Déportation, algérie, falsifiabilité, réfutabilité, monisme épistémologique, dualisme épistémologique, connaissance scientifique
L'histoire des sciences et des méthodes établit une distinction générale entre deux principes épistémologiques fondamentaux. Cette distinction est fondamentale dans une optique d'histoire contemporaine, qui plus est lorsque des sujets aussi cardinaux que l'historiographie de la Shoah sont abordés. La notion de réfutabilité (ou de falsifiabilité) des sources est donc un enjeu clair dans l'authentification de ces dernières.
À ce titre, la réfutabilité peut être abordée via deux angles d'appréhension. D'un côté, le monisme épistémologique, dont Karl Popper est l'un des tenants, est certainement la position qui eut le plus d'influence sur l'évolution historiographique en tant que telle.
Toutefois ce monisme épistémologique, dominant dans un paradigme largement encore caractérisé par un positivisme académique ayant pour ambition de fonder une véritable « philosophie des sciences et de l'histoire », fait face à un paradigme dualiste qui, à la suite de Dilthey, établit une distinction entre Naturwissenschaften (ou « sciences de la nature ») et Geisteswissenschaften (ou « sciences de l'esprit »).
[...] À l'aune de cette dualité épistémologique, abandonner la falsifiabilité, c'est quitter la prétention à l'universalité des lois positivistes (du fait de l'inspiration comtienne) pour se recentrer sur une approche véritablement historique des sources, puisque « ces méthodes au moyen desquelles nous étudions la vie mentale, l'histoire et la société, sont très différentes de celles qui ont conduit à la connaissance de la nature » selon Dilthey. N'est-ce pas une marque de confiance en la discipline historique comme véritablement autonome d'une prétention positiviste à la scientificité ? [...]
[...] En fait, Popper ne propose pas un système de réfutation des propositions, mais propose une théorie générale de la falsifiabilité des disciplines elles-mêmes. En histoire, cela équivaut à considérer que les sources doivent être considérées non isolément comme des « objets historiques » autonomes, mais comme des objets propres au système d'analyse historique lui-même : les sources font partie du système « histoire ». « L'introduction d'un nouveau principe théorique (qui ne peut pas être déduit du système des principes) équivaut à une falsification du système théorique », explique Popper, ce qui signifie que « l'on pourrait simplement ne plus parler de propositions falsifiables, mais seulement de systèmes de propositions, ou de théories falsifiables ». [...]
[...] Or, « sourd à la réfutabilité comme à la falsifiabilité ( . le discours complotiste entend se prémunir contre tout démontage au nom de l'importance de la cause qu'il défend, ou de la mise en garde qu'il opère ». C'est le cas pour les théoriciens du négationnisme comme Robert Faurisson face à des événements historiques comme la Shoah, où la théorie négationniste l'emporte sur la vérification empirique des faits et des sources. Pour expliciter sa théorie de la falsifiabilité, Popper prend un exemple très concret : « La proposition : Tous les livres sont reliés en cuir rouge, est sans aucun doute une proposition universelle portant sur la réalité et elle est sans aucun doute fausse. [...]
[...] En effet, reprenant l'exemple précédent de l'exposition claire de la falsifiabilité d'une proposition, « d'un point de vue logique, il est indéniable que Popper se trompe », car « il suffit de dire que nous sommes en fait en train d'halluciner, pour que notre observation ne permette plus de réfuter la proposition universelle ». Les partisans du dualisme épistémologique vont plus loin puisqu'ils proposent, à la suite de la théorie de Wilhelm Dilthey, de séparer clairement sciences de la nature et sciences de l'esprit. [...]
[...] L'histoire doit se comprendre comme une science de l'esprit, et donc par rapport à une spécificité de sa scientificité : « fonder l'autonomie des sciences de l'esprit par rapport aux sciences de la nature, assurer à ce groupe de disciplines une objectivité certes spécifique, mais pourtant comparable à celle de leurs aînées, tel est le véritable leitmotiv de la pensée de Dilthey ». C'est sur cette inspiration fondamentale que la falsifiabilité en histoire peut s'élaborer selon un continuum qui lui est propre, et qu'explore, entre autres, Hans-Georg Gadamer, qui « a plutôt tenté de repenser à partir d'elle la problématique, plus diltheyenne, d'une herméneutique des sciences humaines ». Avec son ouvrage Vérité et méthode, Gadamer souhaite fonder « la philosophie de l'herméneutique ( . ) sur une pratique, celle de l'interprétation ». [...]
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