Bien que s'étant revendiquée de l'héritage du nassérisme, on assimile souvent la présidence d'Anouar el-Sadate (1970-1981) à une période de libéralisation et de démocratisation du régime égyptien. A son arrivée au pouvoir, Sadate promet aux Egyptiens l'instauration d'une société démocratique, dans laquelle le respect de la loi garantit l'absence de pouvoir despotique. De fait, l'annonce de l'infitah, mouvement de libéralisation économique visant à désengager partiellement l'Etat au profit de l'investissement privé, et l'introduction d'un multipartisme contrôlé en 1976 penchent a priori dans le sens d'une libéralisation et d'une démocratisation du régime égyptien durant l'ère Sadate.
A l'inverse, on peut être tenté de voir les mandats successifs d'Hosni Moubarak depuis 1981 comme un retour en arrière, un durcissement du régime ou pour reprendre l'expression d'Eberhard Kienle, comme un mouvement de dé-libéralisation. Initiée par l'entrée en vigueur de la « loi d'exception » qui restreint les libertés civiles et autorise les arrestations arbitraires, la présidence Moubarak a en effet été marquée depuis plus d'un quart de siècle par une pratique autoritaire du pouvoir qui semble mal se concilier avec l'idée d'une démocratisation.
Peut-on dès lors opposer l'autoritarisme de Moubarak au libéralisme supposé de son prédécesseur ? Le but de ce travail est précisément de montrer en quoi cette opposition trop simpliste qui frôle le manichéisme ne rend pas bien compte de la nature contemporaine du pouvoir en République arabe d'Egypte.
Comment dès lors comprendre l'attitude du régime face à la question de la libéralisation, et comment aborder les interactions entre le régime, les différentes formes d'opposition politique et la société dans l'Egypte contemporaine ?
[...] On peut ici dire que, si ces mouvements sont largement limités aux grandes villes et ne concernent qu'une partie réduite de la population, ils n'en sont pas moins importants dans la vie politique du pays de ces dernières années. On peut estimer que, combinées aux pressions américaines, les protestations massives dans la rue a joué un rôle important dans la décision du Président Moubarak d'amender le mode d'élection du chef de l'Etat. Conclusion Que dire de l'Egypte de ces dernières années : ouverture ou dé- libéralisation ? Il apparaît que les choses ne peuvent se simplifier à une telle alternative, et qu'on se trouve plus en face d'une situation ou ouverture et dé-libéralisation sont mêlées. [...]
[...] Le rôle de l'opposition est marginalisé au Parlement. La responsabilité du Président devant le Parlement est toute théorique et se limite à des cas de trahison ou d'actes criminels, à l'issu desquels le Président peut-être temporairement éjecté du pouvoir pendant la durée d'une enquête. Le président est également le commandant en chef des forces armées, et est à la tête du parti au pouvoir, le Parti National Démocratique. Un régime de parti hégémonique Le système politique égyptien officiel est dominé par le parti au pouvoir depuis 1976, le PND. [...]
[...] La plupart de la douzaine de partis autorisés est des formations mineures, ne disposant pas de sièges à l'Assemblée du Peuple et ne parvenant pas à se doter d'une assise populaire. Les partis d'opposition font l'objet d'un étroit contrôle de la part des pouvoirs publics, la loi d'urgence les empêchant par exemple de tenir des réunions publiques en dehors de l'espace limité de leurs locaux, et sous surveillance des policiers anti-émeute. Les différents partis d'opposition semblent également en permanence tiraillés entre leur volonté d'unir leurs efforts, et leurs scissions récurrentes, comme en témoigne le débat sur le boycott ou la participation au scrutin présidentiel de 2005. [...]
[...] Un Etat qui compose avec les revendications politiques de la société pour se maintenir en place a. Une certaine libéralisation, en parallèle à une recomposition de l'autoritarisme d'Etat Sous couvert d'accéder à certaines revendications de l'opposition (respect du contrôle des élections de 2000 par les juges ou élection du Président de la République au suffrage universel direct par exemple), le pouvoir introduit dans le même temps des verrous pour garantir l'absence de concurrence au chef de l'Etat et la pérennité du régime. [...]
[...] D'une part, le régime reste autoritaire et contrôle de près l'activité des partis d'opposition, empêchant une réelle représentation de la volonté populaire et de l'opposition au Parlement. D'autre part, la dynamique politique égyptienne manque d'un investissement suffisant des citoyens dans les mécanismes officiels du jeu politique. Mais une analyse plus poussée montre que ce constat doit être nuancé, et qu'on ne peut parler d'atonie de la vie politique égyptienne. Le régime dans une optique de consolidation de son assise semble consentir à une certaine libéralisation de l'expression politique, dont profitent certains acteurs. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture