« Il y a en France deux peuples, non par différences de fortunes, mais, ce qui est pis, par différence d'éducation et d'esprit ». C'est ce qu'observe l'historien Jules Michelet en 1833, et cela est juste pour toute l'Europe au milieu du XIXe siècle. Entre 1850 et 1914, on assiste à l'affirmation progressive de deux cultures distinctes. On trouve tout d'abord une culture savante, qui comprend les cultures scientifique, artistique, historique et philosophique des élites en place. Ces élites sont encore formées d'aristocrates dans certains cas, ou de bourgeois dans les Etats les plus libéraux, comme la France ; elles ont pu profiter de leur éducation et de leurs traditions pour faire progresser la culture savante. À l'opposé, il existe une culture populaire, qui prend corps dans les catégories sociales plus modestes, rurales, urbaines ou ouvrières, et se développe au cours de la période. L'étude de la seconde moitié du XIXe siècle conduit au questionnement de ces cultures, de leurs contenus, de leurs oppositions, de leurs interactions, et éventuellement de leur concurrence, au moment où l'Europe domine le monde et tente d'exporter son modèle dans les colonies. Entre opposition, coexistence et uniformisation, comment les cultures savantes et populaires évoluent-elles en Europe entre 1850 et 1914 ? Afin d'étudier les liens qui existent entre ces deux cultures et leurs différentes déclinaisons, la première partie montrera les rapprochements et les oppositions qui existent entre culture savante et culture populaire au début de la période. Puis une seconde partie analysera les profondes remises en cause que connaîtra la culture savante à la fin du XIXe siècle. Enfin, la dernière partie observera l'émergence d'une culture de masse sans précédents au début du XXe siècle.
[...] Parallèlement, la multiplication des ouvrages de fiction comme les romans de Jules Verne, ou de vulgarisation, dont ceux de Louis Figuier ou de Camille Flammarion, participent également à cette diffusion, sous la forme d'une vulgarisation intelligente. Ainsi, la culture savante est en crise à la toute fin du XIXe siècle, une crise qui nourrit également le débat entre culture laïque et culture religieuse Culture laïque ou culture religieuse ? Religion savante ou religion populaire ? Au XIXe siècle, en Europe, le mouvement général est celui d'un desserrement des liens entre religion et Etat, c'est-à-dire d'un processus de sécularisation plus ou moins agressif selon les pays. [...]
[...] Des éditions moins onéreuses sortent des imprimeries et toute la population est lectrice en Europe occidentale. Des personnages de fictions sont créés et leurs aventures rencontrent une large diffusion ; c'est le cas en France d'Arsène Lupin créé par Maurice Leblanc, de Rouletabille inventé par Gaston Leroux, ou de Fantômas imaginé Pierre Souvestre et Marcel Allain. Les genres littéraires se diversifient, avec l'apparition de la science-fiction sous la plume de Jules Verne ou de H.G. Wells en Grande-Bretagne. Les plus jeunes se passionnent pour les bandes dessinées, comme le montre l'apparition de Bécassine en 1905. [...]
[...] D'une part, une certaine attraction des ouvriers pour la culture des classes dirigeantes conduit à certaines formes de mimétisme, par exemple à travers les mœurs vestimentaires et le costume du dimanche Mais d'autre part les ouvriers se montrent méfiants, comme le montre bien l'expression eux et nous (Richard Hoggart). Ainsi on observe à partir des années 1880 des tentatives de contre-cultures. La première contestation naît du monde ouvrier, plus précisément des syndicalistes qui veulent promouvoir une réelle culture populaire, totalement indépendante des classes supérieures. Mais la tentative tourne court. Les interactions entre milieu cultivé et milieu populaire sont en fait inévitables. Très tôt, l'enfant des milieux aisés, en contact permanent avec les domestiques, se trouve confronté à un univers socioculturel populaire. [...]
[...] Cependant, certains pays comme la Russie et l'Italie connaissent un retard sensible puisque 50% de leurs populations ne savent ni lire ni écrire en 1901. En outre, fréquenter le lycée demeure un signe de bourgeoisie. Admis aux classes élémentaires payantes des lycées, les fils de notables n'ont pas de contact avec ceux des paysans et ouvriers. L'obstacle n'est pas uniquement matériel : l'enfant issu des classes populaires est vu comme un déraciné culturel Par ailleurs, la place accordée aux humanités gréco-latines maintient les fractures sociales. [...]
[...] Liée au poids important du monde rural, une culture populaire traditionnelle spécifique se maintient. Cette dernière est essentiellement orale, diffusée par les almanachs et les livres de piété et composée de récits légendaires, de chansons, de danses et de rituels en tout genres qui trouvent leur moyen d'expression à l'occasion de cérémonies familiales et de fêtes agraires comme les feux de la Saint-Jean ou de veillées hivernales. Mais du fait de l'industrialisation, le monde ouvrier constitue également un groupe essentiel à l'affirmation d'une culture populaire. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture