En 1898 éclate en France une crise majeure qui ne s'achève qu'en 1900. Elle a commencé en réalité le 22 décembre 1894 lorsque le premier Conseil de guerre de Paris a reconnu un capitaine d'artillerie coupable d'« intelligences avec une puissance étrangère ». L'affaire Dreyfus, du nom de ce brillant officier juif condamné, dégradé et déporté, innocent de la trahison dont on l'a accusé, occupe une place capitale dans l'histoire de la France contemporaine. Elle incarne à la perfection la forme « affaire », à savoir un événement qui polarise l'opinion publique, domine la vie politique, traverse les institutions, mobilise les personnes, les groupes, les croyances. L'affaire Dreyfus est généralement présentée, en trois grandes périodes. La « première affaire » comprend la découverte, durant l'été 1894, d'une entreprise de trahison en faveur de l'Allemagne, l'identification et l'arrestation du capitaine Dreyfus, l'instruction et le procès au terme duquel il est condamné à l'unanimité des magistrats du conseil de guerre, enfin la dégradation de l'officier et sa déportation sur l'île du Diable, au large de la Guyane française. En dépit de l'effort des mouvements antisémites pour exploiter auprès de l'opinion la trahison déclarée d'un officier « israélite », l'attention de l'opinion publique retombe au printemps 1895.
[...] Le féminisme et le dreyfusisme partagent alors des valeurs communes. Des femmes juives se sont mobilisées pour Dreyfus, comme Mathilde Salomon fondatrice du collège Sévigné. Mais plus encore les femmes protestantes, notamment celles qui animent le Conseil National des Femmes Françaises. Mais malgré leurs prises de position, l'Affaire Dreyfus reste une Affaire Dreyfus sans femmes. À tous les stades du débat, il y a un acte intellectuel caractérisé par des hommes qui s'engagent, souvent s'associent et parfois militent . L'engagement dreyfusard de Zola présente au moins trois raisons. [...]
[...] Enfin, les dreyfusiens n'apparaissent qu'au moment où, en décembre 1898, l'affrontement entre dreyfusards et antidreyfusards, dreyfusistes et nationalistes devient si intense qu'il menace le régime parlementaire. Les dreyfusiens ne sont ni dreyfusards ni dreyfusistes. Ils ne recherchent, dans la défense de Dreyfus, que l'occasion de liquider l'Affaire pour revenir à la normalité, lutter contre le double danger clérical et nationaliste soudain révélé dans sa force, renforcer des structures sociales et politiques défaillantes en laïcisant la société et en transformant le personnel politique. [...]
[...] Cette composante dreyfusarde montre combien l'affaire Dreyfus brouille les clivages sociaux, politiques et culturels. La Ligue des droits de l'homme voit le jour durant le procès Zola le 4 juin 1898. Trarieux en est le président. Les fondateurs de la Ligue placent le combat des dreyfusards dans le cadre général de la défense de la République. Pendant 10 ans, elle accroît ses bases et son audience. Elle développe un dreyfusisme original, à mi-chemin du socialisme révolutionnaire et de l'humanisme social. [...]
[...] Le procès a libéré le dreyfusisme sans sacrifier la défense de Dreyfus. Les dreyfusards étant peu nombreux, il leur faut occuper le terrain sans renoncer à l'exigence critique et à l'individualisme qui les caractérisent. D'où des actions très différentes comme la publication d'article, de brochures. Pour cela ils disposent d'éditorialiste dreyfusards comme : Jean Jaurès pour La petite République, Clemenceau pour L'Aurore, Yves Guyot pour Le Siècle ainsi que l'éditeur Stock. L'organisation de manifestation ( le 11 juin 1899 a lieu une manifestation à Longchamps dirigé par Lucien Herr), les conférences populaires sont très fréquentées à partir de l'automne 1898. [...]
[...] L'impact de l'Affaire Dreyfus à l'étranger est immense. L'étranger est unanimement dreyfusard. L'Allemagne, dont la position dans l'affaire manque de clarté, se sert de l'Affaire pour détacher les Alsaciens des Français. Ces hommes sont liés par le sentiment d'une commune appartenance au fait minoritaire. Les Alsaciens découvrent les limites de la solidarité nationale et leur rejet dans les provinces perdues : pour les antidreyfusards, un Alsacien dreyfusard est un Prussien Lorsqu'il est juif, protestant ou libre penseur, l'exclusion est totale alors que précisément les premiers dreyfusards ont fait vœu de patriotisme. [...]
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