par l'Empire d'une grande partie de la Grèce en 1832 après le succès d'un mouvement séparatiste marque un tournant que le pouvoir ottoman ne va pas souhaiter voir se reproduire. Les deux rescrits impériaux constituant les Tanzîmat, en 1839 et en 1856, garantiront ainsi « l'égalité de tous les Ottomans, sans distinction de race ni de religion »[22]. [...]
[...] De même, on peut citer de manière non exhaustive de nombreux groupes ethniques tels que les Turcs, les Arabes, les Kurdes, les Arméniens, les Grecs ou encore les Slaves des Balkans. Dès l'instant où le sultanat ottoman s'est étendu au-delà des territoires turcs ou turquisés d'Anatolie, il a dû faire face à cette diversité ethnique, et surtout religieuse. Les Ottomans avaient institué le système des millets (de l'arabe milla : « communauté religieuse, confessionnelle »), qui permet à chaque communauté religieuse d'avoir son propre représentant auprès du Sultan. Au XVIe siècle, à l'apogée de l'Empire, on dénombre ainsi cinq millets officiels. [...]
[...] Le redécoupage des provinces ottomanes établira également des administrations militaires provinciales, les muşir[4]. De même, les réformes dans le domaine de l'éducation s'inspireront grandement, dans l'établissement d'écoles militaires, des concepts militaires, techniques et scientifiques occidentaux.[5] Il est cependant difficile d'analyser l'occidentalisation comme étant quelque chose d'aussi naturel pour les Ottomans. En fait, les Ottomans apparaissent parfois comme « traînés » par les puissances européennes, qui considèrent « l'homme malade de l'Europe » comme un élément de stabilité face aux ambitions russes en Méditerranée orientale : c'est la « question d'Orient »[6]. [...]
[...] cit. SELLIER André & SELLIER Jean, Atlas des Peuples d'Orient, op. cit. CLOAREC Vincent & LAURENS Henry, Le Moyen-Orient au 20e siècle, op. cit. Ibidem Ibidem KITSIKIS Dimitri, L'Empire ottoman, Paris, Presses universitaires de France GEORGEON François, Abdülhamid II (1876-1909). Le crépuscule de l'Empire ottoman, Paris, CNRS Éditions MOULINE Nabil, Le Califat. Histoire politique de l'Islam, Paris, Flammarion BADIE Bertrand, The Imported State, op. cit. [...]
[...] Cependant, le bilan des Tanzîmat en termes de gestion des différences est mitigé. De manière générale, l'allégeance de l'ensemble des citoyens ottomans est relativement bien garantie. Ainsi, les Grecs d'Anatolie continueront de jouir de leurs privilèges en tant que commerçants[23]. De même, les mouvements nationalistes et identitaires, par exemple le nationalisme arabe, auront pendant longtemps des revendications certes autonomistes, mais pas indépendantistes[24] ; ils souhaiteront donc rester sous le giron de la Sublime Porte, mais avec une autonomie élargie.[25] Surtout, le début de vie parlementaire entre 1876 et 1878 montrera que, loin de se faire les délégués de revendications nationalistes, les députés grecs, juifs et arméniens se comporteront avant tout en patriotes ottomans.[26] Enfin, même alors que l'Empire ottoman est tombé aux mains des nationalistes du Comité Union et Progrès la plupart des populations arabes maintiendront leur allégeance au sultanat[27], et ce malgré la promesse britannique au chérif Hussein d'établir un royaume arabe en échange de leur aide contre les Ottomans lors de la Première Guerre mondiale. [...]
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