« Tout ce dont la Russie est capable au 19ème siècle, c'est le paysan traditionnel, la révolte aveugle ». Relativement épargnée par les grandes révolutions européennes que connaît l'Europe au 19ème siècle, la Russie n'en reste pas moins affectée par l'irrésistible poussée du siècle à une plus grande libéralisation et démocratisation. Il faudra cependant attendre le début du 20ème siècle pour voir la première expression en Russie d'un mouvement populaire de masse comparable à ceux ayant porté les réformes en Europe occidentale, comme le soutient M. Malia. On peut en effet décrire le processus révolutionnaire russe grâce aux types et catégories développées à partir des modèles de révolution allemande et française, et alors considérer 1905 comme le début d'une grande révolution européenne, qui cependant n'a pas été victorieuse. On peut alors se demander comment la division et l'éclatement de l'opposition russe empêchent-ils l'accomplissement et l'aboutissement d'une « grande révolution européenne »?
Nous verrons donc tout d'abord que la Russie connaît toutes les étapes et caractéristiques préliminaires d'une première révolution européenne (I), dont le régime tsariste se sert pour diviser et assujettir le flux révolutionnaire (II), ce qui conduit finalement à l'échec de toute solution et par conséquent à la radicalisation de la lutte pour le pouvoir (III).
[...] Le gouvernement ajoute cependant quelques concessions politiques d'une extrême importance. Ainsi, le tsar, bien que lui-même adepte de la méthode forte, s'engage sur la voie des réformes, sur l'avis de ses conseillers, premièrement par le manifeste du 19 août, par lequel il annonce la convocation d'une Douma consultative, puis par le Manifeste d'Octobre. Ainsi, le tsar accorde les libertés publiques et la réunion d'une assemblée, la Douma, élue au suffrage universel. En novembre, Witte constatant la division de l'opposition, réalise l'isolement du soviet de Saint-Pétersbourg, qu'il décide ainsi de supprimer, privant les libéraux du soutien urbain. [...]
[...] D'importants mouvements de grève réapparaissent et iront croissant jusqu'à la guerre. Dès lors, face à de double échec, les deux camps ne pouvaient que se radicaliser, et ainsi, la crise de 1917 ne pouvait reproduire le schéma d'une révolution européenne classique, car sa première phase avait déjà eu lieu et avait été muselée Puisque la première crise révolutionnaire avait abouti à l'impasse politique de 1914, la Russie était condamnée à un déroulement plus radical que les grandes puissances européennes des phases suivantes de sa révolution. [...]
[...] Conclusion La Russie dans l'impasse Ainsi, si de 1904 à 1914, la Russie a connu des phases analogues à celles d'une révolution européenne, la carence majeure russe, qui conduit à l'échec de ce qui aurait pu être une grande révolution européenne, se trouve dans l'encadrement de cette révolution, et autant dans l'encadrement partisan des masses que dans l'encadrement que le pouvoir tente d'imposer à ces mouvements. Finalement, en 1914, la Russie se trouve dans une situation inconfortable : l'échec des deux solutions plausibles dans une telle situation, à savoir l'échec de la solution prussienne et l'échec de la percée libérale l'ont conduit à une situation unique, une sorte de vide tout à fait nouveau Survient alors la guerre, et la tentative de Nicolas II de revenir à un régime d'autorité pure sans pourtant avoir les capacités réelles de reprendre le pays en main : la Russie s'enfonce dans l'impasse. [...]
[...] Le gouvernement autorise bien les syndicats ouvriers, mais il les persécute, quant à la législation sociale, elle demeure frustre et insuffisante par rapport aux problèmes qui se posent. Une politique conservatrice intelligente dans une situation postrévolutionnaire comme celle de la Russie aurait au moins dû respecter la faible Douma, mais Stolypine passe outre, notamment lors de la crise de 1911 à propos des zemstvos, que le conseil d'État refuse de voter, aboutissant à la suspension des deux chambres. On est donc dans une situation où les réformes ne sont pas satisfaisantes pour satisfaire l'opposition, mais en même temps elles sont déjà trop poussées pour un tsar, qui muré dans son système de pensée absolutiste et autocratique, et réticent à partager son pouvoir s'avère incapable de comprendre la nécessité d'une telle politique. [...]
[...] Bien que l'on retrouve quelques mencheviks au sein des soviets qui se constituent, les bolcheviks, dépassés par la spontanéité du mouvement se retrouvent totalement hors du pouvoir. Les sociaux-révolutionnaires quant à eux sont dépassés par les évènements dans la mesure où ils comptaient sur un soulèvement de la paysannerie. Quant au parti libéral naissant, il était beaucoup trop divisé pour pouvoir espérer prendre la tête de la révolution. Ainsi, si dans les premiers mois, le peuple parvient à s'organiser et à se diriger tout seul, le mouvement décroît vite faute de direction et d'objectifs. [...]
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