L'essentiel de l'urbanisation de la banlieue parisienne dans le premier tiers du XX° siècle se fait sous forme de lotissements , découpage parcellaire de terrains en petites parcelles de 400 à 500 m2 , vendus sans équipement à des acquéreurs individuels qui ont le projet d'y construire un pavillon pour y loger leur famille.
Ce nouveau processus d'urbanisation se généralise après la Première Guerre mondiale et correspond à une mutation de l'offre immobilière : une nouvelle génération de spéculateurs, les lotisseurs, vendent des parcelles de terrain nu, sans équipement aucun , en profitant de l'absence de toute législation régulant la croissance de l'agglomération. Le succès du processus est lié à une mutation de la demande de logement dans les classes populaires urbaines ; sur fond de crise du logement , la banlieue devient un espace choisi par les ouvriers et les employés , qui acceptent l'exode loin de la capitale ou de la banlieue industrielle pour accéder à la propriété de la maison individuelle, au grand air, loin de la ville dense.
Ce sprawl imprévu s'étend sur 16000 hectares en périphérie, créant une nouvelle banlieue au de là de l'ancienne banlieue industrielle limitrophe de Paris ; sur ce total , 10 000 hectares sont considérés comme défectueux , c'est à dire sans aucun aménagement urbain ni réseaux . A la fin des années 1920, 400 000 mal lotis, comme on les appelle alors, campent dans la boue de leurs nouveaux quartiers improvisés sans routes, sans égouts, sans eau ni électricité le plus souvent. L'épisode fait scandale, et la crise urbaine conduit l' Etat à intervenir après coup ,pour réparer les dégâts de cette extension anarchique. Les leçons tirées de cette crise conduisent les hommes politiques , les urbanistes et les aménageurs à condamner pendant quarante ans l'extension pavillonnaire laissée à l'initiative privée ; la mémoire de la crise des lotissements défectueux reste vive aux lendemains de la Seconde guerre mondiale, et conduit à privilégier la construction d'habitations collectives , les grands ensembles, dans le cadre d'une politique dirigiste.
[...] La banlieue choisie Construire dans un lotissement permet de bénéficier d'un ensemble de libertés nouvelles. Cela permet d'avoir un chez soi, d'enraciner sa famille sur une parcelle de terrain, d'être en sécurité après les bouleversements dus à la guerre, la dépréciation du franc et l'inflation. La liberté dans la gestion de l'espace est immédiate : à la maison s'ajoutent le jardin mais aussi un auvent, des appentis, des latrines, une buanderie, un poulailler, un clapier, etc. La liberté essentielle est aussi celle de la maîtrise dans le temps du projet résidentiel : l'achat du terrain se fait en plusieurs années, au rythme des versements hebdomadaires ; sur le terrain est édifiée d'abord une cabane de jardin pour les sorties du dimanche en famille ; puis est construite peu à peu une maison plus grande et plus solide, en fonction des ressources et des disponibilités de la famille. [...]
[...] Ces lois ont transformé l'allure des lotissements et les ont pérennisés, les colonies de bicoques devenant des quartiers pavillonnaires respectables. Un nouveau modèle de croissance de l'espace banlieusard . L'épisode des lotissements de l'entre-deux-guerres offre un modèle unique dans la croissance des banlieues françaises : - découpage en parcelles par un spéculateur qui ne construit pas les habitations, -passage à un rythme souple et individuel du bidonville temporaire au quartier de résidence permanente, -viabilisation et aménagement après coup à l'aide de la puissance publique poussée par les revendications des nouveaux venus mécontents. [...]
[...] Le plan Prost (1934-1939) tente de rattraper a posteriori les lotissements et de les intégrer dans le zoning esquissé alors en région parisienne. Cette solution traduit aussi le triomphe des principes républicains : favoriser l'accès des couches populaires à la propriété, protéger les petits contre eux-mêmes et contre les gros qui les ont trompés, faire jouer à l'État son rôle tutélaire. Ces quartiers de pavillons, improvisés sur des terrains bon marché découpés au hasard de la spéculation et des opportunités foncières, ont fixé pour longtemps la trame urbaine des communes de banlieue. [...]
[...] À terme, les parcelles se couvrent de maisons individuelles. Les lotisseurs sont des privés qui construisent du public, leur logique est celle du propriétaire foncier qui entreprend de valoriser son bien en minimisant ses dépenses, mais l'aboutissement est la création de véritables quartiers de ville. La question centrale est celle de la voirie. Les rues, simples chemins de terre, sont des voies privées que les communes, débordées par l'afflux imprévu des nouveaux banlieusards, sont incapables d'intégrer dans la voirie communale. [...]
[...] Le lotissement, espace uniquement résidentiel, banlieue -dortoir permet aussi de fuir la proximité de l'usine et de ses fumées, au prix d'un étirement épuisant de la distance au travail. Les nouveaux banlieusards acceptent de perdre la résidence à proximité de l'usine ou de l'atelier, qui était de règle chez les ouvriers parisiens. Il s'agit aussi de devenir propriétaire, et de quitter le statut de locataire , avec la surveillance constante de la concierge, du propriétaire et la crainte de l'augmentation des loyers. [...]
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