Au début du XXe siècle, il était déjà fermement établi que le développement de la société industrielle était responsable d'un certain déclin de la famille. Représentants des classes moyennes et commentateurs conservateurs de l'époque ont fait montre d'un intérêt particulier pour la vie de famille des classes laborieuses urbaines. Ils ont condamné ce qu'ils percevaient comme une détérioration de la qualité de la vie et des sentiments à l'intérieur de la famille qu'ils attribuaient à un déclin des valeurs de la société.
L'expansion dans les villes du travail féminin, la montée des organisations de jeunesse et féministes, et la mobilisation par les nouvelles forces de gauche des femmes et des enfants étaient des éléments qui écartaient les femmes et les jeunes de l'orbite familiale et qui étaient considérés par les classes dirigeantes comme un résultat de la destruction de la cellule familiale par l'industrialisation.
[...] Tandis que bon nombre de jeunes filles des régions agricoles pauvres débarquaient dans les grandes villes Paris, Londres ou Berlin pour répondre à la demande grossissante des classes moyennes en main-d'œuvre domestique, d'autres ne dépassaient pas la ville voisine, ce qui permettait à leurs parents témoignage de la méfiance qui régnait entre les classes de surveiller quelque peu la possible exploitation par les employeurs de leur force de travail ou de leur personne. L'enseignement aidant, les filles commencèrent à leur tour à créer leur cercle d'amis en dehors du foyer, à rêver d'une vie différente et à choisir beaucoup plus souvent leur compagnon parmi leurs relations. Elles avaient accès à la littérature et aux magazines, et, tandis qu'elles se préparaient pour leur futur rôle d'épouse et de mère, elles en venaient progressivement à entretenir de plus hautes ambitions dans les domaines de l'amour et du mariage. [...]
[...] À Berlin, par exemple pour cent seulement des femmes mariées travaillaient à plein temps en 1907, contre 26 pour cent pour l'ensemble du pays et 45 pour cent pour l'ensemble des veuves. Dans les classes moyennes, l'idéalisation affichée de la vie familiale apparaissait encore plus contradictoire. Les mariages tardifs ou de convenance, liée au patrimoine, avaient créé une demande massive dans le domaine de l'amour tarifé. La prostitution recrutait dans les milieux pauvres et était souvent mieux rémunérée que les emplois féminins avouables. Déjà, dans les années 1870, cette double moralité avait déclenché parmi les féministes des croisades contre la légalisation de la prostitution. [...]
[...] Ce qu'ils laissaient derrière eux les vieux, les voisins et les amis ils tendaient à le reconstituer dans leur nouvel environnement ou adaptaient les anciennes valeurs à leurs nouveaux besoins. La lutte tenace pour la préservation des traditions n'était nulle part plus intense que dans la famille, de sorte que les villes offraient le spectacle varié de campagnards venus s'installer en ville et y apportant leurs traditions locales et familiales. Aux périodes de grandes migrations, il était courant de voir des communautés entières s'expatrier vers une ville proche ou s'embarquer pour les Amériques. [...]
[...] Royaume de la femme, l'intérieur se paraît d'un décor confortable et parfois surchargé, dans lequel s'épanouissait la sphère privée composée du couple uni des parents et des enfants à éduquer. Ce modèle de vie s'imposa lentement dans le milieu ouvrier. La polarisation des stéréotypes sexuels n'était pas seulement le produit d'une révolution dans le domaine des idées conventionnelles, ou d'un nouvel intérêt pour l'individu et ses droits ''naturels''. Elle résultait largement de la dissociation du travail et de la vie familiale, et donc, directement, du changement de structure économique du monde en voie d'industrialisation. [...]
[...] La classe dirigeante considérait la famille comme un rempart dressé face à la radicalisation des ouvriers de l'industrie ; pour eux, les socialistes, féministes et autres radicaux détruisaient le mariage et la vie de famille en sapant les assises patriarcales sur lesquelles se fondait la culture dominante de la société bourgeoise. La mise en avant d'aspirations émancipatrices, qui menaçait l'autorité masculine à l'intérieur de la famille, se trouvait donc être une constante source d'inquiétude pour ceux qui visaient à renforcer la stabilité sociale par le maintien des liens ''traditionnels'' du cœur et du foyer. Ce type d'inquiétude trouve son illustration dans la théorie des ''types idéaux de famille'', développée en particulier par le sociologue français F. [...]
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