L'obligation de prêter serment à la constitution civile du clergé, imposée aux ecclésiastiques au début de l'année 1791, a provoqué une première rupture en France. Des oppositions de plus en plus marquées apparaissent envers la révolution et ses valeurs, d'autant plus que le pape s'est prononcé contre les réformes prises par l'Assemblée nationale. Les prêtres institués selon la nouvelle loi doivent donc convaincre les fidèles de soutenir et d'adhérer à la révolution, ce qui devient un enjeu majeur car les puissances extérieures deviennent de plus en plus menaçantes depuis la fuite manquée de Louis XVI en juin 1791. Claude Fauchet est un représentant de ces évêques nouvellement élus. Né à Dornes en 1744, celui-ci, après des études chez les Jésuites, devient prédicateur ordinaire du roi en 1783. Il se fait remarquer par ses sermons audacieux qui dénoncent le luxe de l'Eglise et de la cour. Défenseur de Tiers Etat pendant les Etats Généraux, il participe à la prise de la Bastille, et prononce de nombreux discours au cours de l'été 1789, dans lesquels il proclame que la Révolution fait triompher la vraie religion chrétienne. C'est également la conception qu'il développe dans ce discours prononcé à l'occasion de la Fête de la Fédération du département du Calvados en 1791. La première fête de la Fédération a lieu le 14 juillet 1790, sur le champ de Mars à Paris. Cette fête est imitée dans de nombreuses régions où l'on célèbre l'union du peuple français et la prise de la Bastille comme le point de départ à la souveraineté nationale. C'est également le point de vue de Fauchet, un an plus tard, qui veut, à travers ce discours, faire naître au sein de son auditoire un sentiment d'unité et de fraternité. Comment l'évêque du Calvados utilise-t-il la religion pour faire adhérer le peuple aux valeurs de la révolution française, en lesquelles il croit profondément, dans une période de division ? Le thème de la fraternité est tout d'abord amplement développé dans son discours, de façon à susciter le sentiment d'une solidarité évidente entre tous les citoyens. Fauchet montre ensuite en quoi la progression de la souveraineté nationale face au despotisme est inévitable car elle représente la victoire de la liberté, enfin il évoque l'idée que ces valeurs révolutionnaires, qui sont les plus justes par leur similitude avec les vraies valeurs chrétiennes, sont universelles et doivent nécessairement s'étendre au reste du monde.
[...] Il s'agit donc pour Fauchet d'une usurpation car ce rôle est uniquement dévolu à Dieu. Il ne peut pas y avoir d'inégalité juridique entre les hommes. La nation est en effet une association de citoyens individuels égaux devant la loi. Le respect de cette dernière permet la fraternité indispensable à la cohésion : en effet, il faut respecter la loi, car cette dernière est énoncée par l'Assemblée nationale, qui est l'émanation de la volonté du peuple souverain. Aller à l'encontre de la loi constitue donc une contestation du bien de tous. [...]
[...] La référence au serment s'inscrit alors dans une perspective d'utilisation de la religion au service de la révolution. Lignes 8 à 10, Fauchet exprime clairement cette position : il faut une religion qui sanctionne, au nom du Ciel, toutes les institutions sacrées de la patrie Les fêtes fédératives sont un lieu privilégié de l'alliance entre la ferveur religieuse et l'Eglise gallicane, comme le montre ce discours. L'appui sur les Evangiles et sur la religion primitive permet la mise en place d'une véritable dramaturgie de l'abolition des différences : ses premiers disciples l'ont bien connu, ils étaient tous frères, amis, égaux et libres à 14). [...]
[...] La fête de la Fédération est l'occasion idéale pour Fauchet de développer l'idée d'une parenté évidente entre la Révolution et l'Evangile. Les valeurs révolutionnaires apparaissent alors comme les plus justes faces à celles prônées par les despotes, et il est donc indispensable de les défendre. L'évêque du Calvados prononce en effet son discours dans un contexte d'agitation des puissances extérieures de plus en plus défavorables à la Révolution, notamment depuis la prise de position du pape. La possibilité d'une guerre défensive doit donc être envisagée par les Français, ce qui rend l'union de ces derniers d'autant plus nécessaire. [...]
[...] A travers ces références à la religion, l'évêque du Calvados veut montrer que la révolution a fait triompher la vraie religion chrétienne, celle des origines. L'appui sur la religion permet ici à Fauchet de réaffirmer les valeurs de l'Eglise gallicane et de soutenir les réformes mises en place par l'Assemblée nationale face aux récentes bulles du pape qui dénonçaient la constitution civile du clergé comme hérétique puis condamnaient l'ensemble de la révolution française à travers la liberté instaurée par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. [...]
[...] Cette égalité est la conséquence de la fraternité voulue par dieu. La religion révolutionnaire redéfinit ainsi le royaume de dieu, qui imposerait d'accorder aux hommes une parfaite égalité de droits dès la vie terrestre, en s'appuyant par exemple sur la mise en commun des biens sous l'Eglise primitive. Cette égalité rend donc impossible toute domination d'un homme sur un autre : en établissant l'égalité, la révolution a libéré le peuple et lui a donné une souveraineté qui lui revenait de droit. [...]
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