L'opposition de la République au pouvoir personnel est une constante depuis la Révolution française : les républicains de la monarchie parlementaire déniaient déjà au Roi l'usage de son droit de veto pourtant consacré dans la Constitution de 1791. De même ils rejetteront le maréchal Mac Mahon pour avoir fait usage de ses prérogatives présidentielles, à savoir le droit de dissolution. Réticente à l'idée d'un vrai chef d'Etat, la République y est cependant plus ou moins contrainte par les circonstances, à savoir le rétablissement de l'ordre, que cela soit en 1848 avec la poursuite des troubles révolutionnaires, ou en 1871 avec la Commune.
Les travaux de l'école libérale du Second Empire, avec notamment De Broglie et Prévost Paradol, font état de deux problèmes principaux quant aux attributs de la fonction présidentielle : - la responsabilité –inséparable de la tradition républicaine- est vue comme la possibilité pour le chef de l'Etat d'étendre son pouvoir.
- la dissolution –indispensable en cas de divergence entre l'Assemblée et l'opinion- est dangereuse car le président, étant un homme de parti, n'est pas neutre. Or les lois constitutionnelles de 1875 donnent de forts pouvoirs au président de la République. Le président ainsi que le Sénat –appui de ce dernier pour la dissolution- sont donc de réelles concessions acceptées par les républicains du fait de la majorité monarchiste de l'Assemblée constituante. Mais le compromis constitutionnel de 75 n'en finit pas de révéler ses subtilités : texte court, sans affirmation de grands principes et facile à réviser, il a pourtant établi un record de longévité : 65 ans !
A partir de 1879, avec la démission de Mac Mahon, les républicains sont totalement maîtres des institutions, ce qui se traduit par une série de mesures symboliques, comme l'établissement de la Marseillaise comme hymne nationale ou du 14 juillet comme fête nationale. L'hostilité au pouvoir exécutif reprend le dessus et la IIIè République voit la consécration du régime d'assemblée. Très bien résumé par Marcel Morabito, la « Constitution Grévy sanctionne ainsi la défaite du parlementarisme dualiste et l'effacement de la présidence. »
Comment expliquer ce déclin, politiquement et juridiquement ? Peut-on considérer que les premiers présidents (à savoir Thiers, Mac Mahon et Grévy) furent à l'origine du déclin de leur propre fonction ?
Nous verrons dans un premier temps que ce déclin fut avant tout un choix politique des républicains de la IIIè, pour finalement étudier les prémices juridiques favorables à cet affaiblissement de la fonction présidentielle.
[...] Bien qu'il n'y ait eu aucune modification constitutionnelle, le président ne peut plus dès lors que nommer le Président du Conseil. Malgré son rôle désormais purement symbolique, l'Assemblée prend en outre le soin d'écarter soigneusement de la présidence toute personnalité jugée trop forte et susceptible de vouloir exercer pleinement sa fonction. Ainsi Carnot sera préféré à Ferry, Deschanel à Clemenceau ou encore Doumer à Briand Les tentatives ratées d'un renforcement de l'exécutif Avant la 1ère Guerre Mondiale Les gouvernements successifs ont pourtant bien conscience du déséquilibre des pouvoirs nocif au régime. [...]
[...] Le terme, non-défini, rend la clause encore plus floue. Le but est d'éviter le régime d'assemblée. Le président dirige le pouvoir exécutif. Les articles 3 et 4 de la loi constitutionnelle du 25 février 75 établissent qu'il nomme à tous les emplois civils et militaires, donc par conséquent les ministres et les conseillers d'Etat. Le Conseil des ministres est dirigé par le président de la République, et non comme on aurait pu le croire par le président du Conseil. L'article 5 lui confère le droit de dissolution. [...]
[...] C'est à droite que l'on trouve désormais les plus ardents défenseurs d'un exécutif fort. En 1894, Casimir Perier élu président de la République affirme qu'il appliquera ses prérogatives constitutionnelles au nom de sa responsabilité morale envers la France. L'allusion est maladroite, Mac Mahon s'étant réclamé du même principe pour justifier son droit à utiliser pleinement ses pouvoirs. Les parlementaires, devenus maîtres dans ce petit jeu institutionnel, poussent Casimir Perier à démissionner en 1899, trois ans avant la fin de son mandat. [...]
[...] Malgré tout, le déclin de la fonction présidentielle est inexorable : malgré la popularité de certains titulaires comme Fallières ou Doumergue, le poste ne force pas le respect car il est dénué de la force du suffrage universel. Si l'on observe encore quelque influence lors d'une crise grave comme en 1914 avec l'appel de Poincaré à l'Union Sacrée, les présidents en fonction après 1924 retiennent la leçon de l'échec de Millerand et se contentent d'être des spectateurs de la vie politique et même de la mort du régime, à l'instar d'Albert Lebrun en 1940. [...]
[...] Les circonstances font évoluer la pensée républicaine : celle-ci, qui soutenait par exemple la responsabilité présidentielle comme un moyen de contrôle de l'Assemblée sur l'exécutif, finit par accepter l'irresponsabilité comme une autre forme de subordination du président à la Chambre. C'est l'application de la maxime de Thiers sous la Monarchie de Juillet : Le roi règne mais ne gouverne pas Mieux : l'irresponsabilité devient la condition du septennat. Un pouvoir exécutif qui est en fonction plus longtemps que les parlementaires, qui ne sont élus que pour quatre ans, ne peut être qu'irresponsable pour ne pas être dangereux. Le septennat de 73 était un septennat personnel : la loi du 20 novembre cite explicitement Mac Mahon. [...]
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