Louis Faidherbe (1818-1889) fut un général français. Cet ancien élève de l'école polytechnique et officier du génie servit plusieurs années en Algérie puis fut envoyé en 1852 au Sénégal dont il fut gouverneur de 1854 à 1861 et de 1863 à 1865. Il posa les bases de la future Afrique-Occidentale française. Il repoussa les attaques d'El-Hadj Omar (1857) et ouvrit ainsi l'expansion vers l'intérieur par des expéditions en Mauritanie, en Guinée et jusqu'à Ségou sur le Niger. Il conclut avec les chefs locaux une série de traités de protectorat et mit sur pied des troupes africaines (tirailleurs et spahis sénégalais), tout en poursuivant la mise en valeur économique de ces territoires. Dans ses mémoires Le Sénégal, la France dans l'Afrique occidentale de 1889, d'où est extrait le texte, Faidherbe relate son passé colonial en créant lui-même sa propre légende et en contribuant à ériger celle des colonies : « Dans cette formidable lutte, il devait avoir un gouverneur du Sénégal pour adversaire et pour vainqueur » l 10. L'emploi de la troisième personne, à la manière de César faisant le récit de la Guerre des Gaules, dénote une certaine autosatisfaction de la part de cet homme qui décrit son adversaire et les événements qui ont mené à leur affrontement. L'extrait nous situe entre 1852 et 1854, date à laquelle la France occupe les côtes du Sénégal. Faidherbe porte donc un regard de vainqueur sur El-Hadj Omar qui se confronte à la colonisation européenne. En effet, on assiste ici à un affrontement complexe entre Faidherbe à la tête des forces françaises qui sont dans une logique de colonisation par intérêts économique et politique et l'El-Hadj Omar dans une logique d'expansion territoriale et religieuse. Il s'agit donc de la rencontre de deux expansionnismes et de deux confessions du livre également.
Faidherbe nous rend compte de la situation géopolitique et culturelle à son arrivée au Sénégal en 1852 dans la partie intérieure de la corne africaine de l'Ouest de la ligne 1 à 10 . Il fait ensuite un portrait de son adversaire tel qu'il le perçoit mais sans omettre non plus la vision que les musulmans du Soudan et les peuples noirs convertis à l'Islam ont de lui (l10 à 15) dans la lutte qu'il mène contre les peuples animistes du Soudan Occidental. De la ligne 15 à la fin du texte, Faidherbe évoque les étapes de cette expansion religieuse et territoriale dans le contexte d'une guerre sainte du Soudan (au centre et à l'Est de la corne africaine de l'Ouest) jusqu'au Haut Sénégal (partie Sud Ouest de la corne Ouest africaine) où a lieu fin 1854 l'affrontement avec Faidherbe qui en sortira vainqueur.
Comment apparaît la rencontre de deux expansionnismes au Sénégal sous le regard d'un général et conquérant français ?
El-Hadj Omar s'oppose à Faidherbe et à la France par sa démarche de guerre sainte et ses conquêtes qui se confrontent aux intérêts français. On observe également la progression de la puissance française au Sénégal selon un mouvement qui va des côtes vers l'intérieur des terres. Enfin, il s'agit surtout d'un texte où Faidherbe crée sa propre légende dorée en mettant en scène son adversaire et en laissant transparaître ses préjugés à l'égard de ce dernier et des peuples africains indigènes.
[...] FAIDHERBE, Le Sénégal, Ici France dans l'Afrique occidentale p. 158- 160. Cité dans R. DELAVIGNETTE & Ch.-A. JULIEN, Les constructeurs de Ici France d'outre-mer, Paris, Corrêa p. 242-244. Introduction Louis Faidherbe (1818-1889) fut un général français. [...]
[...] 2.Le regard d'un européen et ses préjugés -Les peuples indigènes noirs sont animistes, il s'agit d'un type de religion polythéiste d'où le terme d'idolâtres l 29 utilisé par Omar musulman et Faidherbe de tradition chrétienne et donc monothéistes. -Les accents péjoratifs que prennent les termes idolâtres ou sauvages sont particulièrement révélateurs de l'incompréhension et du décalage entre les européens et les peuples d'Afrique qui vivent de manière différente. -Face aux organisations étatiques : c'est le regard d'un européen colonisateur déstabilisé et en situation de rejet (c'est-à-dire jugeant le système inférieur à celui des Européens) face à ces Etats souvent dirigés par des rois et n'obéissant pas à une constitution mais se régulant plutôt par un ensemble de coutumes qui maintiennent l'ordre et le bon fonctionnement des institutions. [...]
[...] Dans la logique de la djihad, les peuples polythéistes ne sont pas acceptés et les membres d'autres religions monothéistes ne le sont en réalité que dans la mesure où ils paient, dès lors que les ressortissants français veulent imposer leur autorité et devenir indépendants face à un quelconque impôt, le pacte de non agression est rompu. D'ailleurs, lignes 8 et 9 le double aspect de la djihad est évoqué détruire les états nègres encore idolâtres et jeter à la mer les européens des côtes C'est donc des ambitions religieuses et des ambitions économiques qui s'affrontent puisqu'elles motivent les deux camps adverses. II. La progression de la puissance française au Sénégal 1. La situation précoloniale du Sénégal et du Soudan -le texte évoque l 1 une division en grand nombre d'états. [...]
[...] L'intérêt de cette djihad est donc double, d'abord la mission de conversion des peuples animistes et ensuite la protection d'intérêts économiques et territoriaux face à l'expansion de la domination européenne. L'affrontement entre l'armée d'Omar et celle de Faidherbe est inévitable. En 1857, Faidherbe repousse définitivement les armées d'El-Hadj Omar, la voie est donc libre pour une expansion jusqu'en Guinée. Les peuples qui admiraient Omar pour sa puissance et qui le craignaient ont d'autant plus craint Faidherbe et son armée qui l'avait vaincu, le général français a bénéficié sans nul doute de ce phénomène psychologique de peur. [...]
[...] Quelques malheureuses fusées qu'il lançait sur les villages avaient fait dire qu'il disposait de la foudre. Il était reconnu comme prophète envoyé de Dieu et se permettait même d'imposer à ses adeptes une prière et des pratiques religieuses qu'ils ne connaissaient pas, celles de l'ordre des Tidjaniya. C'est à fin de 1854 que ce marabout, se sentant assez fort, partit, de Dinguiray avec ses fidèles, dont on évaluait le nombre à et, envahissant le Bambouk, atteignait nos établissements du Haut Sénégal, dont le plus avancé était Bakel, à 200 lieues de l'embouchure, en suivant le fleuve. [...]
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