La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 énonce en son article 10 que "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi". La Déclaration est ainsi d'autant plus novatrice qu'elle se distingue des déclarations américaines faisant référence à la religion comme source de devoirs à rendre à un créateur. Les droits de l'homme seront par conséquent condamnés par le Pape Pie VI en ce qu'ils "accordent à l'homme des droits en dehors de Dieu".
La liberté de conscience ainsi consacrée n'exclut cependant pas une référence à l'"Etre suprême" dans le préambule de la Déclaration. Le caractère équivoque de cette Déclaration semble ainsi marquer le point de départ de plusieurs décennies de tensions entre l'Eglise catholique et l'Etat.
Le point culminant de cette opposition réside certainement dans la politique volontariste de déchristianisation menée par les autorités révolutionnaires, en pleine Terreur, afin de décatholiciser la France et en extirper la religion traditionnelle.
La déchristianisation s'entend en effet de l'entreprise délibérée d'hommes dont les noms sont connus et les intentions avouées, dirigées contre la foi chrétienne et qui use des prérogatives de contrainte que confère le pouvoir politique. Elle consiste en un processus de différenciation des divers segments de la culture, notamment au travers de la déconfessionnalisation, la dédogmatisation, la désinstitutionalisation et l'individualisation des sentiments religieux.
Il convient néanmoins de distinguer la déchristianisation de la sécularisation, définie par le sociologue Henri Desroche comme la libération des consciences de l'influence religieuse tendant vers une autonomie toujours plus grande en évacuant toute référence religieuse.
La sécularisation de la société a abouti au principe de laïcité, au cœur des débats contemporains. La déchristianisation, opérée dans le cadre du régime de la Terreur, apparaît comme la répercussion politique de l'orientation résolument anti-ecclésiastique du déisme en France. Néanmoins, bien qu'incitant à la déchristianisation, la Révolution se montre d'abord fidèle au principe de l'Etat confessionnel : Robespierre impose le culte de l'Etre suprême.
La déchristianisation apparaît-elle alors comme une rupture ou une continuité dans l'histoire religieuse et politique française ?
[...] Ils se radicalisent en arrivant à Paris, notamment avec l'organisation de la fête de la Liberté qui se déroule dans la cathédrale Notre-Dame. Le Comité de salut public lui substitue le culte de l'Etre suprême, autre culte patriotique. Une dictature déiste, patriotique et moralisante Le culte de l'Etre suprême est instauré par Robespierre et prévoit que la religion étant nécessaire au lien social, il convient de croire en un Dieu qui ne se caractérise pas pour autant par une religion ou un texte sacré. [...]
[...] Le déisme d'Etat s'accompagne de la personnification du gouvernement français en l'être de Robespierre. La personnalisation du pouvoir qu'il s'arroge a pour conséquence que l'Etat ne représente plus ni la Nation, ni les patriotes, ni même tous les Montagnards. Il devient la seule autorité morale incontestable. La fête de l'Etre suprême, épisode annonciateur de la chute de Robespierre Le 8 juin 1794 est organisée la fête de l'Etre suprême, présidée par Robespierre. Elle incarne une unanimité mystique, morale et civique. [...]
[...] La religion est par la suite tournée en dérision et ridiculisée : les statues sont brisées, les prêtres poussés à renoncer publiquement à leur sacerdoce, les noms de lieus sont laïcisés et le baptême civil est encouragé avec des prénoms non-catholiques. Les entraves à l'exercice du culte se multiplient et le calendrier révolutionnaire est adopté. Toute référence à "l'ancienne superstition" est proscrite. La déchristianisation s'opère également chez les protestants avec la fermeture des lieux de cultes, l'abjuration publique des pasteurs. La résistance est cependant plus faible que chez les catholiques. [...]
[...] D'autre part, en ce que théories sur l'Etat conduisirent à la naissance d'un droit public religieusement neutre, et rendirent possible une déconfessionnalisation de la vie politique et sociale. Enfin, en ce que la philosophie portée sur la raison favorisa une critique des religions qui aboutit à une compréhension non dogmatique du catholicisme. Une dérive révolutionnaire et autoritaire de la Terreur Cependant, si les esprits éclairés des Lumières prônent la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la déchristianisation à proprement parler commence sous la Terreur, après que l'ordre constitutionnel ait été écarté au profit de l'ordre révolutionnaire. [...]
[...] - "Institution de la laïcité et déchristianisation de la société française" de Pierre Bréchon. In Cemoti n°19. - "La religion de Zola, naturalisme et déchristianisation" de Sophie Guermes. Edition : Honoré Champion. [...]
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