Le 4 Février 1794 (16 pluviôse an II) prolonge un cri lancé, presque trois ans auparavant, en mai 1791 devant la Constituante, par Maximilien Robespierre au colon Moreau de Saint-Méry : "Périssent les colonies plutôt qu'un principe!". Nous sommes sans doute sur la crête ultime de la Révolution française. La suppression de l'esclavage pratiquée dans les îles à sucre et quelques comptoirs fort éloignés ne devrait donc pas constituer une préoccupation prioritaire pour les hommes au pouvoir, car absorbés par les affaires politiques internationales puis le poids des généraux vainqueurs. En effet, quarante-deux mois se sont écoulés depuis la fameuse nuit du 4 août durant laquelle l'Assemblée législative ajourna une autre proposition d'abolition de l'esclavage (après septembre 1791). Lassés d'attendre son application les Noirs et Mulâtres ouvrent un climat vite rendu passionnel par l'irruption dans l'hémicycle de l'Assemblée de trois députés de la partie nord de Saint-Domingue dont la capitale, Cap-Français (aujourd'hui Cap-Haïtien) , était le théâtre d'événements importants. Nous disposons ici d'un extrait du débat où intervient l'orateur Dufay Louis (1753-1815), un Blanc, greffier et fils d'un ancien brigadier du roi au nom de deux autres membres de la députation : un Métis et un Noirs. Cette tricolore apparition soulève d'autant plus l'enthousiasme qu'ils arborent l'écharpe de parlementaire et la cocarde républicaine. Les propos retenus du discours de Dufay monté à la tribune rapportent en détail les conditions dans lesquelles le missionnaire de Paris, Sonthonax a accordé un droit dont les intéressés s'étaient d'ailleurs déjà saisis par la violence. Il s'efforce de justifier les arrêtés d'août comme des cas de force majeure.Il propose une politique de guerre commune. Il est relayé par Levasseur René (1747-1834), (mémorialiste et député de la Sarthe) et sa vive déclaration qui n'est pas à proprement parlé l'état d'esprit de la Convention montagnarde.
[...] C'est la question qui nous vient dans et extrait de discours. Les colonies françaises -dont la partie occidentale de St- Domingue- sont en fait, affectées par un certain nombre de troubles et connaissent les premières fractures d'un système fondé sur la ségrégation et surtout sur l'esclavage. Les esclaves s'y prêtent vivement et de façon stratégique (on y reviendra pour soutenir le fondement de Levasseur) considérant qu'il s'agit d'une bonne occasion. On entend bien là que les informations circulent, elles sont rapportées de bouche à oreille, de sorte que les événements de la Capitale ne sont pas inconnus des communes avoisinantes et les idées se partagent au-delà des clôtures. [...]
[...] On comprend la déclaration des nègres (l.4). Ils se disent Français, ils se sentent Français, ils se veulent républicains. C'est une volonté d'être assimilés, reconnus comme alliés aux Blancs, dans leurs combats. Ils veulent être vu autrement, comme des êtres à part entière et marchandent l'émancipation. Encore une fois, ils seront au service d'un tiers, ils vendront leurs forces, leur bravoure, mais cette fois-ci avec une récompense à la clé à valeur humanitaire. Ils veulent être vus tout simplement, comptés parmi un groupe supposé fort, le groupe dominant et y gagner pour eux, pour ses droits dont ils ont désormais conscience. [...]
[...] Le souvenir du 16 pluviôse an II est plus qu'un prétexte à liturgie commémorative: s'il nous permet de rappeler que la lutte continue, que rien n'est donné, que la prise de conscience est lente, mais aussi que cette histoire initialement française appartient désormais à ses acteurs, et plus largement au patrimoine de l'humanité, au rang des grandes anticipations dont la Révolution est porteuse. Bibliographie _J.Adélaïde-Merlande, La Caraïbe et la Guyane au temps de la Révolution et de l'Empire éd. karthala B.S 972.9 ADE -Marcel Dorigny(dir.), Les abolitions de l'esclavage de L.F. Sonthanax à V.Schoelcher éd. UNESCO, coll. PUV B.S. 326-1 ASS. [...]
[...] Aussi, dès juillet 1793, un décret de la Convention supprime les primes pour la traite des esclaves. Le rôle de Dufay avec ses deux compagnons est (je le souligne), de justifier la mesure prise le 29 août 1793 par Sonthanax, représentant de la République. Plus qu'une ingénuité ou une insouciance de la part des esclaves, l'impression dépeinte par les propos de Dufay est celle d'une forme d'abus de circonstances. Les esclaves profiteraient de la situation défavorable pour aspirer à des faveurs en contrepartie de leur soutien. [...]
[...] Biondi, F. Zuccarelli Pluviose an II les colonies de la Révolution, éd. Denoël, coll. L'aventure coloniale de la France.1989. B.S 326-1 BIO. _Y.Benot, La Révolution française et la fin des colonies, 1789-1794, Sciences humaines et sociales, La Découverte/ Poche. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture