Deux jours à peine après les attentats meurtriers du World Trade Center, Jean Marie Colombani écrivait dans Le Monde : "comment ne pas être [...] aussitôt assaillis par ce constat : le siècle nouveau est avancé. La journée du 11 septembre 2001 marque l'entrée dans une nouvelle ère.
À l'instar de l'éditorialiste nombre d'analystes ont rapidement érigé les attentats du 11 septembre au rang d'événement historique majeur. Sitôt l'événement passé, il fût historicisé, comparé à Pearl Harbor, à l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand ou à d'autres événements en leur temps annonciateurs de ruptures de longue durée dans l'histoire du monde. Les avis divergeaient certes quant à la signification à attribuer à l'événement (était-ce le début d'un choc des civilisations ? Le commencement d'une ère nouvelle de terrorisme de masse ? La fin de la mondialisation ?) mais pour nombre de commentateurs une chose semblait certaine : les attentats avaient changé le monde ; l'histoire allait prendre une direction nouvelle.
Que doit-on penser de la dimension historique du 11 septembre ?
Sauf à croire que l'histoire suit un sens précis, un événement n'est rendu intelligible que par un regard rétrospectif sur les conséquences qu'il engendre et les évolutions qui lui succèdent. Or cinq ans après les attentats un tel examen révèle que le monde n'a pas radicalement changé dans ses structures profondes. Mais peut être est-il trop tôt pour véritablement mesurer sa portée sur la longue durée.
À bien des égards, le 11 septembre a été un événement d'une dimension singulière. Jamais attentat n'avait fait autant de morts. Le nombre de victimes reste certes comparable ou inférieur a d'autres tueries de l'histoire récente (Rwanda, Irak...), mais comme a pu le noter Michel Winock, "le lieu géographique et politique [des attentats] a attribué au chiffre énorme des victimes, un coefficient d'intensité singulier". Les terroristes ont en effet frappé des symboles de la puissance américaine et du capitalisme, des symboles à la valeur universelle aussi : la ville monde de New York et les Twin Towers où travaillaient des gens de toutes nationalités (...)
[...] Le choc ressenti dans l'immédiat par les contemporains ne lui confère pas forcément d'importance historique, encore moins son seul retentissement. La mort de Lady Diana avait été tout aussi inattendue que retentissante et avait soulevé une grande vague d'émotion dans le monde, mais au-delà du choc qu'elle a pu provoquer elle ne marque nullement de rupture importante dans l'histoire du monde À l'inverse, des événements qui sont passés presque inaperçus au départ, la mort de l'archiduc François Ferdinand ou la découverte de l'Amérique par exemple, ont eu des conséquences historiques de grande importance. [...]
[...] Ainsi, l'onde de choc qu'a suscité le 11 septembre ne suffit-elle pas à préjuger de son importance historique. L'examen forcément provisoire des effets de l'événement révèle qu'il n'a pas brutalement transformé le monde. A bien des égards nous vivons dans un monde semblable à celui du 10 septembre 2001. Pour autant, le 11 septembre ne peut être réduit à un séisme événementiel. Il a eu des effets importants à court terme, notamment sur la politique américaine ou encore sur la géopolitique moyen-orientale. [...]
[...] Le concept du 11 septembre : Dialogues à New York (octobre-décembre 2001) William J. Dobson The day nothing much changed, Foreign Policy, Septembre/Octobre 2006 Niall Ferguson, The nation that fell to earth, Time Magazine septembre 2006 Olivier Mongin, Sous le choc. Fin de cycle ? Changement d'ère ? , Esprit, octobre 2002 Tom Segev, The September 11 enigma, Haaretz septembre 2006 Comptes rendus des rendez vous de l'histoire de Blois : Faut il considérer le 11 septembre comme un événement historique ? [...]
[...] Le 11 septembre sera-t-il encore considéré comme une date importante ? Rien ne permet véritablement de le dire[2]. Peut être certaines des évolutions inaugurées par les attentats s'inscriront elles dans le long terme mais il nous est encore impossible de le savoir. A l'inverse, certaines des conséquences de l'événement qui nous paraissent aujourd'hui importantes perdront peut être de leur acuité à la longue. Sauf à faire du déterminisme ou à penser que l'histoire suit quelques lois, presque tous les scénarios sont envisageables. [...]
[...] Mais peut-être peut-on d'ores et déjà faire ce constat important : le monde ne s'est pas brutalement transformé en un monde intrinsèquement nouveau au lendemain du 11 septembre. Dans ses structures profondes, il semble être resté le même. Le 11 septembre est certes à l'origine de développements importants et multiples. Il a eu en particulier des effets non négligeables sur la stratégie militaire de la superpuissance américaine. A la suite des attentats, l'administration Bush a énoncé une nouvelle doctrine qui préconise entre autres choses l'usage d'attaques préventives contre les nouveaux ennemis de l'Amérique : groupes terroristes et Etats voyous. [...]
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