Tout au long du XIXè siècle, l'école est devenue une affaire d'Etat. Il s'agit en fait d'une guerre scolaire entre l'Eglise, porteuse d'une tradition d'enseignement multiséculaire et un Etat qui prétend s'intéresser et contrôler de plus en plus l'école. L'Eglise se bat pour obtenir la liberté scolaire qui lui donne le droit d'enseigner en toute liberté en dehors de l'Etat. Cependant celui-ci légifère beaucoup en matière scolaire. Déjà la loi Guizot de 1833 avait montré une volonté de l'Etat d'uniformiser le système scolaire puisque chaque commune devait ouvrir une école. En 1850, la loi Falloux avait quant à elle favorisé les ecclésiastiques, qui avait un pouvoir de contrôle sur les enseignants laïcs. Mais dès la fin de Second Empire, les républicains demandent la laïcisation de tout l'enseignement qui permettrait une émancipation administrative pour l'instituteur et idéologique pour les élèves. Le débat sur l'obligation et la laïcité scolaire s'inscrivent donc dans ce long débat.
Par ailleurs, il faut noter que depuis leur arrivée au pouvoir les républicains anticléricaux veulent réaliser l'union spirituelle de la nation dans le cadre d'une société civile, le plus affranchie possible de l'Eglise et des religions. L'instruction doit être un des fondements de cette nouvelle société et de la véritable démocratie. Pour ces républicains, les congrégations représentent la volonté de mainmise de l'Eglise sur la société, notamment par l'intermédiaire des établissements d'enseignement. Ainsi le débat que nous allons étudier se situe à peine quelques mois après l'expulsion des Jésuites et en est d'ailleurs la suite logique.
Paul Bert est né à Auxerre en 1833. Il est licencié en droit et en sciences naturelles puis docteur en médecine. Il a notamment enseigné la zoologie et la physiologie à la faculté des sciences de Bordeaux puis il obtient la chaire de physiologie comparée au Muséum d'histoire naturelle à Paris. C'est à partir de la guerre de 1870 qu'il s'oriente vers la politique en étant successivement préfet du Nord et député de l'Yonne. Il est avec Jules Ferry l'un des pères de l'enseignement primaire gratuit, obligatoire et laïc. Cette dernière caractéristique lui tient très à cœur puisqu'il s'est illustré dans la défense de la Libre-Pensée.
Nous allons donc étudier plus en détail le débat qui a eu lieu devant la Chambre au sujet de cette loi sur l'obligation et la loi scolaire et nous allons voir en quoi le débat et les questions qu'il soulève, permet un enracinement de la République. Pour cela nous allons tout d'abord nous attacher à définir les notions de laïcité et d'obligation ainsi que leurs enjeux et dans un deuxième temps nous verrons que cette loi permettrait un ébranlement de la société traditionnelle.
[...] KNIBIEHLER Y., Les pères aussi ont une histoire, Paris, Hachette. KOTOVTCHIKHINE S., Paul Bert et l'instruction publique, Dijon, Editions de l'Université de Dijon. OZOUF M., L'Ecole, l'Eglise et la République, Paris, Seuil. L'Encyclopédie générale de l'Education française Tome 1 : L'école publique, Paris, Rombaldi. [...]
[...] La société doit favoriser de tout son pouvoir le progrès de la raison publique et mettre l'instruction à la protée de tous les citoyens Dès lors les projets se multiplient. Celui de Bouquer et de Lakanal insiste sur le caractère obligatoire de l'enseignement primaire tout en acceptant de la confier à des institutions privées. Le décret du 27 brumaire an III (17 novembre 1794) instaure un enseignement primaire gratuit (à la charge de l'Etat) et obligatoire pendant trois ans. L'enseignement donné sera le même dans tout le pays et sera basé surtout sur la morale et le civisme. [...]
[...] Le débat renaît donc avec les discussions autour de l'obligation auxquels nous nous intéressons. Ces lois s'inscrivent dans une série de mesures qui montrent la volonté de l'Etat de contrôler de plus en plus l'autorité paternelle, ceci dans le but d'empêcher les abus et de sanctionner les carences de celle-ci. Déjà on avait interdit le travail des enfants dans les manufactures, en 1841, et la mendicité enfantine, en 1874, par exemple. Ainsi l'Etat est le défenseur des droits du père mais il doit veiller de plus en plus à protéger les enfants. [...]
[...] Pour cela nous allons tout d'abord nous attacher à définir les notions de laïcité et d'obligation ainsi que leurs enjeux et dans un deuxième temps nous verrons que cette loi permettrait un ébranlement de la société traditionnelle. I. Des notions problématiques A. Une longue maturation des idées Le débat que lance Paul Bert devant la Chambre des députés le 4 décembre 1880 puise ses sources dans les idées de la Révolution. Nombreux sont en effet les Révolutionnaires qui considéraient que l'instruction du peuple était nécessaire à l'établissement de l'égalité et à la conservation de la liberté. Pour Paul Bert, le combat qu'il mène est un des aboutissements de 1789. [...]
[...] En effet, pour les républicains, le savoir n'est pas un luxe mais un devoir qu'aucune considération religieuse ne saurait entraver. Ainsi, par cette loi sur l'obligation, l'Etat montre qu'il estime devoir imposer à la famille une contrainte en vertu des droits de l'enfant et de la société : il faut venir placer la loi au foyer de la famille, entre le père et l'enfant (ligne 68). Le droit collectif doit l'emporter sur le droit individuel. Paul Bert invite ainsi les parlementaires à considérer non plus l'intérêt du père de famille, sa volonté, son caprice plus ou moins excusable, mais de considérer l'intérêt général de la société Cependant, à partir du moment où l'éducation n'est plus une affaire de famille elle n'est plus destinée à transmettre l'héritage familial mais bien l'héritage républicains. [...]
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