Entre le 27 octobre et le 17 novembre 2005, la France connaît les émeutes les plus importantes de son histoire depuis mai 1968. Cette agitation sociale se caractérise à la fois par sa durée (trois semaines de conflits au total), son extension géographique (dès le 31 octobre, le mouvement s'étend à toute la région parisienne, puis, le 03 novembre, à d'autres départements ; au plus fort de la crise, 280 communes sont concernées) et enfin par les moyens employés afin d'y mettre un terme : recours au couvre-feu, proclamation de l'état d'urgence le 8 novembre. Le bilan est avant tout matériel : on estime à 250 millions d'euros le montant des pertes d'infrastructures, et à 10 000 le nombre de véhicules brûlés.
Les raisons de la révolte sont nombreuses ; au-delà des éléments déclencheurs, qui ont été la mort tragique de deux adolescents à Clichy-sous-Bois dans un transformateur EDF lors d'une fuite (controversée quant à ses motifs) devant les forces de police, et le jet d'une grenade lacrymogène par les CRS devant la mosquée de Clichy, il faut y voir les manifestations d'un malaise bien plus profond. Trente années de politique libérale ont abouti à la dégradation économique, sociale et morale des milieux populaires, ce qui nous conduit à interroger la place de l'Etat, les enjeux de son intervention dans les banlieues. Les réponses apportées au conflit soulèvent une vive controverse, car elles n'auraient contribué qu'à envenimer la situation. Le modèle d'intégration français serait-il profondément remis en cause par ces événements ?
[...] Or, d'après les renseignements généraux, ces acteurs ne sont quasiment pas intervenus dans la propagation de l'émeute, qui résulterait surtout d'une insurrection urbaine non organisée donc spontanée. Le résultat d'une telle attitude est la stigmatisation des jeunes des cités, que l'on enferme dans les carcans de la délinquance et des déviances islamistes. Ainsi, la réponse apportée aux émeutes s'inscrit sur le terrain sécuritaire ; la politique du gouvernement sera d'ailleurs qualifiée de sécuritaire et d'extrême droite par les Verts. Cette politique est néanmoins plébiscitée par la majorité des Français, car elle s'inscrit selon V. Le Goaziou dans le cadre sournois d'une lepénisation des esprits. [...]
[...] Ils ont simplement réclamé leurs droits en tant que citoyen français et la fin des discriminations dont ils sont victimes depuis des décennies. * * * * Selon le dernier rapport de l'Observatoire national des ZUS. Une scène à la fin du film L'Esquive, d'Abdellatif Kechiche, illustre ce type de rapport musclé. La haine contre les keufs parce qu'ils parlent trop mal parce qu'ils nous traitent comme de la merde : ces propos recueillis auprès de jeunes de 15-18 ans, dans un quartier sensible de la région parisienne, illustrent des situations d'humiliation vécues au quotidien. [...]
[...] Tout d'abord, les moyens répressifs employés pour la résolution du conflit sont considérables : policiers et gendarmes mobilisés chaque jour, surveillance nocturne des villes à partir de sept hélicoptères de la sécurité civile. Au total, plus de 5000 personnes ont été interpellées, près de 600 seront condamnées à des peines de prison. Condamnations expéditives de certains jeunes, et expulsions d'étrangers s'ajoutent à la liste des mesures répressives. C'est surtout le recours à l'état d'urgence qui apparaît démesuré ; il a été pris en application d'une loi datant de la guerre d'Algérie et qui n'a été utilisée qu'une seule fois depuis, lors du soulèvement en Nouvelle-Calédonie en 1985. [...]
[...] La question mérite d'être soulevée. Plusieurs observateurs constatent une tendance au rapprochement du modèle américain, c'est-à-dire une séparation toujours plus nette des groupes sur le territoire, selon leur origine géographique, sociale . La forte ségrégation des minorités noires ou latinos dans les ghettos américains gagnerait-elle du terrain au sein des banlieues françaises ? La France serait-elle en train de s'aligner sur un modèle de type américain, dans lequel le fossé entre les Blancs et les minorités, notamment les Africains Américains, résulte d'une histoire vieille de plusieurs siècles, faite de cycles de pauvreté et d'exclusion raciale ? [...]
[...] Les violences urbaines telles qu'elles se sont exprimées l'an passé seraient-elles alors une manière de s'inscrire systématiquement en faux par rapport au reste de la société, en échappant à des formes plus traditionnelles de protestation ? Cette vision semble un peu réductrice, pour rendre compte de l'ampleur de la mobilisation de novembre 2005. L'analyse est facile et occulte les problèmes de fond ; si la population des banlieues se voit respectée, traitée à l'égal de tous les citoyens vivant sur le territoire français, ce sentiment d'appartenance à une même communauté peut émerger. On en revient toujours aux mêmes défis, battus en brèche par la classe politique ainsi que par une partie de la population française. [...]
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