Walter Lippman (1889- 1974) était un journaliste, commentateur politique influent et écrivain américain. Après ses études à Harvard, il s'orienta vers une prometteuse carrière dans la diplomatie et devint conseiller de Wilson. Contemporain de Théodore Roosevelt et Richard Nixon, il observa la vie politique américaine pendant un demi-siècle dont trente ans au New-York Herald Tribune en tant qu'éditorialiste pour la rubrique syndiquée Today and Tomorrow. Deux traits saillants marquèrent son engagement et ses analyses politiques : une affiliation libérale originelle (au sens américain du terme, antonyme de conservateur) qui, au fil des années, se teinta de pragmatisme ; le New Deal et la Seconde Guerre mondiale achevant d'en faire un réaliste modéré. Ainsi, au cours de sa carrière, il soutint indifféremment présidents républicains et démocrates mais condamna les conflits coréen et vietnamien.
Cet extrait de The Cold War, un recueil de 12 articles publiés dans le NYHT est une réponse critique à l'article de George Kennan, The Sources of Soviet Conduct, publié dans la revue Foreign Affairs en juillet 1947 lorsqu'il était à la tête du Policy Planning Staff, sorte de think tank interne au Département d'Etat, chargé des analyses prospectives et de conseiller le secrétaire d'Etat. L'article de Kennan est une reprise du long télégramme, document officiel rédigé en 1946 alors qu'il était chef de mission à Moscou. Ce texte forgea le terme d'endiguement et servit de base de réflexion à l'élaboration de la doctrine Truman.
Cette réponse dense et élaborée éclaire les débats de l'époque sur le choix d'une réplique étatsunienne pour contrer l'avancée russe. C'est à la fois un état des lieux du rapport de forces américano-soviétique, une analyse structurelle du modèle étatsunien face aux enjeux futurs de la Guerre Froide et une analyse stratégique personnelle qui nous renseigne sur la personnalité et la filiation idéologique de l'auteur.
La thèse de Lippman postule l'inadéquation du « modèle » étatsunien à une politique d'endiguement longue et coûteuse, dénonce le manque de discernement quant à la nature réelle de l'expansionnisme communiste et trace les contours d'une politique extérieure alternative basée sur l'initiative et la diplomatie ouverte plutôt qu'une présence massive de troupes aux quatre coins de la planète pour « tenir le front ».
A la lecture de cet article, quelle vision stratégique y apparaît en filigrane ?
A travers le rejet -dont il faudra étudier le fondement et les limites- de la politique d'endiguement de Truman (I), que préconise Lippman pour qu'« un équilibre des pouvoirs stable pui[sse] s'établir » (II) ?
[...] Le Department of the Air Force nouvellement crée restait séparé mais sous l'autorité du secrétaire à la Défense. L'autre création est bien sûr celle de la CIA, agence de renseignements et de contre-espionnage. Dès 1947, donc, le pays se dote d'un appareil de Défense intégré et d'une agence de renseignements. Le Comité des chefs d'États-majors interarmes (Joint Chiefs of Staff - JSC) qui comprend les membres les plus gradés de chaque branche principale des services des Forces armées du pays deviennent les principaux conseillers militaires du Président. [...]
[...] Au 30 juin 1947, l'Armée était composé d'un corps de volontaires de soldats dans l'armée de terre et pour l'armée de l'air (la Marine était réduite à une force de hommes, les Marines Corps à 92 000). Il n'en reste pas moins que c'est une armée plutôt bien fournie en temps de paix. Malgré tout le manque de personnel de maintenance était criant ce qui accéleré la détérioration des équipements et les unités restantes étaient souvent sous-entraînées. C'est donc une Armée moins efficace. [...]
[...] Ce qu'on a appelé la tactique du salami Hors la question est bien de savoir à quelles conditions l'Armée rouge peut être persuadée d'évacuer l'Europe La clé de la théorie de Lippman, c'est le retrait mutuel des troupes étasuniennes et britanniques parallèlement au reflux de l'Armée Rouge de Yalta (Ukraine) aux nouvelles frontières de l'URSS c'est-à-dire qu'il accepte implicitement l'annexion des trois baltes en plus de Kaliningrad et de la Carélie finlandaise. Ainsi chaque pays pourrait déterminer sa destinée de façon autonome. Lippman postule donc que les Communistes ne seraient pas en mesure de l'emporter. Ainsi on pourrait établir un équilibre des pouvoirs et en revenir à une diplomatie traditionnelle Quant aux Etats-Unis, ils doivent s'en tenir à des alliances naturelles avec l'Europe de l'Ouest et l'Amérique Latine. [...]
[...] Ce qu'il faut retenir à la lecture de cet article c'est que Lippman prône une politique très ferme à l'égard de l'URSS mais que c'est précisément sur la nature de la stratégie à adopter que ses vues divergent avec celles de Kennan. Au point de vue idéologique, on peut parler de filiation wilsonienne actualisée et plus exactement, rationalisée. Un mélange de réalisme, de pessimisme mais aussi de messianisme. Une politique saine et une politique qui est adaptée au pire des scénarios et non au meilleur Lippman savait parfaitement que l'URSS continuerait à s'étendre si les Etats-Unis n'empêchaient pas cette expansion. [...]
[...] 402-406. Disponible sur JSTOR. J. William Robinson, review of Walter Lippmann's Philosophy of International Politics, Anwar Hussain Syed, Western Political Quarterly, Vol No (Sep., 1965), pp. 726-727. Disponible sur JSTOR Douglas H. Carlisle, review of Walter Lippmann's Philosophy of International Politics, Anwar Hussain Syed , Journal of Politics, Vol No (May, 1965), pp. 404-406. Disponible sur JSTOR. [...]
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